Les armements corsaires à Fécamp

 

La guerre de course désigne les opérations navales menées par les corsaires ; elle eut lieu surtout au 18ème siècle entre la France et l’Angleterre, au cours de ce qui fut appelé « la nouvelle guerre de cent ans ».

 

COUCHÉ (1782-1849) GRAVURE Miniature Port Fecamp Normandie Bateau Marine  1810 - EUR 26,99 | PicClick FR

 

 

Aux côtés des grandes cités corsaires, Fécamp participa à la chasse aux navires de commerce anglais … Fécamp ne resta pas en arrière des autres ports du littoral – cité dans « Les fastes de la Marine Française » par Charles de Ribelle - Concernant les bateaux armés en course, notre port figurait en bonne place pour en fournir lorsque les circonstances l’exigeaient, déjà au XVIème siècle mais surtout sous la Révolution et l’Empire,

 

Pendant toutes les guerres de l’ancien régime, le port de Fécamp prit, aussi bien qu’à Dieppe, une part active aux expéditions de course.

 

Dès le 11 juin 1522, un navire de Fécamp monté par un grand nombre de gens de guerre et commandé par Louis Leparmentier, Fouque et Leriche, se trouvant en rade du Havre guettait un navire anglais le Georges qui était venu apporter du charbon de terre, fondit sur lui et s’en empara ; malgré le sauf-conduit accordé aux anglais ; mais le Parlement de Rouen déclara cette prise nulle.

 

Pendant la guerre avec l’Espagne, en 1574, on dénombre soixante navires et barques équipées en guerre qui courent la mer. Leurs capitaines huguenots étaient pour beaucoup des Normands originaires de Fécamp, de Dieppe et d’Yport qui s’étaient « repliés » à La Rochelle.

 

En 1564 et 1565, trois bateaux fécampois, La Perle, Le Vœu et L’Epervier figuraient sur la liste des navires armés en course, pour faire la chasse aux bateaux espagnols qu’ils n’hésitaient pas à poursuivre jusque dans la mer des Antilles.

 

Lors de la guerre de Sept Ans avec l’Angleterre, la pêche à la morue sur le banc de Terre-Neuve étant interdite, bon nombre d’armateurs, pour occuper leurs équipages restés inactifs, se lancèrent à la poursuite des navires anglais ou de ceux qui étaient chargés de marchandises à destination de l’Angleterre. Munis d’une commission de guerre délivrée par l’amirauté, combattant sous le pavillon de France, mais pouvant arborer par ruse des pavillons étrangers, les corsaires fécampois ramenèrent souvent de bonnes prises qui étaient adjugées aux enchères. Tout stimulait, du reste, l’ardeur des marins normands : la haine séculaire de l’Anglais… et les primes données par le roi : 100 livres pour chaque canon enlevé à l’ennemi, 30 livres pour chaque homme d’équipage quand il y avait eu combat.

 

Le 21 août 1760, le terre-neuvier Saint-Léger de Fécamp, capitaine Ridel ; armateur veuve Rigout est pris par les anglais.

Le Roi prête à Fécamp un bateau de sa marine pour réaliser une opération corsaire, sous le commandement de Jean Gilles d’Yport, avec la plupart des matelots de la région tous réunis à Fécamp le 7 mai 1762.

 

Lorsqu’éclata la guerre de l’Indépendance américaine, la course reprit de plus belle, plus active, plus enragée ; bien que les rapports de mer de l’Amirauté fécampoise aient pour la plupart disparu, on n’en a pas moins conservé le souvenir des exploits des corsaires fécampois. Un dénommé Lesage de Fécamp arma Le Phénix pour la course.

 

Le 7 septembre 1778, le corsaire Le Rusé rentre au port ayant à sa remorque le sloop anglais Le Soleil Levant qu’il avait pris en mer.

Le 30 septembre 1778, le corsaire Le Furet amène à Fécamp le sloop La Betzy, pris aux anglais.

Le 30 novembre toujours de 1778, le corsaire La Racrocheuse, dite aussi Rochecreuse ! avec pour armateur Bernard Cléry et capitaine Fiquet, est obligé de soutenir devant Fécamp le même jour deux combats terribles contre les croiseurs anglais qui, malgré leur supériorité, ne peuvent s’en rendre maîtres. Informé de ces beaux faits d’armes, le ministre de la marine félicite Fiquet pour sa bravoure et son sang-froid, et le capitaine-corsaire est porté sur la liste des récompenses royales ; il sera  finalement capturé le 1er septembre 1779.

 

Le 22 mars 1779, le corsaire du Havre Jean Bart capitaine Cottin, amène à Fécamp trois prises anglaises : la Marie de 200 tonneaux revenant sur lest qui a été pris à l’abordage, le brigantin Neptune de 100 tx et le sloop Dove de 50 tx, ces deux derniers chargés de charbon.

 

Le gouvernement est, du reste, si satisfait des services rendus par les corsaires normands, que pour utiliser les navires étrangers capturés par la flotte française, il les donne aux armateurs fécampois, et non seulement il fournit les navires, mais il offre l’artillerie nécessaire pour les armer. Il ne reste plus qu’à recruter les équipages et ceux-là se trouvent facilement, séduits par les avances et par la part de prise !

 

Voir « Par ci par là, étude d’histoires et de mœurs normandes » de Georges Dubosc -

« L’état des défenses militaires de la côte de haute Normandie à l’époque de la guerre de Sept ans » par l’abbé Edouard dans le bulletin 1919-1920 de l’Association des Amis du Vieux Fécamp.

Charles Pollet : «Ephémérides fécampoises » imprimerie Durand 1914.

 

 

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Au cours des guerres de la Révolution et de l’Empire, à Fécamp, on n’armait pas moins qu’à Dieppe alors pour la course.

On pouvait y dénombrer la liste suivante :

-           L’Actif armateurs Clery et Thurin

-           Le Jeune Benjamin armateur Jean Collos

-           Le Chevalier armateur Mouquet

-           Le Coureur armateur Lethuillier

-           Le Hazard armateur Dubois

-           L’Avanturier armateur Auber

-           La Racrocheuse capitaine Fiquet

-           Le Génie capitaine Pollet

-           Le Requin capitaine Thireux

-           La Gabrielle

-           Le Mercure

 

Le capitaine Pollet, sur Le Génie se distingua par la prise à l’abordage du navire anglais Le Phénix, armé de 18 canons, puis d’un autre navire armé de 12 canons, ce qui lui valut l’attribution sur ordre de l’Empereur de la Légion d’Honneur.

 

C’était le Félix, la Flore, l’Espoir, auquel une seule capture rapportait 700.000 francs. C’était également la Clarisse, le Modeste, l’Aurore, le Mercure, mais dont les équipages, faits prisonniers, furent entassés sur les pontons anglais ; c’est le Wimereux qui, en l’an XII, accepte à lui seul le combat avec quatre corsaires anglais ; c’est le Heureux-Hasard et le Hussard, commandés par le capitaine Desprairies qui, fait prisonnier, s’échappe des prisons anglaises.

 

Jean Merrien dans son ouvrage « Corsaires et flibustiers » cite à Fécamp pour la période de la Révolution et de l’Empire les capitaines : Lauchon (Charles Jean Lanchon ?), Martin, Lemaire, Sansot, Hamon.

 

Napoléon Gallois, auteur de « Les corsaires français sous la République et l’Empire » , nous indique que Fécamp, protégé par des batteries fut souvent un lieu de relâche des corsaires français et de leurs prises ; que Fécamp eut même ses corsaires à lui ; le journal « Le Moniteur » du 23 février 1793 annonce l’armement de deux corsaires, le « Requin » et le « Hasard » ; le port était presque continuellement surveillé ou bloqué par des croiseurs britanniques qui le 27 fructidor an XI firent une tentative de bombardement - avec une trentaine de boulets, mais sans tuer ni incommoder personne.

Le « Requin », au début de l’an IV fit une croisière de 25 jours et réussit à amariner 10 navires ennemis ; en pluviôse an V, avec Lauchon pour capitaine, il prit le brick anglais John et la goélette Flora ; en l’an VIII, commandé par Martin, il capture le Keeling.

Le « Hasard », en l’an IV, sous le commandement de Lemaire, amarine le brick James et Mary ; puis sous les ordres de Sansot, le cutter Isabelle ; en l’an VI, il poursuit la course avec Sansot ; le 13 messidor an VII, il prend le navire Hambourgeois  Jeune Catherine, en Vendémiaire an XII, commandé par Hamon, il prend le brick anglais Hammond, une coincidence !

 

Le 30 décembre 1804, le lougre français Le Wimereux, armé en course, capitaine Pollet, entre au port ayant à son bord sept prisonniers anglais qu’il a pris dans un combat soutenu contre deux croiseurs et un corsaire anglais qui l’avaient attaqué de concert ; mais le Wimereux eut 10 hommes de tués et 10 autres blessés.

 

Le 11 août 1809, le corsaire L’Espoir ramène à Fécamp The Experiment pris aux anglais dont la vente a produit 772 781 livres.

 

Le 24 décembre 1810, on voit rentrer dans le port de Fécamp, une goélette anglaise le Griffon montée par 24 français ; ces français étaient retenus prisonniers sur les pontons anglais de la rivière Teythmouth dans le Devonshire ; ils avaient réussi à s’en évader à la nage et sous le commandement de l’un d’eux, Nicolas Larrien aspirant à la Marine Impériale, ils s’étaient emparés de cette goélette mouillée à quelques encablures, ils avaient pu prendre la mer et échapper aux croisières anglaises. Ils ont reçu pour leur courage les félicitations du Commissaire de la Marine.

 

Un autre fait dénote l’importance de l’activité corsaire : lorsque les équipages de notre port étaient au complet, les marins fécampois n’hésitaient pas à aller s’engager corsaires dans les ports voisins, tels Auguste Valin, Aimable Simon, Félix Dutriau, Auguste Delassise, Daniel Caron, Jean Lefebvre, Charles Colinet et quantité d’autres …

 

source : Une mise au point sur le passé maritime de Fécamp par Daniel Banse dans le bulletin 1937 de l’Association des Amis du Vieux Fécamp

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La Course, un « sport national » auquel donc Fécamp participa réellement mais toutefois dans une moindre mesure que les autres ports dénommés « les nids à corsaires » …

 

                                                                                                                      Y. D. F.

 

Sources :

Dubosc, Georges (1854-1927) :  « Les Corsaires normands » 1898.

Charles Pollet : «Ephémérides fécampoises » imprimerie Durand 1914.

Les ouvrages de Adolphe Bellet et de Léopold Soublin

Le site www.jjsalein.com/bdcorsair/