Le meilleur moment pour réaliser des coupes forestières

 

 

Le meilleur moment au cours de l’année

 

En cours d’année, le moment de l’abattage d’un arbre est influant sur le comportement au séchage de la grume, sur la densité finale du bois, sa résistance mécanique, sa durabilité.

 

I – L’abattage d’hiver

Ce facteur est le plus important ; l’on sait que le « bois d’hiver » est vidé de sa sève.

Les bois d’été sont un meilleur substratum pour le champignon que les bois d’hiver … Entre le bois sain coupé en hiver d’une part et le bois sain coupé au commencement de l’été d’autre part , pour le même poids de Merulius et de bois sain, le premier contient 3200 fois plus d’acide phosphorique que le bois d’été, et seulement 248 fois plus de cet acide que le bois d’hiver. Ceci explique que le bois coupé au printemps ou en été soit une proie bien plus facile pour le Merulius que celui qui est abattu en hiver  (Le bois par J Beauverie 1905)

En Russie, Norvège, Suède, Finlande et Canada, l’abattage des arbres et limité aux mois d’hiver ; aux Etats-Unis ou en France, l’abattage à lieu en continu toute l’année … Lorsque l’abattage est fait pendant les mois d’été, la tendance de l’aubier à se détacher est compensée par l’immersion des grumes dans un étang (bulletin de l’Académie d’Architecture du 1er janvier 1919)

Les « bois d’hiver » sont dits de premier choix ; ils passent pour être plus durables, d’une conservation parfaite.

Parfois une teinte violette apparait ; celle-ci est révélatrice du bois d’hiver ; le bois d’hiver contient des particules d’amidon qui bleuissent au contact de la teinture d’iode ; il suffirait donc de répandre un peu de ce produit sur le bois : s’il bleuit, c’est du bois d’hiver ; s’il conserve sa couleur ou si celle-ci devient simplement plus foncée, c’est du bois de printemps ou d’été (Annales des Travaux publics de Belgique 1908)

Le bois d’hiver est réfractaire à la porosité ; cette qualité est importante pour la confection des douves de tonneaux …

Des expériences ont été réalisées sur quatre pins puis sur quatre chênes identiques mais abattus différemment le premier en décembre, le second en janvier, le troisième en février et le quatrième en mars ; la flexion des sommiers, la pourriture des pieux réalisés dans les branches, la porosité des barils de chêne, sont régulièrement plus importantes sur les abattages de mars que ceux de décembre ; les bois abattus en décembre sont beaucoup moins spongieux (L’Année Scientifique 1909)

Mais l’hiver est aussi une période de chasse ; alors, le bûcheron et le chasseur se doivent de cohabiter …

Par ailleurs, les responsables de la biodiversité sollicitent que les abattages ne se réalisent pas pendant les périodes de nidification des animaux, au printemps …

 

II - Les règles d’abattage liées aux phases de la Lune

« Bois tendre en cours, bois dur en décours » disait-on autrefois

Le meilleur bois de construction s’obtient par des abattages en phase décroissante de la Lune

Le naturaliste grec Théophraste d’Eresos (372-287 avant JC) dans son « histoire des plantes » précise : « Il y a une saison appropriée pour abattre les arbres, et dans cette saison, si la coupe est réalisée au début de la Lune décroissante, le bois devient plus dur et moins sensible aux pourritures. »

Pour être précis, le meilleur moment serait donc le début de la phase lunaire décroissante.

 

(sources : « Les arbres, entre visible et invisible » par Ernst  Zürcher, éd. 2021, Acte Sud Babel)

 

Le meilleur moment en fonction l’âge de l’arbre

 

En gestion forestière, le moment opportun pour couper les arbres fait partie d’une stratégie de bonne gestion. Couper les arbres représente une nécessité, au même titre que les plantes semées puis récoltées en agriculture. Mais à quel moment dans la vie de l’arbre faut-il réaliser la coupe ? L’agriculteur étudie avec attention la date propice pour réaliser sa moisson, mais qu’en est-il de la décision du gestionnaire forestier ?

 

 

Dans les données habituelles qui circulent sur la question, chaque essence d’arbre a sa propre réponse, en fonction de plusieurs critères : l’âge du pied d’arbre, son état apparent de maturité, sa hauteur et son diamètre, et donc son volume, son prix à la vente, l’usage auquel il est destiné, les opportunités de vente, les besoins du marché …

Dans les grandes lignes, les arbres feuillus sont récoltés entre 70 et 140 ans, les arbres résineux le sont plus rapidement entre 40 et 70 ans ; certaines essences ont des rotations encore plus courtes, le Châtaigner, le Robinier, ainsi que tous les taillis …

En forêt, le moment opportun de la coupe n’est pas toujours évident à connaître, il n’y a pas de moment propice comme cela peut l’être en agriculture ; il faut résoudre une sorte de problématique avec, à la clef, une décision importante ; couper un ou plusieurs arbres n’est pas un geste anodin ; les enjeux portent autant sur la rentabilité de la forêt que sur son orientation et son avenir.

Force est de constater qu’au moment pressenti pour la coupe, l’accroissement de l’arbre est parfois, et encore, à son maximum, tant au niveau du volume de l’arbre que de sa valeur marchande calculée au m3.

Un chêne âgé de 70 ans est en pleine maturité, avec par exemple un diamètre de 55 cm et une hauteur exploitable de 12 m ; son volume est alors de 2 m3 ; sa progression annuelle est de l’ordre de 5% ; son prix sur pied est de l’ordre de 150 euros le m3, soit en tout 300 euros pour la grume, plus la valeur du houppier. Si l’on coupe et replante, une nouvelle valeur de 300 euros ou l’équivalent ne se retrouvera qu’au bout d’un nouveau cycle de 70 ans. Mais si au contraire on prolonge l’arbre, par exemple de 20 ans de plus, celui-ci atteindra alors 4 m3, avec une valeur de l’ordre de 250 euros le m3, soit au total 1000 euros (voir un tableau comparatif ci-après).

Certaines essences prennent de la valeur avec l’âge, par exemple le chêne ou bien le douglas ; d’autres espèces, comme le pin maritime, ont une progression plutôt linéaire, avec même une baisse de valeur sur les forts diamètres du fait du sous-équipement des certaines scieries pour le traitement des gros pieds. La rotation de ces arbres est alors plus courte, ramenée à 40 ou 50 ans ; sur ce point, il parait intéressant de comparer le résultat de deux rotations de 40 ans de pins maritimes, avec une seule rotation de 80 ans (voir tableau comparatif ci-après).

Quand on a l’idée de prolonger la vie de l’arbre au-delà des règles habituelles, il faut aussi tenir compte des risques de maladies, de tempêtes, de dépérissements, plus importants et plus dommageables sur les vieux pieds. Il est regrettable de voir dépérir une série d’arbres alors qu’elle aurait pu être exploitée un peu plus tôt ! Mais, il est tout aussi regrettable de couper des arbres alors que leur progression en volume est encore à son maximum…

Cette décision de couper devrait si possible se faire selon des données objectives, et non pas à partir des premières sollicitations du marché ou encore de celles de certains intermédiaires ; il y va de l’intérêt de la forêt elle-même et aussi de son propriétaire. La forêt, pour sa part, contrairement aux idées préconçues, réclame de la lumière pour son renouvellement et sa survie ; elle égraine régulièrement tous les automnes mais de façon stérile dans les forêts fermées et sombres. Le propriétaire, lui, a besoin d’un meilleur revenu possible mais surtout d’un revenu régulier ; il doit aussi s’attacher à la préservation de son capital c’est-à-dire au maintien de la valeur de la forêt et également d’un élément complémentaire au revenu, non négligeable, la plus-value latente.

 

Nous allons prolonger nos propos par des graphiques relatif à :

-          La croissance du chêne

-          La croissance du sapin de Douglas

-          La croissance du pin maritime

 

 Il faudra aussi examiner quelques comparatifs dans les rotations :

-          Comparer une plantation de pin maritime de 80 ans avec deux plantations successives de 40 ans

-          Comparer une plantation de chênes de 140 ans avec deux plantations successives de chênes de 70 ans

-          Comparer une plantation de chênes de 140 ans avec deux plantations successives de sapins de Douglas de 70 ans

 

PS : Il faut bien se dire et accepter le fait que couper les arbres des forêts représente une nécessité ; nous avons tous forcément une appréhension au moment de la coupe volontaire et de la chute d’un arbre, mais nous n’aurons pas, en plus, un état d’âme critique, car la nature, par elle-même, a besoin de se renouveler pour laisser de la place et de la lumière aux jeunes pousses.

       

 

 

 

 

 

  v

 

 

 

 

 

 

 

Tableau comparatif entre une plantation de chênes de 140 ans

et deux rotations de chênes de 70 ans

Année

Valeur

Prélèvement

Une rotation

Prélèvement

Deux rotations

0

0

 

 

10

0

0

0

20

129

166

166

30

436

174

174

40

1012

253

253

50

1393

464

464

60

6875

1375

1375

70

10944

2022

10944 - coupe

80

22124

3246

0

90

27081

4062

166

100

35895

5423

174

110

51134

7606

253

120

61486

8700

464

130

69966

10647

1375

140

82728 euros

82728 - coupe

10944 - coupe

 

 

Tt : 126870 euros

Tt : 26752 euros

PS : Le chêne mérite souvent d’être prolongé au maximum

 

 

Tableau comparatif entre une plantation de chênes de 140 ans

et deux rotations de sapin de Douglas de 70 ans

Année

Valeur

Chêne

Prélèvement Chêne

Valeur Douglas

Prélevement Douglas

0

0

-

-

-

10

0

0

-

0

20

129

166

1974

1974

30

436

174

8251

2062

40

1012

253

18995

4748

50

1393

464

27920

7019

60

6875

1375

36825

9270

70

10944

2022

40064

40064 – coupe -

80

22124

3246

 

0

90

27081

4062

 

1974

100

35895

5423

 

2062

110

51134

7606

 

4748

120

61486

8700

 

7019

130

69966

10647

 

9270

140

82728 euros

82728 - coupe

 

40064 – coupe -

 

 

Tt : 126870 euros

 

Tt : 130274 euros

            PS : Les deux essences chêne et douglas se rivalisent par leur très bon rendement

 

 

 

 

 

 

Tableau comparatif entre une plantation de pins maritimes de 80 ans

et deux rotations de 40 ans de même essence

Années

Valeur

Prélèvement

Une rotation

Prélèvement

Deux rotations

0

0

-

-

+ 10

0

0

0

+ 20

448

448

448

+ 30

1243

310

310

+ 40

3628

907

907 – coupe -

+ 50

6727

1691

0

+ 60

10742

2704

448

+ 70

12457

3100

310

+ 80

15525 euros

15525 – coupe -

904 – coupe -

 

 

Tt : 24688 euros

Tt : 3330 euros

            PS : selon ces résultats, les rotations de courte durée de pins maritimes seraient à proscrire

 

Attention, ces tableaux et ces chiffres sont seulement théoriques ; dans la pratique, il faudrait les adapter aux circonstances, et tenir compte de plusieurs facteurs qui pourraient en modifier les résultats, notamment à la baisse, savoir :

-        La nature et la qualité des sols

-        La nécessité de diversifier les essences

-        Le respect des documents de gestion concernant les coupes et les rotations

-        Les méthodes employées pour les éclaircies, lesquelles seront déterminantes sur le nombre de pieds à la coupe finale.

-        Les risques de maladies et de tempêtes

-        Le dépérissement des arbres âgés

Les résultats peuvent aussi bien être à la hausse avec une possibilité de vente bord de route ou bien une demande circonstanciée d’achat.

 

 

 

                                                                                                                          Y et E.D.F.