Le droit au silence

 

Le droit au silence est la prérogative qu'a une personne arrêtée par les policiers ou traduite devant un juge de rester silencieuse, sans que ce silence ne puisse lui être reproché.

 

C’est le droit de ne pas « s’auto-incriminer » de ne pas « témoigner contre soi-même » , communément appelé, par simplification, « droit de se taire »

 

Le silence est le parti le plus sûr de celui qui se défie de soi-même, disait déjà La Rochefoucauld

 

Ce droit constitue « une protection, non pas contre la tenue de propos incriminants en tant que telle, mais contre l’obtention de preuves par la coercition ou l’oppression » : l’accusation doit fonder « son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l’accusé »

 

L’idée directrice est qu’en répondant aux questions on risquerait d’apporter des éléments à charge.

 

Le réflexe premier du mis en cause sera de vouloir répondre aux questions car il est certain de pouvoir prouver son innocence. Malheureusement, c’est souvent l’inverse qui se produit.

 

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Le sanctuaire shintoïste Temple Toshogu dans la ville japonaise de Nikko

Les trois singes de la sagesse au-dessus de la porte du temple :

« Je ne vois rien, je n’entends rien, ne dis rien. »

 

Procédure accusatoire, procédure inquisitoire

Le droit au silence a été inspiré de la procédure accusatoire américaine reposant sur une stricte égalité entre l'accusation et la défense. Sa justification est moins évidente dans un système inquisitoire existant en France, durant lequel l’enquête préliminaire et l’instruction se font à charge et à décharge Cette situation explique certainement les difficultés qu'il a rencontrées pour s'implanter durablement dans notre système juridique.

 

L’aveu

L’aveu, c’est la reine des preuves, encore plus irréfutable que l’ADN ou 25 témoins plus 3 vidéos et l’arme encore fumante (the smoking gun, disent les Américains qui savent de quoi ils parlent) dans les mains du tireur.

 

Aussi cet aveu est-il recherché par les enquêteurs comme une sorte de Graal, et la garde à vue, même avec toutes les évolutions qu’elle a connues en faveur des droits de la défense, est bien commode pour parvenir à cette fin.

 

Evidemment, il peut paraitre assez inconséquent, quand on espère obtenir des aveux, d’informer la personne qu’elle a le droit de garder le silence… aussi le système français a-t-il longtemps résisté à cette idée.

 

Désormais, Adieu l’Aveu !!!

 

Aux Etats-Unis

Le droit au silence résulte du 5è Amendement à la Constitution des Etats-Unis.

 

L’arrêt Miranda de 1966 rendra obligatoire la fameuse notification qui sera reprise dans toutes les séries policières américaines : « you have the right to remain silent, anything you say will be used against you in court » ou « vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous ».

 

Par contre, dans le système judiciaire américain, la possibilité de plaider coupable évite à l'accusé un procès, mais permet aussi, le plus souvent, de bénéficier d'une peine réduite, voire de l'abandon de certains chefs d'inculpation.

 

En France, selon l'Article 63-1 du code de procédure pénale, lors des auditions et après avoir décliné son identité, la personne placée en garde à vue à le droit de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

 

Ce texte résulte de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive européenne 2012/13/UE relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales.

 

Le droit au silence avait pour la première fois été inséré dans le code par la loi du 15 juin 2000 (réforme Guigou), puis l’obligation de le notifier avait été supprimée alors que le droit lui-même était maintenu (la loi sur la sécurité intérieure de J. P Raffarin du 18 mars 2003 supprime le droit au silence – illégal puisque ce droit est acquis et reconnu par la Convention européenne, comme le soulignera le Conseil constitutionnel quelques années plus tard.).

Le droit au silence sera donc réinscrit dans le code de procédure pénale par la loi du 14 avril 2011 qui réforme en profondeur la garde à vue, puis par la loi aujourd’hui en vigueur du 27 mai 2014.

Puis, par transposition d’une directive européenne, la loi du 27 mai 2014 va étendre ce principe à l’ensemble de la procédure pénale : devant un enquêteur, un magistrat ou un tribunal, toute personne soupçonnée d’un crime ou d’un délit « a le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire ».

 

Dans son arrêt du 25 avril 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme l'élargissement du droit au silence et du droit de ne pas s'auto-incriminer à l'ensemble de la procédure pénale.

 

L’obligation d’informer la personne poursuivie de son « droit au silence » s’applique à l’ensemble de la procédure pénale de la phase de l’enquête à celle du jugement. On la retrouve notamment lors de l’audition du suspect placé en garde à vue (C. pr. pén., art. 63-1) ou entendu librement (C. pr. pén., art. 61-1), lors de l’instruction pour ce qui concerne la mise en examen (C. pr. pén., art. 116) ou le placement sous le statut de témoin assisté (C. pr. pén., art. 113-4), lors de la présentation devant le procureur de la République en application de l’article 393 du code de procédure pénale, ainsi que devant les juridictions de jugement, en matière contraventionnelle (C. pr. pén., art. 535), délictuelle (C. pr. pén., art. 406) ou criminelle (C. pr. pén., art. 328).

 

Devant les juridictions de jugement, il s’agit d’une formalité préalable aux débats.

 

Au visa des articles 406 et 512 du code de procédure pénale, la Cour de cassation vient censurer une cour d’appel n’ayant informé le prévenu de son droit au silence qu’après que son avocat ait soutenu une demande de nullité et que le ministère public ait présenté ses réquisitions sur cette demande.

 

Dans le système britannique, la notification du droit au silence est complétée par une notification des conséquences potentielles de ce silence « you do not have to say anything. But it may harm your defence if you did not mention, when questioned, something which you later rely on in court. Anything you do say may be given in evidence » (vous n’êtes pas obligé de dire quoi que ce soit, mais votre défense pourrait souffrir du fait que vous n’ayez pas mentionné lors de votre interrogatoire un élément que vous utiliserez à l’audience. Tout ce que vous direz pourra servir de preuve).

 

Droit international

L'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit le droit de ne pas s'auto-incriminer, qui est par ailleurs consacré par la jurisprudence des Cour de justice de l'Union européenne (CJCE) et Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dégagée autour de la notion de « procès équitable » telle que garantie par l’article 6 de la Convention  :

 

« Article 14 (extraits)

………………………..

3. Toute personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

………………………..

g) À ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable. »

 

Ce qui en résulte, au niveau du prévenu

La personne qui soumet une déclaration par laquelle elle se dit innocente, mais qui ne répond pas aux questions des juges, refuse en quelque sorte de participer à son propre jugement. Il est alors difficile, pour la juridiction, de faire comme si ce positionnement était sans conséquence et d’ailleurs la présidente a relevé que cette absence d’explication était « malcommode ».

 

Au niveau des avocats

Les avocats aiment à penser que le fait de garder le silence est neutre, sans conséquence, et que considérer celui qui se tait comme ayant quelque chose à cacher, est une atteinte aux droits fondamentaux de la personne.

 

Naturellement, on n’imagine pas qu’une juridiction puisse condamner un accusé au seul motif de son silence… de plus, il parait difficile de condamner

 

Dans la pratique, il est assez fréquent que l’avocat conseille à une personne de garder le silence pendant la garde à vue, période délicate s’il en est, et pendant laquelle il n’a pas encore accès au dossier, donc aux éléments à charge.

 

On parle alors des bienfaits du droit au silence, surtout pour les personnes qui ont quelque chose à se reprocher !!

 

Au stade de l’instruction, et a fortiori de l’audience de jugement, c’est un choix beaucoup plus délicat, pour des raisons évidentes : comment demander à un juge de bien vous juger si vous ne vous expliquez pas devant lui ?

 

Une précision finale : le droit au silence bénéficie à l’accusé mais pas à l’avocat …

 

                                                                                                                                              Y. D. F.

 

Sources :

Blog de Me Loeiz Lemoine avocat

Article de Hugues Diaz dans le Dalloz-actualités

Wikipédia