Le Minihi de Saint-Malo

 

 

 

 

Un minihi est un asile religieux de la région Bretagne ; à l’origine, un lieu qui avait été consacré par la demeure ou la pénitence d’un saint, les ecclésiastiques en feront un lieu d’asile inviolable ; et à ce droit d’asile, on y associa un certain nombre d’exemptions et de franchises vis-à-vis des pouvoirs laïcs.

Ernest Renan écrit dans Souvenirs d'enfance et de jeunesse : « Un cercle sacré d'une ou deux lieues, qu'on appelait le minihi, entourait le monastère et jouissait des plus précieuses immunités. »

 

L’étymologie du mot est soit une dérive du mot celtique « menech-ti » ou maison de moine, soit de « manach-ti » ou canton de terre affranchi. Autre version : proviendrait du grec via le latin monachus, moine, ou monachia, une terre monastique, devenant en breton minihi.

 

Dès le IVe siècle des individus poursuivis par la justice se mirent à l'abri des autels ou de croix ; « certains, à Carentoir en La Gacilly se réfugiaient sous le chêne de la Sauvegarde et en embrassant le tronc » ; plus tard, « des conciles du XIème siècle définirent la zone d'immunité comme le territoire déterminé par un rayon de quarante pas autour des églises et de trente autour des chapelles.

 

Saint-Malo occupe une île qui avait été sanctifiée par le séjour que plusieurs saints y avait fait ; elle jouissait toute entière de ce droit d’asile, et les criminels de quelque nation qu’ils fussent, ne pouvaient plus être punis ni même arrêtés, dès qu’ils étaient réfugiés à Saint-Malo.

 

Il « s’étendait à toute la ville, qui était un asile inviolable »

« Asile inviolable, asylum quod in ea urbe est inviolatissimum », suivant l’expression de Polidore Virgile (Hist. Angl. Lib. 24)

 « Plus tard d’après une note que nous avons trouvée aux Blancs-Manteaux, confirmée d’ailleurs par l’abbé Manet, le minihy s’étendit bien au-delà de l’enceinte de cette ville ; il fut

reculé jusqu’aux limites de la seigneurie, c’est-à-dire jusqu’au cap de la Varde , en Paramé, où se trouve un village portant encore le nom de Minihy »

 

Le droit d’asile s’exerçait depuis des privilèges antiques sur la ville et sur le territoire de Saint-Malo : Le lieu-dit Minihic aurait été autrefois la partie orientale de ce droit d’asile ; une propriété du Minihic ayant appartenu de 1855 à 1890 à M. Malard devint la maison principale des Petites Sœurs des Pauvres. (source François Tuloup dans Saint Malo et le Clos Poulet)

 

François II duc de Bretagne, obtint en 1475 du pape Sixte IV l’autorisation de bâtir un château-fort sur un fonds qui dépendait du minihi de Saint-Malo.

Les ducs de Bretagne s’efforcèrent souvent de restreindre les privilèges des mihinis.

Les minihis furent frappés d'interdiction au XVe siècle, mais il fallut l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539 pour qu'ils disparaissent véritablement .

 

Lokorn / Tro Minihi 2013 - Ar Gedour Mag - Actualité spirituelle et  culturelle de Bretagne | Bretagne, Spirituel, Locronan

 

PS : Il y avait des minihis dans toute la Bretagne : à Tréguier, à Kidillac ou Tridillac, Saint-Pol de Léon, Saint-Thomas à Bénodet, Guernenez, Loc-Ronon, Lammeur, etc …. Voir Le Minihic sur Rance

Il y avait le minihy attaché à la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, qui s'étendait de la rivière de Pensez [Penzé] jusqu'à la mer ; le minihy de saint Tugdual, autour de la ville épiscopale de Tréguier ; le minihy de Locronan, autour du prieuré de Locronan, en Cornouaille, (...) demeure de saint Ronan; au jour de la fête de ce saint, une procession fait le tour de l'asile de sept ans en sept ans. Cette procession est appelée la tro-meny (tro minihy), le "tour de l'asile », c'est-à-dire troménie en français actuel.

Albert le Grand cite d'autres minihis : l'asile de saint Gouesnou, l'asile de saint Sané, l'asile de saint Briac à Bourbriac. Un légendaire du xiie siècle évoque celui de saint Goulven : « l'enceinte fut entourée de tant de respect et si privilégiée, que jusqu'à ce jour personne au monde n'ose l'enfreindre, ni en arracher violemment, prendre ou dérober aucun objet qu'il n'en ressente le châtiment dans son corps. C'est la vengeance que tire saint Golven de la violation des immunités attachées et du respect dû à ce lieu saint. (...) C'est ce domaine qu'on appelle aujourd'hui le Minihy de saint Golven ». Des chartes évoquent le minihy de Trédillac (Quédillac), celui de Saint-Malo, celui de Beauport. Les cimetières étaient aussi traditionnellement considérés comme des lieux d'asile.

Autres exemples :

Le Minihy du Léon, ancienne paroisse qui regroupait les communes actuelles de Saint-Pol-de-Léon, Roscoff et Santec.

Le Minihy de Tréguier et la commune de Minihy-Tréguier

Le minihy des seigneurs de Kernazret (ou "du Refuge") dans la trève de Loc-Brévalaire (Finistère).

 

Sources :

- « Les minihis en Bretagne » par Mickael Gendry, mémoire 2009 université Rennes 2

- « Droit d’asile en Bretagne au Moyen-Age – Les Minihis » par P. DELABIGNE –VILLENEUVE, MSAIV, t.1, 1861, p.212.