La baie de Seine, avant la fondation du Havre

 

 

Le 8 octobre 1517, François Ier signe la charte de fondation du port du Havre de Grâce, dont les plans sont confiés d'abord au vice-amiral Guyon le Roy. Antoine de Conflans fait un état de la situation en citant tous les ports de la Manche mais en passant sous silence Honfleur et Harfleur. L’assemblée des Etats de Normandie en 1515 avait émis le vœu qu’il fut fait un bon havre soit à Harfleur soit à Honfleur … Malgré les premières difficultés liées au terrain marécageux et aux tempêtes, le port du Havre accueille ses premiers navires en octobre 1518. La Tour François Ier, dite la « grosse tour », en défend l'entrée. Le roi se déplace lui-même en 1520, et rend perpétuels les privilèges des Havrais en leur donnant ses propres armoiries constituées d'une salamandre . La fonction militaire est alors organisée : Le Havre sera l’un des points de rassemblement de la flotte française pendant les guerres. La fonction de défense du Havre est réaffirmée sous Richelieu en passant par une modernisation du port : l'arsenal et le bassin du Roy sont aménagés, les remparts sont renforcés et une forteresse est construite. Autres activités : des navires partent pêcher la morue à Terre-Neuve ; de même, le Nouveau Monde attire les aventuriers et quelques-uns partent du Havre, comme Villegagnon pour fonder une colonie au Brésil (Fort-Coligny) en 1555.

 

La Jetée du port du Havre - reproduction © Norbert Pousseur

 

Jusqu’alors, deux grands ports fermaient l’estuaire de la Seine : sur la rive gauche Honfleur et sur la rive droite Harfleur ; les méandres de la Seine étaient parsemés de plusieurs stations d’échouages ou de mouillages, jusqu’au grand port maritime qu’était alors Rouen. De nombreuses pêcheries existaient le long des berges .

 

Honfleur

Située donc au débouché de la Seine, un des principaux fleuves du Royaume de France, au contact de la mer et appuyée sur un arrière-pays relativement riche, Honfleur bénéficiait d'une position stratégique. La première mention écrite attestant l'existence de Honfleur émane de Richard III, duc de Normandie, en 1027. Il est également avéré qu'au milieu du XIIe siècle, la ville représentait un important port de transit des marchandises au départ de Rouen vers l'Angleterre. L’essor véritable commence à partir de la guerre de Cent Ans. Charles V fait fortifier la bourgade afin d'interdire l'estuaire de la Seine aux Anglais avec l'appui du port d'Harfleur, situé juste en face et de l'autre côté de l'estuaire. Cela verrouillait du même coup l'entrée de la Seine aux navires ennemis. Honfleur fut cependant prise et occupée par le roi d'Angleterre en 1357, puis à nouveau de 1419 à 1450. En dehors de cette période, son port servit de base de départ à de multiples expéditions françaises se livrant à des razzias le long des côtes anglaises, avec notamment la destruction partielle de la ville de Sandwich dans le comté de Kent autour de 1450, après que les Anglais eurent quitté la Normandie à la suite de la défaite de Formigny .

 

Dès la fin de la guerre de Cent Ans et jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, Honfleur continue de se développer notamment grâce à la construction navale et au commerce maritime. Cependant, de graves troubles vont éclater lors des guerres de Religion dans la seconde partie du XVIe siècle ; la ville est alors prise par Henri IV au début de l’année 1590.

 

Dans le même temps, la cité participera aussi aux expéditions lointaines et au mouvement des grandes découvertes, avec notamment Jehan Denis qui visitera le Labrador et Terre-Neuve dont il prendra possession au nom du roi de France en 1506. Ces nombreuses expéditions feront du port un des tout premiers de France vers les Amériques et notamment les colonies françaises du Nouveau Continent, d'où les voyages répétés de Samuel de Champlain à partir d'ici, dont l'un aboutira à la fondation de la ville de Québec en 1608. Honfleur fut également une cité corsaire et un de ses fils, Jean Doublet, s'illustrera dans la guerre de course.

 

À partir de cette période, le commerce de Honfleur prospère grâce à la multiplication des relations avec le Canada, la Louisiane, les Antilles, les côtes africaines et les Açores, faisant de la ville l'un des cinq principaux ports négriers de France. Cette époque voit la ville s'agrandir avec le démantèlement d'une partie de ses fortifications, devenues obsolètes, sur l'ordre de Colbert. Abraham Duquesne fait transformer le « hâvre du dedans », simple port d'échouage, en un véritable bassin à flot qui sera terminé en 1684, que l'on surnomme aujourd'hui le Vieux Bassin, et qui contribue à la réputation actuelle de la ville. Une partie de la richesse de la cité est assurée aussi par la Grande Pêche sur les bancs de Terre-Neuve, la pêche à la morue et le commerce des peaux. D'autres marins honfleurais vont s'illustrer dans les guerres de la Révolution française et de l'Empire, il s'agit du capitaine de vaisseau Morel-Beaulieu et des contre-amiraux Hamelin et Motard.

La perte des colonies françaises d'Amérique, la concurrence avec le port du Havre, les guerres de la Révolution française et du Premier Empire, avec notamment le blocus continental, causeront en définitive la ruine du port de Honfleur.

 

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Harfleur

Du IXe siècle au XVIe siècle, Harfleur était l’un des principaux ports de la Normandie, d'où son surnom de « Souverain port de Normandie et Clef du royaume de France ».

Harfleur était à cette époque une ville close, un port militaire et un arsenal dit « Clos aux Galées » créé à partir de 1391 par Charles VI au sud de la ville. Le clos est un bassin entouré d'une enceinte fortifiée. Il fonctionne grâce au flux qui remonte le cours de la Lézarde .

L'envasement progressif de la Seine et la fondation du Havre en 1517 condamnèrent définitivement l'activité portuaire.

 

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Sur la rive gauche,

 

Berville sur mer

Au Moyen Âge, Berville était un port d'une certaine importance ; pour preuve, les restes de murailles de 80 cm d'épaisseur construites en silex mêlé de pierres ; l'activité était essentiellement tournée vers la pêche ; en 1760, les vases environnantes bloquèrent le port ; elles ne furent totalement déblayées qu’en 1812.

 

Quillebeuf

Cette dépendance de l’abbaye de Jumièges occupait une place privilégiée, à l’extrémité d’un promontoire, face à l’antique cité de Lillebonne ; elle formait un point de liaison entre les deux bords de la Seine.

Henri IV en fit une place forte et donna aux habitants l'exclusivité du pilotage sur la Seine, à une époque où la navigation y était dangereuse.

L’endroit servait de posée, avec des poteaux d’amarrage et perception de droits en faveur de l’abbaye.

 

Carte de la seine

 

Vieux-Port

Autrefois dénommé Port Tutus ; connu pour avoir été restitué par Guillaume Longue-Épée, fils de Rollon, à l'abbaye de Jumièges

 

Aizier

Un quai est inscrit Monument Historique depuis 1993,  un vestige du port antique.

 

Vatteville la Rue

Armes de Vatteville-la-Rue

Les armes de la commune de Vatteville-la-Rue se blasonnent ainsi :
De gueules au trois-mâts d'or ; au chef d'argent chargé d'une salamandre de sable accostée d'une feuille de hêtre à dextre et d'une feuille de chêne à senestre, toutes deux versées et du même.
[14]

Petit port de pêche et de cabotage ; au 16ème siècle, celui-ci était très actif pour la pêche ; les habitants allaient pêcher la morue jusqu’à Terre-Neuve ; il y avait alors une quarantaine d’armateurs représentant 200 navires.

 

La Mailleraye

La commune était dénommée depuis 1793 Guerbaville puis renommée en 1910 La Mailleraye-sur-Seine, qui était jusqu'alors la dénomination du port de la commune.

Il y avait là autrefois de nombreux chantiers de constructions navales

 

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La Bouille

Armes de La Bouille

Les armes de la commune de La Bouille se blasonnent ainsi :

Taillé : au 1er d’or au navire au naturel, habillé d’une voile de gueules chargée de deux léopards d’or l’un au-dessus de l’autre, voguant de face sur une mer isolée d’azur, au 2e de gueules à la plume d’argent posée en bande et passée en sautoir avec un pinceau du même, à la toque de cuisinier d’argent brochant sur le sautoir accostée de deux masques de théâtre d’or.

On y armait des bateaux à destination du Brésil ou de Terre-Neuve

 

 

Sur la rive droite,

 

Tancarville

Un port de pêche se situait là au 12ème siècle, au pied du château

 

Villequier

Voir les quais et les Chapelles de Barre-y-Va : l'ensemble comprend la grande chapelle, dédiée à Notre-Dame, en calcaire et brique, à vaisseau unique, du XVIe siècle et modifiée postérieurement, l'ancienne maison du chapelain, en brique et calcaire, sans doute début du XVIIe siècle, et l'oratoire ou chapelle bleue, du XVIIIe siècle. Son intérêt repose sur sa situation géographique et son caractère de lieu de pèlerinage et lieu de dévotion populaire, pour les marins. Un calvaire, peut-être du XVIIIe siècle, permet l'accès à la chapelle bleue. L'église est décorée de vitraux du début du XVIIe siècle.

 

Caudebec

Ville de pêcheurs puis port d’escale ; également point de liaison entre les deux bords de la Seine,

Véritable port de Seine qui servait de frontière entre la juridiction rouennaise et la mer

La ville est ceinturée de remparts de 1364 jusqu’au 17ème-18ème s

Depuis la création du port du Havre, le trafic de Caudebec se trouve réduit à un petit cabotage de rivière

Les navires qui montaient ou descendaient la Seine se contentaient de se poser devant son quai pour attendre la marée ou bien un vent propice.

Voir le quai de Seine

 

LES REMPARTS DE CAUDEBEC-EN-CAUX (Seine-Maritime)

 

Duclair

Petit port fluvial situé en vicomté de l’Eau de Rouen ; également un passage et travers de Seine.

Duclair avait été donné à l'abbaye de Jumièges par Guillaume Longue-Epée, au XIème siècle. Elle constituait une baronnie. La ville avec son marché relève donc de la justice de l’abbaye de Jumièges . La plus ancienne mention du port remonte à 1135 .

 

Les abbayes de Saint-Wandrille, Jumièges et Saint Georges de Boscherville

Les abbayes vivaient aussi des activités portuaires et de leurs relations avec le port de Rouen ; les droits de seigneuries qu’elles possédaient leur permettaient de percevoir des droits de passage pour remonter la Seine ou la traverser.

-Saint-Wandrille faisait venir son vin par la Seine depuis ses vignobles et son prieuré du Pec ou d’Aupec où elle possédait une ferme dite du Vésinet ; également une autre dépendance le long de la Seine : la chapelle sainte Marie, avec sa terre en Chevrie (en Yvelines, dans une commune récemment renommée Sainte Marie de la Mer).

-Jumièges, de son côté, possédait des droits de pêche sur la Seine, le Vieux-Port, le bac du Trait, ainsi que des salines près de Honfleur …

-Saint-Georges de Boscherville possédait le port de Bénouville sur l’Orne.

-L’abbaye du Valasse possédait un port à Notre Dame Gravenel.

Les activités et l’importance de ces monastères diminuaient sensiblement au cours des 17ème et 18ème siècles, pour cesser totalement à partir de la Révolution Française.

 

A Yainville, l'idée de remettre en eau la vallée morte de l’Austreberthe pour abréger le parcours des navires fut lancée par Vauban puis reprise, au XIXe siècle, par divers ingénieurs : ce projet, abandonné après quelques travaux, reste connu sous le nom de "coupure d'Yainville".

 

Sur la côte,

 

Fécamp

Ville ancienne datant du Haut Moyen Age mais qui se développa surtout après les invasions vikings ; ville close jusqu’au 17-18ème siècle ayant moins de 6 000 habitants lors de la fondation du Havre ; elle comptait dix paroisses, une vingtaine de prêtres, et 1300 maisons, 400 ou 500 autres ayant été détruites pendant les guerres de Religions .

Résidence ducale, celle des premiers ducs de Normandie qui y seront inhumés

Résidence monacale avec l’abbaye de la Sainte Trinité dont le revenu annuel était important – 40 000 livres -

Le port qui est une propriété de l’abbaye, se révèle actif à la fois pour la pêche et pour le commerce, souvent en association avec Honfleur

Le roi de France Henri II de passage en 1549, accorde aux habitants de Fécamp le privilège de Franc-salé, déjà accordé jusqu’alors à Dieppe et au Havre.

 

Conclusion

Le Havre a donc été, par la volonté royale, une réussite portuaire sur le plan tant de la défense militaire que de la navigation au long cours ; mais il faut l’avouer, cela se réalisa au détriment des différents ports locaux préexistants ; une fondation identique eut lieu sous Louis XIV, en 1666, avec le port de Lorient.

L’emplacement du port du Havre était alors plus favorable : il permettait d’avoir des bassins en eau profonde et également un accès immédiat à la haute mer ; alors que la remontée de la Seine jusqu’à Rouen représentait du temps et aussi des taxes. Les bassins à flot du Havre n’apparaitront qu’au 19ème siècle : le bassin du Commerce en 1820 et le bassin Vauban en 1843.

Le Havre perd son rôle militaire sous Vauban puis sous le 1er Empire, au profit de Brest et de Cherbourg ; par ailleurs, au début du 18ème siècle, il abandonne la pêche à Terre-Neuve ; l'armement morutier y prospéra jusqu’aux 16ème et 17ème siècles, avec 97 terre-neuviers en 1664 ; 70 terre-neuviers en 1670-1680 ; mais 43 en 1702, puis 10-15 et 2 seulement en 1730 ; Le Havre se tourne alors vers les armements coloniaux, avec notamment l’importation de café ; Fécamp et Saint-Valéry pourront ainsi prendre le relais de la pêche morutière ainsi que de celle du hareng …