Saint-Léger à Fécamp
En l’an 658, Waning, un officier et fidèle du roi Clotaire, fonde à Fécamp, l’endroit était déjà connu de son ancêtre ( ?) Anségise, un monastère de femmes sous la direction de Hildemarque, parait-il au nombre de 300 ( ? ou 366 ?), en provenance de Bordeaux.
En 664 (ou 665 ?), eut lieu la dédicace de l’église, en l’honneur déjà de la Sainte-Trinité ; étaient présents, le roi Clotaire, Ebroin le maire du Palais, Ouen l’évêque de Rouen, Wandrille étant abbé de Fontenelle depuis sa fondation de 647, peut-être aussi Philibert étant abbé de Jumièges depuis sa fondation en 654.
Mais qui étaient donc tous ces personnages, ainsi réunis :
- Waneng (ou Waning) de Fécamp, né au début du VIIe siècle et décédé en 686 . Issu d’une famille noble, il se lia d’amitié avec Ouen, évêque de Rouen et Wandrille, abbé de Fontenelle . Il reçut du roi Clotaire III, l’administration du Pays de Caux. Il est le fondateur de l’abbaye de Fécamp puis reconnu saint par l'Eglise catholique.
- Clotaire ; il s’agit Clotaire III, roi de Neustrie puis de Burgondie de 657 à 673. Né vers 652, il est le fils ainé du roi Clovis II et de la reine Bathilde. Il accède au trône à l'âge de 5 ans, et sa mère exerce alors la régence. En 664, Bathilde se retire dans un monastère et laisse le pouvoir au maire du palais Ébroïn. Clotaire meurt en 673, à l'âge de 20 ans. Ses frères Childéric et Thierry lui succèdent.
- Ebroin : Ébroïn1, mort en 684, est maire du palais de Neustrie vers 658 à 675 puis de 676 à sa mort. Pendant sa carrière, l’histoire retiendra qu’il fut violent et despotique en voulant imposer l'autorité de sa province sur la Bourgogne et l'Austrasie.
- Ouen : Saint Ouen (Sanctus Audoenus Rotomagensis en latin médiéval, issu du germanique Audwin) ou Dadon , est un fonctionnaire royal, puis un évêque métropolitain de Rouen. Il serait né vers 603 vraisemblablement à Sancy (aujourd'hui Sancy-les-Cheminots) près de Soissons, et mort le 24 août 686 à Clichy, au palais du roi, dont le territoire laissera place à la ville de Saint-Ouen. L'Église catholique romaine célèbre saint Ouen le 24 août, mais le calendrier breton fête les Ewen le 3 mai.
- Wandrille : Wandrille de Fontenelle, surnommé aussi Wandon (en latin Wandregisilius, du germanique Wandergisel1), est un moine né vers l'an 600 près de Verdun et mort le 22 juillet 668 à Saint-Wandrille-Rançon dans l'abbaye qu'il avait fondée.
- Philibert : Philibert (ou Filibert) dit de Jumièges, de Noirmoutier ou de Tournus, né en 617 ou 618 à Elusa, aujourd'hui Eauze dans le Gers et mort le 20 août 684 à Noirmoutier, est un moine et un abbé franc . Il a fondé les monastères de Jumièges et de Noirmoutier. Ses reliques ont été apportées à Tournus où il fut l'objet d'une grande vénération.
- Et puis Léger dont nous allons parler : Léger d'Autun ou Léodegard (en latin Leodegarius) - francisation du germanique Leudgari, de « leud » (« peuple », « gens ») et « gari » (« lance »). On le nomme « Léger » par altération. Né vers 615 mort vers vers 677-678, était un évêque martyr qui a joué un rôle politique important dans les soubresauts de la monarchie mérovingienne finissante. Il est lié aux villes de Poitiers, où se fit sa formation et où se trouvent ses reliques, et d'Autun dont il fut l'évêque, ainsi qu'à la région de Fécamp et à celle de Doullens en Picardie où il est mort. Un concile d'évêques l'a proclamé Saint en 681 et l'Église catholique romaine célèbre sa fête le 2 octobre.
Tableau des rois de Neustrie et des maires du Palais
Dates |
Les rois |
Leurs conseils |
Observations |
584-629
629-639
639-657
657-667
667-673
673-675
675-687-691 |
Clotaire II
Dagobert
Clovis II
son épouse la Reine Bathilde Clotaire III
Childéric II
Thierry III
|
Eligius (Eloi) et Dadon (Ouen)
Ebroin est remplacé par Léodegard (Léger d’Autun) Ebroin
Léger
Ebroin
Puis Warathon |
Wandrille abbé de Fontenelle Philibert abbé de Jumièges Bathilde est envoyée dans un couvent
Childéric est assassiné
676 Léger est arrêté à Autun puis emprisonné à Fécamp Philibert est destitué et envoyé en exil 678 Léger est décapité
Ebroin est exilé puis assassiné (684) Retour de Philibert à Jumièges |
Quelques temps plus tard, en 675, Ebroin revient aux affaires avec l’accession de Thierry,, son frère Childéric ayant été assassiné ; Léger d’Autun et Philibert de Jumièges sont alors victimes de sa vengeance; Léger est arrêté à Autun, puis mutilé des yeux, des lèvres et de la langue et ensuite emmené à Fécamp, chez le comte Waneng pour y être emprisonné. De son côté, Philibert est destitué de l’abbatiat de Jumièges et, selon la même méthode, confié à Ouen de Rouen pour être aussi emprisonné. Nous avons le sentiment que Waneng de Fécamp et Ouen de Rouen avaient été ainsi à l’occasion mis à l’épreuve dans leur fidélité au Roi !
Léger arriva à Fécamp, parait-il, sur un « méchant » cheval. Sa venue fut largement décrite par Léon Fallue dans « Histoire de la ville et de l’abbaye de Fécamp » de 1841:
« Un vieillard aux cheveux blancs, aux habits déchirés et couverts de boue, ayant les lèvres et le nez coupés, fixé plutôt que porté sur un cheval, suivi de quelques cavaliers qui semblaient prendre à tache de l’insulter, et n’opposant que ses souffrances et la résignation aux mauvais traitements qu’on lui faisait subir ; un prêtre seul et silencieux, aux vêtements en désordre, suivait à pied ce lugubre cortège, et semblait prendre part à toutes les souffrances de la victime.
Ce vieillard, ainsi maltraité, était Leodegarius ou Léger, évêque d’Autun, coupable de fidélité à son roi – de Burgondie - Théodérik, dont il avait pris le parti, lors de la lutte de ce dernier avec Ebroin … »
« Ayant fait saisir Léger puis torturer par ses bourreaux, Ebroin l’envoya à Fécamp, afin que Waning le retint dans une étroite prison : « Recevez Leodegarius, lui écrivait le tyran, cet homme que vous avez vu autrefois si superbe, et mettez le sous bonne garde, car dans peu il recevra ce qu’il a justement mérité ».
« On dit que Léger resta quelques temps dans les prisons de Fécamp, qu’il y recevait les soins et les consolations de ce prêtre, nommé Vinobert, qui l’avait accompagné ; on dit qu’il y reçut la visite d’Emenaire, abbé de Saint-Symphorien d’Autun et que, par l’entremise de ce dernier et par l’assurance qu’il donna que Léger était innocent, Waneng tira le prisonnier de son étroit cachot où il était enfermé, l’admit dans son château et l’introduisit dans l’abbaye. »
« On dit encore que Léger guérit parfaitement et recouvra l’usage de la parole. »
« Hildemarque le reçut avec les plus grands honneurs, comme un évêque persécuté ; Léodegarius se livra à la prédication, et les habitants de Fécamp, les peuples de la contrée, accouraient à sa voix, étonnés de l’entendre parler avec tant de facilité après l’indigne traitement dont il avait été l’objet. »
Ebroin, déjà présent à Fécamp en 664, y serait revenu (en ?) pour y voir Léger emprisonné … Mais, apprenant sans doute ce qu’il s’y passait, il intervint à nouveau, fit enlever Léger, le fit conduire près d’Arras dans sa villa de Sarcing, pour y être décapité le 2 octobre 678 ou 679 ? ; l’endroit se situait dans la forêt de Sarcinium, l'actuelle forêt de Lucheux, en Picardie, en un lieu aujourd'hui appelé Sus-Saint-Léger.
A partir de là, Waneng se replia dans la vie monastique ; il mourut à Fécamp le 9 janvier 683 (ou 686 ?) léguant ses biens à l’abbaye qu’il avait fondée. La première abbesse Hildemarque était décédée en 675. Le monastère de Fécamp fut placé sous la direction des religieux de Fontenelle.
Dès Pâques 681, un synode des evêques convoqué par le roi examina les miracles attribués par la rumeur populaire en faveur de Léger ; son culte fut autorisé, avec les honneurs rendus aux martyrs.
L’évêque de Poitiers obtint de pouvoir transférer ses restes au monastère de Saint Maixent dont il avait été l’abbé ; la translation eut lieu en 684 dans une nouvelle basilique édifiée à cet effet.
La renommée du « saint aveugle de Fécamp » se répandit dans les diocèses de Poitiers, sa patrie d’origine et son lieu de sépulture, le diocèse d’Autun, son siège épiscopal, le diocèse le lieu de son martyr, le diocèse de Rouen le lieu de son emprisonnement.
La prison de Léger à Fécamp devint alors un lieu consacré et voué au respect des chrétiens. Par la suite, une église placée sous son patronage, sera élevée dès le XIème siècle – dédiée en 1223 d’après Alexandre Leport page 192 – située près de l’entrée de l’abbaye, la porte dorée, à l’angle de la rue du même nom, soit à l’endroit le plus proche de son emprisonnement, sur un versant de la vallée encore dénommé « côte Saint-Léger ». Le presbytère se situait au 18 rue des Renelles. Il y avait 500 âmes dans cette paroisse en 1789 ; aussi dans ce secteur, se trouvait un manoir sieural de Saint-Léger tenu par les religieux de Fécamp.
Au cours de la Révolution, l’église sera vendue puis détruite ; Alexandre Leport dans son livre de 1879 note qu’alors il ne restait plus de trace de l’église ; le dernier curé en fut l’abbé Morel ; le District de Montivilliers, en charge de la vente des biens nationaux, adjugera le 5 janvier 1792, l’église et le cimetière de Saint-Léger à Henri Parnajon moyennant 2450 livres ; puis le 7 mars 1792, le presbytère de Saint Léger à J B Queval par 5900 livres.
Pour remarquer encore aujourd’hui l’endroit, il existe dans cette ville de Fécamp une « Petite rue Saint-Léger » allant de la rue Froide à la nouvelle rue d’Estoutteville.
En 1682, l’abbaye de Fécamp réalisa un état de ses saintes reliques, reliquaires et autres pièces notables faisant partie du Trésor du monastère : parmi les reliquaires, celui de Saint Léger, évêque et martyr, comprenait plusieurs os du saint, ainsi que quantité d’autres reliques de plusieurs saints …
A Fécamp, le 2 octobre 2020
soit 1342 ans après la mort de Léger
Y.D.F.