Guy de Traversay (1897-1937

Guy de Traversay (1897- 1936)

 

 

Guy Auguste Paul Clément Prévost de Sansac, baron de Traversay naquit à Beaune – Côte d’Or – le 6 mai 1897, fils aîné de Charles Guy Prévost de Sansac de Traversay et de Francine Lemoine.

 

Charles Guy Prévost de Sansac, baron de Traversay était un militaire, chef d’escadron puis colonel, commandant l’artillerie de la 19ème division, officier de la Légion d’Honneur demeurant un moment à Rennes 46 boulevard de la Liberté ; fils lui-même de François Ernest de Traversay et de Marie Berthe de Postel, né le 6 août 1866 à Saint Marguerite de l’Hotel (Eure) décédé le 17 décembre 1947 à Paramé il avait épousé Francine Lemoine la fille aînée d’un armateur de Saint-Malo, Auguste Lemoine, née à Saint-Malo le 24 septembre 1869 décédée le 30 mars 1944, le mariage eut lieu à Saint-Servan le 8 juin 1896 dans la malouinière familiale de la Balue ; Francine hérita du château de Chesnais-Piquelais à Guipel (35) qu’elle revendit le 3 avril 1925.

 

 

          Guy de Traversay                                           Charles de Traversay

 

 

 

 

Guy eut trois sœurs Lise épouse Gicquel, Henriette épouse Maudet et Antoinette ainsi qu’un jeune frère René de Traversay  né le 22 juillet 1906 qui fût lieutenant de vaisseau, capitaine de frégate

 

Amateur d’aviation, il a été bercé dans sa jeunesse par les exploits en 1908-1909 de Henri Farman (1874-1958) et de Louis Paulhan (1883-1963) ; à ce sujet, il a été possible de retrouver deux cartes postales adressées par Guy à son oncle Ludovic Lemoine château de la Balue à Saint Malo, l’une le 25 mai 1909 de l’aérodrome de Juvisy et l’autre en date à Bouy du 5 septembre 1909 lors de la « grande semaine de l’aviation de Champagne » du camp de Chalons ? Il passera le 8ème en France son brevet de pilote qui portait donc un numéro 8. On le retrouvera plus tard membre du club aéronautique Marcel Lallouette.

 

Il se destine en fait à la Marine et prépare l’Ecole Navale – il gardera toujours une nostalgie pour la mer - quand survient la première guerre mondiale ; engagé volontaire dès l’âge de 18 ans chez les artilleurs, il deviendra rapidement officier -lieutenant d’artillerie – il sera fait médaillé croix de guerre 14-18.

 

La Rhénanie

Après la démobilisation en 1919, il est incorporé dans les cadres que constituait à Coblence M. Paul Tirard pour le fonctionnement de la Haute Commission Interalliée qui jusqu’à 1925 administra les territoires rhénans occupés par les alliés en vertu du traité de Versailles.

 

Il devient ensuite rédacteur de l’Echo du Rhin, le journal des armées d’occupation, sous la direction d’Hubert Jacques.

 

En 1922, il épouse une russe Nadya Biske, journaliste comme lui, dont il eut une fille Nadia née en 1924, par la suite épouse Chaumont.

 

Pendant toute cette période allemande, il fût chef de la Presse et Information à Mayence ; spécialiste des problèmes de la Rhénanie, il écrivit de nombreux articles sur ce sujet sensible de l’entre deux guerres…

-          La 1ère crise franco-allemande au lendemain du traité de paix (1920),

-          La naissance de la République Rhénane,

-          L’échec du séparatisme rhénan 1918-1923 puis 1923-1924,

-          La 1ère tentative de République Rhénane.

 

La Ligue Française

A son retour de Rhénanie, fin 1925 ?, M. Alapetite l’appela auprès de lui à la Ligue Française dont il fût pendant plusieurs années le secrétaire général ; il s’agissait de la Ligue Française pour la défense des intérêts vitaux de le France et de ses colonies fondée en 1914 avec sa revue « Le Temps Présent ».

 

L’Association des actionnaires et obligataires des chemins de fer

En 1928, il est secrétaire de cette association, sous la présidence de M. Chapuis.

 

Le journalisme

Le séjour et le travail en Rhénanie avait amené Guy de Traversay au journalisme ; il devient alors reporter au journal « L’Intransigeant » puis secrétaire général adjoint de ce journal ; il écrit également au « Journal » entre 1930 et 1936.

- L'Intransigeant est un journal français fondé en juillet 1880 par Henri Rochefort. Initialement journal d'opposition de gauche, il est tiré à environ 70 000 exemplaires à sa création en 1880. Rallié au boulangisme, il évolue rapidement vers des prises de position de droite et, en 1898, il participe du concert de la presse antisémite hostile à Dreyfus. Sous l’impulsion de Léon Bailby qui en prend la direction à partir de 1906, il devient le plus grand quotidien du soir d'opinion de droite des années vingt avec un tirage de l'ordre de 400 000 exemplaires. À partir de 1931, il passe de mains en mains et sa situation financière s’aggrave, son tirage n'atteignant plus que 130 000 exemplaires à la fin des années 1930. Il cesse ses publications en 1940, après la débâcle. Il fait une brève réapparition en 1947 avant d’être absorbé par Paris-Presse en 1948 puis par France Soir.

Reportages

En 1935, Guy de Traversay part secrètement avec E. Corniglion-Molinier, faire un reportage en Cyrénaïque quand les italiens attaquèrent la Lybie et l'Ethiopie par une déclaration de guerre du 2 octobre 1935 jusqu’au 9 mai 1936.

 

Édouard Corniglion-Molinier (on trouve aussi Edward), né le 23 janvier 1898 à Nice et décédé le 9 mai 1963 à Paris, est un homme politique et général de brigade aérienne français. Il fût sénateur (1948-1951), député (1951-1956) et ministre (1954-1958) mais aussi producteur de films et président de sociétés de presse. Ses interventions à l’Assemblée Nationale portèrent surtout sur le cinéma et sur l’aéronautique.

Ami du couple André et Clara Malraux, il sera en 1935 le pilote de l’opération de André Malraux à Mareb la capitale de la Reine de Saba ; puis l’un des pilotes de l’escadrille « Espana-Malraux » qui participa à la guerre d’Espagne en 1936 ; en 1939, il sera le producteur du film « L’Espoir » réalisé par André Malraux sur la guerre d’Espagne.

 

L’Espagne

La guerre éclate en Espagne au cours de l’été 1936 ; Traversay accepta aussitôt d’y partir comme envoyé spécial ; apprenant le 19 juillet au matin que les communications allaient être coupées, il a juste le temps de passer chez lui prendre une petite valise et de sauter dans la dernier avion qui partait pour Madrid.

Il ne connaissait pas l’Espagne et ne parlait pas l’espagnol ; il fut hébergé pendant une quinzaine de jours par Max Jacobson, journaliste à l’Intransigeant comme lui.

A son arrivée, il avait été reçu au Ministère de la Marine par M. Auguste Barcia ministre des affaires étrangères et par M. Pietro ?? Par la suite il fait une visite à Tolède, et un jour il manifeste le désir de partir vers les fronts d’Aragon, à Saragosse et à Huesca ; il partit par la route en passant par Valence accompagné d’un milicien et d’un ami espagnol ; à Barcelone le 9 août, il écrit à Jacobson que sous un ou deux jours il devait partir pour Huesca, et qu’il avait obtenu une autorisation de survoler l’île de Majorque en hydravion militaire ; il pensait revenir à Madrid avant le 16 août.

 

En Espagne, toutes les sommités du monde littéraire et journalistique se sont engagés dans la guerre civile et ont pris parti pour les républicains: Antoine de Saint-Exupéry, George Orwell, Ernest Hemingway, Alfonso Guerra, Mijali Kolstov, Martha Gellhorn, Virginia Cowles, Geoffrey Cox... Et des titres évocateurs aussi «Espagne ensanglantée: on fusille ici comme on déboise...». L’article, écrit par un envoyé spécial, Saint-Exupéry, paraîtra le 8 août 1936 sur les colonnes de L’Intransigeant. Sur la une de ce même journal parisien, l’on publiera la photo de Guy de Traversay, correspondant tué en Espagne.

-   Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944) entre 1932 et 1940 collabore à de nombreux journaux et périodiques pour des billets, des récits de voyages, des textes littéraires ; il travaille notamment pour France-soir et pour l’Intransigeant ; pour France-soir il réalise un reportage sur Moscou et la Russie en 6 articles de mai 1935 ; pour l’Intransigeant, il raconte en janvier février 1936 en 6 épisodes son raid Paris Saïgon ; mais les articles les plus précieux sont ceux consacrés dans ce dernier journal au drame de la guerre civile espagnole ; 5 articles intitulés « L’Espagne ensanglantée » parus les 12, 13, 14, 16 et 19 août 1936 ; la guerre civile espagnole débute le 17 juillet 1936 et au 25ème jour de conflit, Saint-Exupéry est envoyé sur le front de Barcelone aux côtés des républicains ; ses textes sont centrés sur les agissements des anarchistes à Barcelone ; avec son escorte, il part à la recherche de la guerre ; il dénonce une logique systématique de l’exécution : « on fusille comme on déboise » … « On fusille plus qu’on ne combat » ; toujours à l’Intransigeant, le 13 décembre 1936, il écrit un article sur la disparition de Mermoz, et puis « Madrid » dans Paris Soir en juillet 1937. De tous ses voyages, il accumule une très importante somme de souvenirs, d’émotions et d’expériences, qui lui servent à nourrir sa réflexion sur le sens à donner à la condition humaine. Sa réflexion aboutit à l’écriture de « Terre des hommes » qui est publié en 1939, écrit dans une prose magnifique ; l’ouvrage est récompensé par le prix de l’Académie française. C’est dans ce roman que l’on trouve la célèbre phrase prononcée par Henri Guillaumet après son accident dans les Andes : « Ce que j’ai fait, je te jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait ».

En juillet-août 1936, l’enjeu de la guerre se situe aux Baléares ; le 18 juillet, un soulèvement nationaliste eut lieu à Majorque, contre le Front populaire ; le 16 août, le débarquement d’une flotte républicaine à Porto-Cristo est un échec ; Traversay est présent ; il assiste au débarquement manqué des troupes républicaines accompagnées de quelques volontaires anglais (8 000 en tout) ; par la suite,  Majorque se ralliera aux nationalistes du Général Franco. 

La guerre civile aux Baléares

Aux Baléares, une nouvelle péripétie bouleverse l’actualité catalane : la mise sur pied et l'opération de débarquement de miliciens aux îles Baléares. Avec des réserves, un ouvrage affirme que Louis Delaprée serait allé à Majorque en compagnie de Guy de Traversay, reporter de l'Intransigeant. Nous n'avons trouvé nulle part trace de cette assertion. Étaient-ils, tous deux, au courant de l'expédition qui quitta Barcelone le 3 août ? Sans doute, comme pour tous les journalistes étrangers présents, le secret du débarquement envisagé était largement éventé ! Par ailleurs, nous avons rencontré, dans l'examen des récits de cette expédition, de telles distorsions de chronologie et de l'état des troupes engagées que nous ne pouvons que donner une relation très vague.

Pour les uns, le 3, à destination de Mahon (Minorque), le destroyer Almirante Mirandae d'art et le marchand Marquès de Comillas, transportant le capitaine Bayo, son état-major et environ 800 miliciens quittent Valence. De retour à Barcelone, le destroyer conduit un nouveau groupe de miliciens à Mahon. Enfin, le lendemain, ou le surlendemain, l'initiateur de l'expédition, le capitaine d'aviation Alberto Bayo Giraud, quitte Valence à bord d'un autre destroyer, Almirante de Antequera, avec 290 hommes armés sous le commandement du capitaine Manuel Uribarri Barrutell. Se présentant devant Majorque, les deux destroyers effectuent une tentative de débarquement devant la capitale. Trois jours après, ils occupent les îles de Formentera et d’Ibiza avec l'aide de miliciens venus de Barcelone. En réalité, le débarquement sur Majorque, n'a lieu que le 16 et la durée de l'expédition est d'un mois, du 4 août au 4 septembre, jour de la retraite.

Résumée en quelques lignes cette expédition se transforme en un fiasco sanglant. Le débarquement principal débute à l'aube, sur les plages de Punta Amer, à partir du destroyer Almirante Miranda et du Ciudad de Cadiz, bateau marchand transport de troupes. Cependant, un autre groupe composé de miliciens anarchistes de l'île de Cabrera, contrevenant aux dispositions prises par le capitaine Bayo, débarque dans le port de Porto Cristo. Après une conquête rapide, relativement facile du fait de la surprise, les miliciens, réquisitionnant tous les véhicules, prennent la route de Palma de Majorque. Quelques kilomètres plus loin il se jette dans une embuscade tendue par les rebelles. Mitraillés, les miliciens reculent en désordre. Beaucoup périssent, d'autres sont faits prisonniers avec un abondant matériel. Les épisodes de ces journées ne sont pas encore analysés avec clarté, leurs protagonistes ne laissant que des descriptions pour le moins contradictoires ou partielles. Où se trouvaient alors de Traversay. Était-il en compagnie d'autres journalistes ?

Les dépêches envoyées aux rédactions ont toutes à peu près la même tonalité. Voici celle que transmet et Louis Delaprée depuis Barcelone à son retour du front d'Aragon :

« L'île de Formentera est prise ; Ibiza a succombé à son tour. À Majorque même, les troupes et les citoyens fidèles au gouvernement se sont emparés du château de Bellver où tant de pauvres soldats français du 1er empire, servants de Cabrera, ont gravé leurs noms sur les créneaux. Du haut de ce nid d'aigle, les loyalistes menacent Palma. Les principaux rebelles de Majorque, et leur chef le colonel Garcia Ruiz, viennent de tenter de s'enfuir sur un vapeur. Mais trois sous-marins gouvernementaux, embusqués dans la baie les ont contraints de rebrousser chemin. Tel est le dernier bulletin de victoire.

« Majorque, après le départ du général Goded à Barcelone, resta sous le contrôle des militaires rebelles. Et le lieutenant-colonel Garcia Ruiz, pendant toute la durée des opérations, communiqua tous les soirs sur les ondes comme le fit à Séville le général Queipo de Llano. Les gouvernementaux ne débarquent pas à Palma mais à Porto Cristo et ses environs et la poche s’étend jusqu'à San Carrio et San Servera. Ils ne peuvent donc pas occuper le château de Bellver, si à Palma même, à une soixantaine de kilomètres du point de débarquement. Pourquoi et comment Delaprée envoie-t-il une dépêche manifestement aussi erronée que manipulée. Suivent des informations annonçant de nouvelles victoires gouvernementales et la joie de la Généralitat. Opération de propagande pure et simple, l'ensemble de l'information étant manifestement fantaisiste et faux. Le journaliste ne prend pas la peine, le pourrait-il, d'en vérifier la vraisemblance, ni d'en contrôler les sources. Celle de la Généralitat, des services de Jaume Miratvilles. Nous devrons par la suite faire le bilan entre la vraisemblance des faits rapportés et de la complaisance inconsciente de reporters soumis à la pression de la censure.

Quelques mots sur la chronologie - réelle ou supposée - des activités de Traversay. Le 8 août à Barcelone il est sur le front d'Aragon et interviewe Durruti le 12 ou le 13.

Guy de Traversay a-t-il fait le trajet en compagnie du correspondant soviétique de la Pravda, Mikhaïl Koltsov ? Ou bien avec Miguel Martinez (pseudo de Koltsov), dans un bimoteur acquis par les républicains et piloté par Abel Guidez, groupe qui reçu aide et consignes d’un dénommé André dans son appartement rue du Bac. Ecrivain connu, André reçoit beaucoup et rassemble un groupe d’aviateurs, pilotes et mécaniciens, embryon de l’escadrille « André Malraux » ou « Escuadra Espana ». Et Miguel Martinez et Mikhaïl Koltsov sont une seule et même personne ; tous accueillis par une sorte de comité d’accueil ayant à sa tête le lieutenant-colonel Diaz Sandino, commandant des forces aériennes de la Generalitat.

 

- André Malraux (1901-1976) arrive en Espagne le 21 juillet où il est accueilli par l'écrivain José Bergamin. Malraux prend contact avec les républicains et définit les besoins. Le retour de Malraux en France est motivé par une mission bien précise: se procurer des avions pour sauver la liberté. Le gouvernement français, bien qu'il n'apprécie guère, laisse Malraux agir comme il l'entend. Il obtient enfin une trentaine d'avions, et en tant que " colonel ", il fonde l'escadrille " España ".

 André Malraux s'installe donc à Albacete. Du côté des républicains son action n'est pas toujours bien perçue. Mais il a le soutien des intellectuels antifascistes comme Rafaël Alberti, Antonio Machado, Pablo Neruda, Léo Felipe et José Bergamin.

Il se rend aux Etats-Unis pour sensibiliser les Américains à la tragédie espagnole et obtenir une aide financière. Il se distingue encore une fois par son éloquence verbale en narrant les exploits de l'escadrille " España ". Parallèlement il rédige un nouveau roman: « L'Espoir » paraît en décembre 1937 aux éditions Gallimard. L'ouvrage évoque les débuts de la guerre civile espagnole que Malraux avait vécue en tant que chef d'escadrille d'aviateurs étrangers.

 

Guy de Traversay, le 11 ou le 12 août, est à Bujaraloz où réside l’état-major de Buenaventura Durruti, là aussi avec Koltsov et d’autres journalistes. Octavio Paz, biographe du leader anarchiste, relate le passage de Guy de Traversay à Barbastro d’où proviendra son reportage. Après un circuit sur les divers points du front tenus par la « columna  Durruti », le reporter halte dans les pueblos où se déroulent les assemblées de paysans. Et constate que si les registres de propriété étaient brûlés, les valeurs et bijoux réquisitionnés étaient envoyés au comité central des milices à Barcelone pour éviter le pillage sévèrement puni, lui aurait-on assuré. Il en ressort, écrit-il, que partout où passe « l’anarchie » la propriété est abolie. Avec Durruti, on dialogue en français, le « jefe » l’ayant appris lors de son séjour à la prison de la Santé à Paris, où il fût emprisonné par les autorités françaises, à la demande du roi Alphonse XIII. Durruti souligne la suprématie de l’armée révolutionnaire sur les forces adverses, l’enthousiasme et la conviction étant le moteur principal de ses troupes. Thèse ne trouvant l’agrément du journaliste français qui exprime ses doutes….

La date de la mort de Traversay étant approximativement le 17 août 1936, depuis Barbastro, il ne peut se rendent à Majorque qu'en passant par Barcelone ou Valence, à partir du 14 août ou du 15, sur un hydravion ou un bateau rapide (destroyer), pour se retrouver à Cabrera, base de départ. Si nous acceptons la date du décès, il n'a par conséquent séjourné dans l'île (Porto Cristo ou ses environs) qu'un ou deux jours tout au plus. Arrêté et fusillé, son corps aurait été brûlé sur la plage de Porto Cristo. Telles sont les faits que l'on peut retenir à partir de la date approximative du décès du reporter fournis par la famille. D'où la tient-elle. Sa représentante ou sa descendante n'apporte que des renseignements parcellaires. Il serait mort environ quatre jours après son passage à Bujaraloz. Examinons l'hypothèse suivante : de Traversay accompagne les assaillants provenant de Cabrera qui débarquent à Porto Cristo, quelques kilomètres au sud du premier débarquement. Les anarchistes de Cabrera choisissent la facilité, sans doute, mais décision pertinente en débarquant dans un port alors que les forces principales débarquent malaisément sur une plage. Ne rencontrant pas de résistance, ils réquisitionnent les véhicules disponibles et partent en direction de la capitale de l'île, Palma. Après une course de quelques kilomètres, il se trouve pris entre deux feux, leurs adversaires les prenants à revers et faisant un énorme carnage parmi les miliciens jeunes et non aguerris. Un certain nombre réussit à sortir du guêpier, mais tous les autres, blessés ou prisonniers, furent exécutés sur le champ. Porto Cristo fut réoccupé par les nationalistes le 17 août à midi, d'après les monographies militaires. Les pertes, d'une cinquantaine chez les nationalistes et 450 dans les rangs des forces de Bayo, avec l'abandon d'un important matériel militaire, est-ce à ce moment-là que de  Traversay est fait prisonnier. Rolf Reventlow affirme, lui aussi, que le journaliste a été tué à Porto Cristo. Fait prisonnier le premier jour avec d'autres miliciens et fusillé, son corps brûlé sur la plage. Herbert R. Southworth, citant Koestler, admet que Traversay fut fusillé par les nationalistes avec les autres prisonniers et tous les corps brûlés sur la plage. Traversay à protesté. Journaliste effectuant sa mission il possède une lettre de recommandation de la Généralitat et son sort est fixé en quelques minutes. Au sujet de ces exécutions, Alberto Bayo n'est pas très explicite et ne reprend que ce que dit Bernanos. Tous les auteurs font pratiquement de même.

 

- Georges Bernanos est catholique, royaliste et surtout occidental ; il sent et pense comme un celte. Il a passé deux ans dans l’île de Majorque, en pleine guerre civile. Il n’est suspect ni de marxisme ni d’athéisme. Il déplore profondément qu’en Espagne, des catholiques se battent entre eux et s’entretuent.

Bernanos ne parle point de ce qui s’est passé dans la péninsule espagnole parce qu’il n’y était pas ; il parle de ce qui s’est passé à Majorque parce qu’il a vu. Il le fait avec peine, par devoir.

Ce qu’il a vu ? Sous l’impulsion d’un major italien, la chasse à l’homme s’organise. Chaque nuit, des dizaines d’hommes sont arrachés de leurs lits et assassinés. Bernanos sait exactement comment Guy de Traversay a été tué sur l’ordre d’officiers franquistes, imbibé d’essence et brûlé sur la plage jusqu’à ce qu’il n’en restât plus qu’une sorte d’immonde goudron.

Fils de l’Eglise, Bernanos a vu le clergé espagnol, et notamment l’évêque de Palma, accorder sa bénédiction aux mitrailleuses italiennes. Il a parlé avec des aviateurs qui avaient, par l’hypérite fait régner la mort totale dans les villages abbyssins. Il n’est tendre pour personne, ni pour les faux hommes de droite, ni pour les faux dévôts, ni pour rien de ce qui transige avec la vérité.

 

Les correspondants de presse, présent dans la capitale catalane et à Valence, était au fait d'une expédition militaire complexe : le débarquement de plusieurs milliers d'hommes sur une île après une traversée de quelques centaines de kilomètres. Pourtant, biographe et animateur de l'expédition, le commandant Alberto Bayo ne mentionne aucun journaliste étranger dans son entourage. Alors qu'un groupe d'imprimeurs et de journalistes catalans éditent « la Columna de Baleares », « Diario de combate antifascista », petite feuille ronéotée distribuée sur les lignes du front. Son premier numéro comporte un avertissement destiné aux femmes, dont la présence est prohibée sur le front sauf pour les femmes actives aux postes de secours et celles se présentant comme miliciennes.

Le supplément du numéro 5 communique la perte d'un sac à dos contenant un appareil photographique, un carnet de correspondants de presse des journaux « El Sol », « La Voz et « L’Humanité », de Paris, ainsi qu'un carnet d'affilié au parti républicain au nom de Vicente Lizarraga, dont nous n'avons trouvé nulle part la trace. Ce Diario détaille les thèmes de propagande et leur exaltation. Les encouragements côtoient les avertissements à l'encontre des pilleurs, des poltrons et des couards, des propagateurs de frousses. Les jugements et condamnations pour abandon de poste devant l'ennemi sont quotidiennement dénoncés et leur exécution la conclusion.

Au chapitre de la propagande, cette expédition, filmée puis produite par les studios Laya Films, seule est projetée la partie victorieuse, la retraite étant éludée.

Cette année-là, Georges Bernanos habite à Porto Pi, à quelques kilomètres de la périphérie ouest de Palma. Dans « les grands cimetières sous la lune » il écrit, s'adressant à Léon Bailby, directeur du « Jour » et aux « Seigneuries » les évêques d'Espagne :

« J'illustrerai donc ce propos par un exemple. J'ignore ce que firent ou ne firent pas les croisés de la péninsule. Je sais seulement que les croisés de Majorque exécutèrent en une nuit tous les prisonniers et ramasser dans les tranchées catalanes. On conduit le bétail jusqu'à la plage où on le fusilla sans se presser, bête par bête. Mais non, Excellences, je ne mets nullement en cause votre vénéré frère l’évêque archevêque de Palma. Il se fit représenter comme d'habitude, à la cérémonie, par un certain nombre de ses prêtres qui, sous la surveillance de militaires, offrir leurs services à ces malheureux. On peut se représenter la scène : allons Padre celui-là est-il prêt ? Une minute, monsieur le capitaine, je vais vous le donner tout de suite.

« Leurs Excellences affirment avoir obtenu dans de pareilles conjonctures des résultats satisfaisants... Pourquoi pas. Moi je m'en fiche. Le travail achevé, les croisés mirent les bestiaux par tas, bétail absous, et non absous puis il les arrosèrent d’essence que l’on appelle là-bas gazoline. Il est bien possible que cette purification par le feu ait revêtue alors, en raison de la présence des prêtres de service une signification liturgique. Malheureusement je n'ai vu que le surlendemain ces hommes noirs et luisants, tordus par la flamme, et dont quelques-uns affectaient dans la mort des poses obscènes, capable d'affliger les dames palmesanes, et leurs distingués confesseurs.

« Pour en revenir au secrétaire général de l'Intransigeant, de Traversay, c'est vainement qu'il justifia de sa qualité de journalistes français. Je ne le crains aucun démenti lorsque j'affirme qu'après un bref débat entre deux officiers espagnols il fut exécuté pour avoir été trouvé porteur d'une misérable petite feuille dactylographiée, signée des fonctionnaires de la Généralitat, le recommandant à la bienveillance du capitaine Bayo. Il est parfaitement possible qu'une feuille semblable, signée des autorités nationalistes de Palma, m’eut valu, chez les républicains, le même sort. Je pourrais répondre que je n'en sais rien, puisqu'à ma connaissance du moins aucun journaliste français n'a été fusillé par les gens de Valence. »

Bernanos est d'autant plus catégorique qu'il dispose de renseignements de première main. Son fils, phalangiste, participe aux combats.

Quelques semaines plus tard, un médecin français, volontaire dans les centuries du Poum décrit le tragique débarquement pour « Marianne » et pour « Vendredi », des périodiques de gauche. Désordre, improvisation, enfantillages telles sont les leçons tirées par ce docteur, rappelant l'abandon sur la plage, à Punta Amer, d'un groupe important de membres du corps de santé. De Traversay a-t-il cherché refuge auprès de ceux-ci. Irresponsabilité de la Généralitat, qui a donné son aval à l'expédition pour peu après, sournoisement, le retirer. Les journalistes ont-ils été mal informés par les services de Jaume Miratvilles, présentant la conquête des Baléares comme un objectif prioritaire et sentimental en faveur d'une grande Catalogne libre et indépendante. Le solde de l'expédition a été de plus de 500 morts et d'un nombre ignoré de blessés et d'abandonnés.

Par ailleurs, constatons que les mêmes correspondants de presse étrangers, présents à Barcelone et à Valence, n'avait sans doute pas pris l'initiative d'interroger un seul parmi les 7000 miliciens qui évacuèrent les Baléares, afin de vérifier la réalité des opérations militaires et des communiqués fournis par la Généralitat ainsi que du silence du gouvernement de Madrid. Mais l'auraient-ils fait, qu'il eût été encore nécessaire de transmettre les informations recueillies, avec des risques certains. Plus facilement cependant que quelques mois plus tard, lorsque les conditions de circulation et de contrôle des hôtes entraîne des mesures sévères attisées par l'hystérie d'espionnage qui gagne à partir d'octobre 1936.

 

L’itinéraire de Traversay en Espagne aurait donc été le suivant :

-          19 juillet 1936 : arrivée par avion bi-moteur ? à Madrid

-          hébergé par Jacobson

-          visite à Tolède

-          8 août 1936 : direction le front d’Aragon – Saragosse et Huesca - défendu par la division Durruti

-          9 août : à Barcelone, il écrit à Jacobson

-          11 et 12 août à Bujaraloz où réside l’état-major des troupes républicaines, sur la route de Saragosse

-          12 et 13 août, à Huesca ?? interview de Durruti qui n’attaquera pas Saragosse.

-          14 et 15 août à Barbastro où l’on exécute le clergé.

-          Retour à Cabrera de Mar au sud de Barcelone

-          16 août, depuis Cabrera, destination les Baléares – Majorque - en hydravion ; là, il se joint aux troupes républicaines dirigées par Bayo, muni d’un laisser-passer.

-          le 17 août, débarquement à Porto-Cristo

-          Rapidement appréhendé par les troupes nationalistes et aussitôt fusillé, étant porteur d’un sauf-conduit républicain – ou tué dans une embuscade -.

 

Un officier des rebelles franquistes fit de la mort du journaliste français le récit suivant : « La colonne Bayo, forte d’environ 1 200 hommes, avait débarqué le 16 ou le 17 sur la côte est de l’île, en direction de Manacor. Elle s’était avancée de deux ou trois kilomètres dans l’île, sans rencontrer de résistance. Guy de Traversay s’était joint à la colonne. Mais les nationaux avaient préparé une embuscade : brusquement un feu très vif de mousqueterie et de mitrailleuses éclata. La colonne surprise fût décimée et les survivants se replièrent vivement vers le bateau qui les avait amenés. Guy de Traversay avait été tué. C’est ainsi que son portefeuille fût trouvé. Mais dès le lendemain, les gouvernementaux revenaient à l’attaque et s’accrochaient sur le terrain. »

 

Guy de Traversay sera fait chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume ; il sera cité à l’ordre de la Nation – Journal Officiel du 23 octobre 1936 - .

 

Il aura écrit un grand nombre d’articles de presse ou de reportage ; parmi ceux-ci, il y eut :

-          la Revue Universelle n°17 du 1er décembre 1923 : « La naissance de la République Rhénane » sur 7 pages,

-          la Revue des Deux Mondes des 15 janvier et 1er février 1925 : « l’échec du séparatisme rhénan 1918-1923 » sur 38 pages,

-          la Revue de Paris n°23 des 15 novembre et 1er décembre 1928 : « La 1ère tentative de République Rhénane » sur 55 pages,

-          La Grande Revue de janvier 1929 pages 387 à 405 : « La première crise franco-allemande au lendemain du traité de Paix ».

-          La revue de documentation économique et sociale 1930 n°140 : « La littérature soviétique » avec André Beucler

-          La Montagne n°268 du 1er avril 1935 « reliques glaciaires aux Pyrénées »

-          Paris Match du 24 décembre 1935 : « Un amateur de l’air : André Japy »

-          La Nouvelle Revue Française n°270 page 463 de mars 1936 : « Lettre à André Malraux » - concerne la polémique qui a fait suite à la découverte faite en janvier 1934 par André Malraux, accompagné de Corniglion-Molinier, à Mareb de la capitale de la reine de Saba dans le désert du Yémen, puis aux articles de André Malraux relatifs à cette découverte publiés dans l’Intransigeant à partir du 1er mai 1934 : Traversay au nom de l’Intransigeant refuse de rentrer dans la polémique et de publier un article de Pierre Lamare – lequel paraîtra plus tard aux Nouvelles Littéraires -

-          Et aussi tous les articles dans « L’Intransigeant » et dans « Le Journal ».

Et puis encore pour sa famille des poèmes et des chansons.

Certains écrits portèrent le nom de plume « Clément Prévost ».

Egalement sous sa signature, nous avons retrouvé un rapport sur le rôle et les droits de l’épargne dans l’économie nationale – 1927 – et aussi « notre régime ferroviaire » - revue politique et parlementaire 1928 sur 26 pages - .

André Jacquelin, après la seconde guerre mondiale publie un ouvrage « Espagne et liberté » et note « à la mémoire de mes chers camarades, les reporters Louis Delaprée [1] et Guy de Traversay, sauvagement assassinés en Espagne par les franquistes, victimes du devoir professionnel, ce livre est dédié. »

Jusqu’en 1998, une salle de journalistes dans les anciens locaux de Paris-Presse devenu France-Soir, au 100 rue de Réaumur à Paris, portait son nom.

 

                                                                                  Yves Duboys Fresney

 

PS : le 18 ou le 19 août 1936 le poète espagnol Frederico Garcia Lorca (1898-1936)  était lui aussi assassiné par les anti-républicains entre Vizna et Alfacar près de Grenade, en un lieu que les Maures appelait « la source aux larmes ».

 

 

Sources :

- Espagne 1936 - correspondants de guerre - L'ultime dépêche.. Pierre Marqués Posty paru le 01/04/2008 Editeur : L'Harmattan Collection : Recherches et Documents - Espagne édité par la Fondation Pablo Eglesias et l’Institut culturel espagnol

- Tres escriptors davant la Guerra Civil par Josep Massot i Muntaner

- Les Grands Cimetières sous la lune par Georges Bernanos

- Exposition photos au musée Zabana d’Oran du 24 novembre au 10 décembre 2008 sur la guerre civile espagnole (1936-1939) vue par les reporters de presse

- Le journal « L’Intransigeant » des 8, 12, 13, 14, 16, 19 août 1936 ; l’article du 14 août est intitulé : « De Madrid à Saragosse par le chemin des écoliers, la Nuit de Monserrat »

- Du même journal, les articles post-mortem des 1er septembre 1936 (Guy de Traversay a été tué en Espagne) 2 septembre (Avec mon ami Traversay sur les fronts d’Espagne par Max Jacobson) et 4 septembre (Mon ami Guy de Traversay par Pierre Descaves). Ces articles furent extrêmement élogieux pour leur collègue et ami Guy de Traversay, avec ses qualités humaines et professionnelles, il travaillait beaucoup et dormait peu, ses capacités de réflexion mais aussi de décision, sa culture et sa maturité dans l’écriture.

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]  Louis Delaprée était grand reporter à Paris-Soir, lorsqu'il fut envoyé en Espagne au début de la guerre civile (1936). Avec Guy de Traversay, de "L'intransigeant", et d'autres représentants de la presse internationale, Louis Delaprée fut au nombre des journalistes qui tombèrent victimes du devoir au cours de ce conflit qui dura jusqu'en 1939. Delaprée fût abattu par un avion italien, Traversay fût fusillé.