Entre la Bretagne et la Normandie, une longue histoire [1]

 

 

Carte de la Normandie et de la Bretagne

 

 

L’Armorique

L’Armorique, sous l’Antiquité, formait une large région cotière s’étendant de Pornic près de Nantes jusqu’à Dieppe au nord du pays de Caux, recouvrant donc l’actuelle Bretagne, le nord-ouest des Pays de la Loire, le Maine, et la totalité du littoral normand.

Ne serait-ce pas la totalité de la région que nous voulons traiter aujourd’hui !

La notion d’Armorique ne se restreint donc pas à l’actuelle Bretagne, comme on aurait tendance à le penser ; le terme d’Armorique a été employé deux fois par Jules César dans sa «Guerre des Gaules ». Cette grande région, d’apparence unitaire à l’origine, va par des faits historiques, se retrouver divisée pour former pendant presque un millénaire deux régions distinctes, deux duchés et par la suite deux provinces qu’il nous a paru intéressant aujourd’hui de mettre en parallèle.

Les faits historiques, sources de cette division territoriale, sont bien évidemment les invasions, celles des britons d’une part, puis celles des vikings d’autre part, comme nous allons le voir.

 

La Bretagne, un comté, un duché ou un royaume…

Au cours du 5ème siècle, l’Angleterre est traversée par les saxons ; les celtes vont se réfugier dans les extrémités nord et ouest du pays, Ecosse, Galles, Irlande, Cornouaille ; une partie d’entre eux vont franchir la Manche et occuper la presqu’ile d’Armorique ; on les appelait britons, ce qui donnera bretons. La migration bretonne eut lieu de l’an 450 à 650 ; parmi eux, de nombreux religieux comme Saint Lunaire ou Saint Brieuc, souvent créateurs d’évêchés …

 

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La formation de la Bretagne en tant que province, soumise donc à un seul et même prince, est sujette à controverse. L’Armorique était à l’origine constituée d'environ neuf pays [2] , puis comtés dont les titulaires rivalisèrent entre eux. En 769, Charlemagne envoya ses lieutenants en 787, puis de nouveau en 799 pour soumettre l’ensemble de la province. Cinq autres expéditions seront effectuées, jusqu'à ce que la nomination de Nominoë, un Breton, mette fin aux révoltes incessantes.

Né vers 800 dans le Poher, Nominoë qui est comte de Vannes en 819, est nommé missus imperatoris (envoyé de l'Empereur) et dux Brittania (chef militaire des Bretons) par Louis le Pieux, fils de Charlemagne, avec mission de pacifier et de fédérer la région, ce qu'il fit avec succès. Nominoe devient alors duc de Bretagne en 826. À la mort de Louis le Pieux en 840, l'Empire carolingien éclate, et c'est l'un de ses trois fils, Charles le Chauve, qui hérite de la Francie occidentale, comprenant la suzeraineté de Bretagne. Nominoë voulant s’affranchir de toute vassalité, entre alors progressivement en rébellion contre le roi Charles ; en s'alliant avec Lambert II de Nantes, il remportera les victoires de Messac (843) et de Ballon sur le territoire de Bains (845). Le roi doit alors reconnaître la supériorité de Nominoë en mai 846, et signe avec lui un traité de paix la même année. Nominoë est sacré roi des Bretons d'Armorique par l’archevêque de Dol, après que le pape Léon IV l'ait autorisé à ceindre une couronne d'or. Nominoë reprend la guerre et s'empare d'Angers, de Nantes, puis en 850 de Rennes, obligeant le roi Charles le Chauve à signer en 851 le traité d’Angers. Roi de Bretagne, il sera aussi appelé le « Père de la Patrie ».

Nominoë mourut le 7 mars 851, laissant pour fils Erispoë qui poursuivit la guerre contre Charles le Chauve. Il fut tué en 857 par son cousin Salomon, qui lui succéda comme roi. La Bretagne fut à sa mort, en 874, à nouveau au pouvoir de divers seigneurs ou comtes rivaux, jusqu'en 888, où elle fut de nouveau unifiée sous le règne d’Alain le Grand. À partir de 913, les Vikings menés par les chefs Rögnvald et Félécan dévastent la Bretagne et s'installent à Nantes. Ce n'est qu'à partir 936 avec le débarquement d’ Alain II dit Barbetote que la Bretagne ne retrouve son unité, et devient un duché, parfois appelée comté.

 

L’arrivée des Vikings

Les raids vikings eurent lieu à partir du 8ème siècle jusqu’au 10ème s ; en provenance soit du Danemark, soit de Norvège, ils s’installèrent dans toute l’Europe septentrionale, en Normandie mais aussi en Bretagne, à partir de 820, surtout dans la région de Nantes et puis celle de Saint-Malo.

En 820 puis 830, attaque sur Noirmoutier qui devient une vraie base viking ; 843, pillage de Nantes et de sa cathédrale ; en 847, l’église abbatiale du Mont-Saint-Michel est saccagée …

 

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Les bretons furent les seuls, dit-on, à vraiment réagir et à se faire respecter ; Gurwant, comte de Rennes, prit la défense de la région vers 870 ; également Alain Le Grand ; les invasions vikings reprennent après le décès de ce dernier en 907 ; une grande assemblée des moines de Bretagne eut lieu à Léhon et un exode massif est organisé, des moines et des reliques ; les moines de Gaël sont contraints de fuir en emportant les précieuses reliques de saint-Méen et de saint-Judicaël ; celles de Saint Samson de Dol sont recueillies à Saint Symphorien d’Orléans. L’abbaye de Léhon sera pillée vers 910, les moines ayant emporté à Paris les reliques de Saint-Magloire ; l’abbatiale de Landévennec est détruite en 913 ; nouvelle prise de Nantes en 919 ; Saint Melaine de Rennes est pillé en 920 ; le Mont Saint Michel est alors curieusement épargné …

 

A Saint-Malo, les vikings s’étaient installés dans l’estuaire de la Rance à Saint-Suliac, à Dinard … A Saint-Suliac on retrouve encore aujourd’hui un ancien camp viking tel que décrit dans la chanson d’Aquin comme étant l’ancienne forteresse de Gardaine, occupée par les Viking entre les ans 900 et 950, réputée imprenable et pouvant accueillir jusqu’à 18 drakkars [3] .

La toponymie de la région de Saint-Malo fait état de nombreux noms d’origine viking [4] .

 

Alain Barbetorte reprend le combat contre les vikings ; en 936, il est victorieux au camp de Péran ; en 937, il prend Nantes et chasse les envahisseurs; en 939, la bataille de Trans conduit à l’expulsion définitive des vikings de la Bretagne.

 

Pendant ce temps-là, en Normandie, Rollon se fait chrétien ; par le traité de Saint Clair sur Epte du 11 juillet 911, Charles le Simple abandonne à lui et aux siens les territoires avoisinants la Basse Seine ; appelés comté, ils deviendront duché sous Richard II.

 

Ces invasions vikings eurent pour résultat d’une part la colonisation presque générale de la Normandie et d’autre part, en Bretagne, un arrêt presque systématique de l’envahisseur [5] ; doit-on aujourd’hui encore discerner à travers ces faits historiques un tempérament différent chez les autochtones : tolérance ou soumission chez les uns [6] , volonté d’autonomie ou rébellion chez les autres : peut-être, car de cela, on en parle, mais il faut surtout croire à une pression guerrière différente, à une invasion massive sur la côte normande et en baie de Seine, sans doute non comparable avec les raids bretons face auxquels il aura été plus facile de réagir ; il est très difficile d’appréhender ce point avec méthode et objectivité et donc nous laissons le lecteur à ses propres sentiments …

 

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Rois de Bretagne (831-907) :

831-851 : Nominoë

851-857 : Erispoë, fils de Nominoë. Il meurt assassiné par son cousin Salomon.

857-874 : Salomon, cousin d'Erispoë, qui a substantiellement agrandit le territoire breton. Il meurt assassiné, livré aux Francs par Pascweten et Gurwant. C'est un saint breton, reconnu martyr par l'Eglise catholique.

A la mort du roi Salomon, une guerre de succession (874-888) s'ouvre entre Pascweten, gendre de Salomon et comte de Vannes, et Gurwant, comte de Rennes, ceux-là même qui ont livré Salomon aux Francs. Face à la menace normande, Judicaël, héritier de Gurwant, et Alain, frère de Pascweten, se réconcilient. Judicaël meurt en 888 ou 889, laissant le champ libre à Alain.

888-907 : Alain Ier le Grand, frère de Pascweten

De 907 à 937, les Normands occupent la Bretagne. Les monastères, possèdant de riches trésors, sont pillés et souvent détruits par les Vikings. Cette invasion pousse les moines et les membres de la noblesse bretonne à s'exiler. Alain Barbetorte, futur duc, a fortement contribué à libérer la Bretagne de l'occupation normande, après être revenu de son exil en Angleterre. La date de création du duché de Bretagne est sujet à discussion, et dépend de l'élément considéré comme fondateur. Ici, la date de 937 a été choisie en référence l'année durant laquelle les Normands sont définitivement chassés du territoire breton. En 938, Alain Barbetorte est duc de Bretagne.

 

Maison de Nantes (937-952) :

937-952 : Alain Barbetorte, petit-fils d'Alain Ier

952-958 : Drogon, fils d'Alain Barbetorte

A la mort de Drogon, Foulques II d'Anjou est régent du duché.

960-980 : Hoël Ier, fils illégitime d'Alain Barbetorte

980-988 : Guérech, fils illégitime d'Alain Barbetorte

988-990 : Alain II, fils de Guérech

 

Maison de Rennes (990-1066) :

990-992 : Conan Ier le Tort, tué à la bataille de Conquereuil (bataille menée par Foulques III d'Anjou, ou Foulques Nerra, alors que Conan procédait au siège de Nantes)

992-1008 : Geoffroy Ier Bérenger, fils de Conan Ier

1008-1040 : Alain III, fis de Geoffroy Ier

1040-1066 : Conan II, fils d'Alain III, décédé à Château-Gontier en Mayenne.

 

Maison de Cornouaille (1066-1156) :

1066-1084 : Hoël II, beau-frère de Conan II

1084-1115 : Alain IV Fergent, fils de Hoël II

1115-1148 : Conan III, fils d'Alain IV

Sur son lit de mort, Conan III déshérite son fils Hoël en faveur de son petit-fils Conan IV. De 1148 à 1156, la régence est assurée par Berthe de Bretagne, fille de Conan III, et par son second mari Eudon de Porhoët. Durant cette période, Hoël a revendiqué le titre de duc de Bretagne sous le nom de Hoël III.

 

Maison de Penthièvre-Plantagenêt (1156-1221) :

1156-1166 : Conan IV, fils de Berthe de Bretagne et d'Alain le Noir

1166-1196 : Constance, fille de Conan IV

1181-1186 : Geoffroy II, duc de Bretagne conjointement avec son épouse Constance. Geoffroy est le fils du roi d'Angleterre Henri II Plantagenêt

1196-1203 : Arthur Ier, fils de Geoffroy II et de Constance. De 1196 à 1201, le duché est sous la régence de sa mère.

1203-1221 : Alix, fille de Constance et de Guy de Thouars. La régence est assurée par ce dernier jusqu'en 1213.

 

Maison de Dreux (1221-1341) :

1221-1286 : Jean Ier le Roux, fils d'Alix et de Pierre de Dreux (connu aussi sous le nom de Pierre Mauclerc). Jusqu'en 1237, la régence est assurée par Pierre Mauclerc.

1286-1305 : Jean II, fils de Jean Ier

1305-1312 : Arthur II, fils de Jean II

1312-1341 : Jean III le Bon, fils d'Arthur II

 

A la mort de Jean III, une guerre de succession a lieu de 1341 à 1365. Le trône est revendiqué par Jeanne de Penthièvre (et son époux Charles de Blois) et par Jeanne Flandre (et son époux Jean de Montfort). Cette guerre de succession est également appelée "Guerre des deux Jeanne".

Guerre de Succession (1341-1365) :

1341-1364 : Charles de Blois et Jeanne de Penthièvre

1341-1345 : Jean II de Montfort

1341-1364 : Jeanne de Flandre, tante et rivale de Jeanne de Penthièvre

1357-1364 : Jean III de Montfort

Le traité de Guérande est signé en 1365 entre Jeanne de Penthièvre et Jean III de Montfort. Ce dernier est reconnu comme étant l'unique duc de Bretagne. Le traité stipule que l'héritage passera de mâle en mâle dans la famille de Montfort. A défaut d'héritier mal, le duché reviendrait à la famille de Penthièvre.

 

Maison de Montfort (1365-1514) :

1365-1399 : Jean IV le Conquéreur, fils de Jean de Montfort et de Jeanne de Flandre

1399-1442 : Jean V, fils de Jean IV

1442-1450 : François Ier, fils de Jean V

1450-1457 : Pierre II, fils de Jean V

1457-1458 : Arthur III, connu sous le nom du Connétable de Richemont, fils de Jean IV

1458-1488 : François II, époux de Marguerite de Bretagne (fille de François Ier de Bretagne)

1488-1514 : Anne de Bretagne, fille de François II, mariée successivement aux rois de France Charles VIII et Louis XII.

 

La grande peur de l’an Mil

A l’approche de l’an Mil, des terreurs sans précédent saisirent l’ensemble de la chrétienté ; le peuple est accablé par l’imminence de la fin du monde ; les rumeurs sont amplifiées, compte tenu de plusieurs facteurs concomitants : une dépression climatique, le retour périodique de la peste, une dépression démographique, la relecture de l’Apocalypse, les prédictions de Nostradamus, etc … Le principal représentant de cette théorie d’un Moyen-Age obscurantiste, dominé par la crainte de punitions divines fut l’historien Jules Michelet (1798-1874).

Pendant la période qui suivit (1871-1914), les tenants de l’anticléricalisme relayent les idées en ajoutant même que l’Eglise aurait cautionné la peur de la fin du monde pour susciter plus de fidèles et même plus d’offrandes …

Ces opinions furent remises en question par une nouvelle génération d’historiens, les positivistes de la fin du 19ème siècle qui dénoncèrent le mythe des terreurs de l’an Mil ; par la suite, Georges Duby (1919-1996) admettra qu’il existait alors et seulement une sorte d’attente permanente, une inquiétude diffuse de la fin du monde.

Mais pourquoi donc évoquer ici cette grande peur générale ? Les prédictions ainsi émises se voyaient souvent cautionnées par des évènements particuliers : les invasions vikings, dont nous venons de parler,  par leur ampleur et peut-être leurs atrocités, coïncidèrent aux évènements pour leur donner une plus grande portée ; il a été dit que la grande peur n’aurait été aussi profonde et aussi désespérée qu’à cause des normands ; Jean de La Varende (1887-1959) évoque cette période ainsi que le rôle des normands dans ces croyances de la fin du premier millénaire …

 

La frontière entre les deux provinces

Les limites naturelles de la Bretagne n’existent pas vraiment ; le marais de Dol est mi-normand, mi-breton, le pays de Fougères et de Vitré ressemble au Maine, le pays de Châteaubriant à l’Anjou ; alors, on suit les rivières, le Couesnon [7] , la Vilaine, la Seiche, le Don, pour rejoindre la Loire.

Cette frontière est tardive, car elle n’existait pas sous l’Armorique, à l’époque gauloise.

Une vraie barrière défensive de la Bretagne allait être créée sous les ducs du Mont Saint Michel à l’embouchure de la Loire : il s’agit de la Marche de Bretagne avec Fougères, Vitré, La Guerche, Chateaubriant, Fougeray, Blain et Le Fretay (à Pancé) …

Le village de Sainte-Suzanne est souvent indiqué comme étant aux confins de la Bretagne, de la Normandie et du Maine.

La frontière géopolitique actuelle est toujours restée très proche de la frontière historique ; les limites départementales ont suivi de près la limite des provinces d’autrefois.

La frontière géologique est bien différente de la frontière historique ; nous entendons souvent dire dans le Cotentin que l’on se croirait en Bretagne …

Le Mont Saint Michel, avec à ses pieds la rivière Le Couesnon, désormais fixe les esprits pour marquer la frontière ; ce point en réalité n’avait aucun intérêt dans le passé : l’abbaye était indépendante grâce au bénéfice de l’exemption, autant de l’un des ducs que de l’un des évêques d’Avranches ou de Dol …

 

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La Normandie, suzeraine de la Bretagne ?

Le chroniqueur normand Dudon de Saint Quentin (965-1030 ?), en s’inspirant de Flodoard, nous a laissé l’idée que la Bretagne était un fief dépendant de la Normandie ; il raconte ainsi : Rollon voulut obtenir de Charles le Simple un nouveau territoire à piller ; il se vit offrir la Flandre ; Rollon la refusant, trouvant ce pays marécageux, Charles le Simple finit par lui offrir toute la Bretagne ... Guillaume Longue Epée vint y faire une campagne contre les bretons révoltés ... Sous la minorité de Richard Ier, les comtes bretons Alain et Béranger vinrent à Rouen pour prêter hommage à Richard …

Alors, suzeraineté de la Normandie sur la Bretagne ! La Bretagne un fief de la Normandie ! … Les droits étaient-ils réels ou seulement moraux, résultant d’un droit d’aînesse, voire virtuels ou chimériques comme cela a été dit …

Au départ, Charles le Simple aurait donné la seigneurie de Bretagne à la Normandie lors du traité de Saint Clair sur Epte en 911 ; mais rien n’établit avec certitude cette concession de la Bretagne « en arrière-fief » ; cette clause de cession était-elle absurde comme cela a été dit ?

Par la suite, Robert de Normandie contraint Alain duc de Bretagne à lui rendre hommage.

Arthur 1er fut pour un temps duc de Bretagne et de Normandie, avant qu’il ne soit assassiné par son oncle Jean Sans Terre.

Enfin, les rois anglais, les Plantagenets, voulaient réunir la Bretagne à la Normandie, pour ainsi dominer tout l’Ouest de la France. Henri II d’Angleterre maria son fils cadet Geoffroy à Constance, fille de Conan IV dernier comte de Bretagne. Henri II fit constater deux fois la suzeraineté de la Normandie destinée à son fils ainé Henri, en 1170 lors des fiançailles de Geoffroy, Henri II étant alors tuteur de ses deux fils, puis en 1182 lors de son mariage, alors Geoffroy rendit hommage lui-même.

Alors, véritable lien vassalique ou simple prérogative d’ainesse … la question reste ouverte …

 

vue 1 - [Mariage de Geoffroi comte de Rennes et duc de Bretagne, avec Havoise de Normandie, soeur de Richard II, duc de Normandie] : [enluminure] / [Maître de Marguerite d'Orléans]

Mariage de Geoffroy de Bretagne et de Havoise de Normandie

 

Cette question de lien féodal fit l’objet au cours du 18ème siècle d’une polémique pour ce qui a été appelé « la mouvance de Bretagne » , avec deux personnages clés, tous deux d’ailleurs installés en Normandie :

L’abbé de Vertot (1655-1735) fit paraître en 1710 un Traité de la mouvance de Bretagne. Bien que le droit public français n'empruntât dès lors presque aucune autorité véritable aux origines de la monarchie française, par une sorte de tradition, la plupart des écrivains s'attachaient à représenter le pouvoir royal comme ayant toujours été central et universel. C'était un reste de la tendance des communes à chercher auprès du trône leur recours contre les dominations féodales. Au contraire, le désir de défendre leurs privilèges et un certain amour-propre de pays donnaient à quelques provinces un esprit différent. Les Bretons, plus que d'autres, aimaient à se présenter plutôt comme liés que comme confondus avec la monarchie française. Leurs historiens se plaisaient à raconter l'ancienne indépendance de leur pays et renouvelaient pour ainsi dire les querelles que l'on avait jadis vues s'élever à chaque prestation de foi et hommage des ducs de Bretagne. Ce fut d'abord dans le sein de l'Académie que Vertot entreprit de réfuter les prétentions bretonnes. Sa dissertation ayant acquis quelque publicité, la querelle prit plus d'étendue et s'anima ...

D'autres écrivains y prirent part : les Bretons répliquèrent. L'abbé de Vertot porta, sur cette question, sa vivacité ordinaire. C'était à ses yeux comme une rébellion de la Bretagne, d'autant qu'il s'y éleva, à cette époque et cela n'était pas rare, quelques troubles contre des agents royaux. De tout cela résulta, plusieurs années après, une Histoire complète de l'établissement des Bretons dans les Gaules. On examinerait aujourd'hui la question plus froidement et avec une critique plus éclairée, on n'y porterait pas non plus cette habitude de vouloir absolument trouver dans les temps anciens les idées de droit, d'ordre et de légitimité qui ne sont guère d'usage à l'origine des empires. C'est ainsi que l'abbé de Vertot, contre tous les témoignages et toutes les apparences, a voulu établir l’Union de la Bretagne à la France sous la première race, mais alors le livre parut à l’Académie des inscriptions ne rien laisser à désirer et les Bretons passèrent pour bien et dûment convaincus d'avoir été de tout temps sous la souveraineté du roi de France. (source : wikipédia)

 

Claude du Moulinet (1661-1728), dit l'abbé des Thuilleries, est un historien et érudit français, né en 1661 à Essay, localité de Normandie, mort le 15 mai 1728 à Paris. D'une famille noble de Sées, il fit des études à Valognes, puis à Paris, et fut lié un temps à l’oratorien Richard Simon, mais se sépara de lui. Il consacra toute sa vie à l'histoire de France, particulièrement à celle de la Normandie, sa province natale, de l'Anjou et de la Bretagne, et en parcourut les archives. Il a publié de très nombreux ouvrages sur la Normandie, certains en manuscrit. Il polémiqua avec Dom Lobineau sur son Histoire de Bretagne, faisant paraître en 1711 une Dissertation sur la mouvance de Bretagne, par rapport au droit que les ducs de Normandie y prétendaient, etc., soutenant que Charles le Simple avait donné la Bretagne au chef normand Rollon en 923. L'échange se poursuivit en 1712 et 1713 (Voir Défense des dissertations sur l'origine de la Maison de France et sur la mouvance de Bretagne ). (source : wikipédia)

 

Un rôle essentiel dans les croisades pour Jérusalem

Les normands, les bretons furent sensibles à l’envahissement de la Palestine par les turcs au cours du XIème siècle, rendant impossibles les pèlerinages au Saint-Sépulcre.

La Normandie sera donnée toute entière en gage par le duc Robert II à son frère ainé Guillaume Le Roux, roi d’Angleterre, pour obtenir les fonds nécessaires à la première croisade de septembre 1096, soit 6 666 livres ou 10 000 marcs d’argent pour les frais d’expédition et l’équipement de la troupe ; de retour en Normandie au printemps 1100, Guillaume d’Angleterre est mort ; Robert ne remboursera pas mais il s’estimera spolié de son droit d’ainesse à la couronne d’Angleterre appréhendée en son absence par son plus jeune frère Henri Beauclerc…

Autrement, une croisade eut lieu, composée uniquement de bretons, des pauvres gens entrainés par de beaux discours mais sans chef militaire, ils périrent dans les montagnes de l’Asie Mineure en 1198 ; par la suite, les bretons participèrent surtout aux deux croisades de Saint-Louis.

 

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Les comtes et ducs de Normandie

 

L’incorporation au royaume de France

Concernant la Normandie, l’incorporation au royaume va se faire en deux temps :

En 1204, le roi de France Philippe Auguste s’empare de la province et l’annexe au domaine royal ; le roi d’Angleterre Henri II renonce officiellement à ses droits au traité de Paris de 1259.

Mais, le duché est ensuite donné en apanage … Il est reconquis par le royaume en 1450 et sera alors rattaché définitivement au domaine de la Couronne ; les états généraux de Tours de 1468 vont à la demande du roi Louis XI interdire pour l’avenir de le donner en apanage. Lors d’une séance de l’Echiquier, l’anneau ducal est officiellement et publiquement cassé et rompu …

 

Concernant la Bretagne, le roi Philippe-Auguste dès 1204 s’était emparé de la suzeraineté ; en 1297, elle est érigée en duché-pairie ; mais après la mort du dernier duc François II en 1488, le duché sera incorporé au royaume, d’abord par simple union personnelle, après le mariage de sa fille, la duchesse Anne, avec le roi Charles VIII, en 1491, puis avec Louis XII en 1493, ensuite par donation qu’en a fait Claude de France, la fille d’Anne de Bretagne et de Louis XII, à son époux François Ier, en 1515. L’union sera définitive avec l’édit d’union du 13 août 1532.

Les libertés bretonnes seront placées sous la sauvegarde des Etats Provinciaux, au moyen de la rédaction des coutumes en 1539, révisées en 1580.

Le rapprochement avec la Couronne est accepté en échange du maintien des privilèges comme l’exemption de la gabelle, mais les belles promesses ne dureront pas ! Cette pensée que les privilèges existants au moment du rattachement n’avaient pas été maintenus par la suite, circule régulièrement en Bretagne, mais qu’en est-il exactement ? Il est évident que la Révolution française avec la suppression des privilèges mit tout à plat, et que depuis, la République n’avait accordé aucune dérogation selon le régime antérieur des provinces [8] .

La tradition veut que l’on fasse aussi remonter à Anne de Bretagne, la gratuité des autoroutes de Bretagne …

 

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Anne de Bretagne

 

Les Chartes et Traités qui fixèrent les liens avec la Couronne

Lors de l’incorporation au royaume, il fallait établir un régime particulier pour les libertés locales ; il y aura la Charte Normande d’une part et le Traité d’union avec la Bretagne d’autre part .

 

En Normandie, il y eut tout à l’origine le traité de Saint-Clair sur Epte de l’an 911 qui permettait l’établissement des Normands de Rollon en Neustrie à la condition de protéger le royaume de Charles III de toute nouvelle invasion des « hommes du Nord » ; puis, par la suite, il y eut l’adoption de la Charte Normande ; celle-ci est octroyée par Louis X le 19 mars 1315 ; les points essentiels sont les suivants :

-             Fixation des règles du fouage – article 2 –

-             La possession « par an et jour » - articles 5 et 6 –

-             On ne substitue personne dans ses fonctions – article 7 –

-             Protection de la province contre les perquisitions royales – article 8 –

-             Limitation du droit royal de « Tiers et Danger », un impôt sur les bois – articles 9 et 10

-             Le droit de varech et de choses perdues en faveur des propriétaires riverains locaux – et non du Roi – article 13 –

-             Limitation de la torture en matière judiciaire – article 15 –

-             Limitation du salaire des avocats – article 16 –

-             Le Roi ne pourra prétendre à un service militaire des arrière-vassaux, sauf le cas d’arrière-ban, dont la procédure restera exceptionnelle –

-             L’Echiquier de Normandie jugera sans appel du Parlement de Paris – articles 17 et 21 –

-             Pas de nouvel impôt sauf cas de grande nécessité – une garantie contre la fiscalité royale – article 22 -

Les confirmations solennelles de la Charte seront nombreuses : Philippe VI en 1339, Charles VI en 1380, Henri VI roi d’Angleterre et de France en 1423, Charles VII en 1458, Louis XI en 1461, puis successivement tous les rois jusqu’à Henri II, et pourtant, celle-ci sera vite oubliée ;

Les Etats de Normandie, assemblée délibérante justement chargée de consentir à l’impôt, se réunissant sur convocation du Roi, ne le seront que très épisodiquement ; à l’Echiquier, le Roi ne nommera que rarement des normands ; les dépassements aux limitations d’impôts, les procédures exceptionnelles, les cas de nécessité en faveur du Roi seront nombreux au point de rapidement dénaturer la Charte envisagée au départ comme une protection.

 

En Bretagne, il faut parler des traités d’union de la Bretagne à la France. ; les bretons préfèrent ce terme à tout autre car il s’agissait pour eux d’une union volontaire entre deux nations indépendantes. Pour mettre fin à la guerre folle entre la Bretagne et la France, le premier traité du Verger ou traité de Sablé, en date du 19 août 1488, stipule :

-             Le Duc de Bretagne fera sortir de ses états tous les étrangers en guerre avec le roi,

-             Il ne mariera pas ses filles sans l’agrément du roi,

-             Le Roi demeure en possession de Saint-Malo, Fougères, Dinan et Saint-Aubin du Cormier, mais il retire toutes ses troupes de Bretagne en dehors de ces quatre places,

-             Le roi n’exige rien pour ses frais de guerre sauf la prise en charge de ceux des garnisons de ces places,

-             Le roi devra rendre toutes les autres places bretonnes qui auront été prises par ses troupes par la suite,

-             Le Duc fera hommage au Roi aussi rapidement que possible,

-             Les ecclésiastiques, les nobles et autres seront remis en possession de leurs biens en France et en Bretagne,

-             Le Duc de Bretagne donnera des otages pour la sûreté de ce traité.

Le duc François II meurt trois semaines plus tard. À peine quinze jours après son décès, Charles VIII somme sa fille Anne de Bretagne d'accepter la tutelle royale et de renoncer au titre de duc jusqu'à ce qu'il ait éclairci les droits des Penthièvre (achetés par Louis XI). Le conseil du duc répond que la Bretagne s'en tient au Traité du Verger.

Charles VIII prend Nantes le 4 avril 1491. La Bretagne est dès lors considérée par les Français comme conquise. En juillet, le siège est mis devant Rennes où est réfugiée la duchesse. Dès lors, les États de Bretagne, convoqués à Vannes par Charles VIII, conseillent le 27 octobre 1491 à Anne d’épouser le roi de France. Rennes tombe le 15 novembre 1491. Les fiançailles d'Anne et de Charles sont conclues le 17 novembre 1491.

Les fiançailles ont lieu à Rennes et le mariage à Langeais en décembre 1491 avant même l’annulation de son premier mariage promis à l’empereur Maximilien. Dans son contrat de mariage Charles VIII impose ses conditions à la duchesse :

-             Il obtient l'administration du duché,

-             S’il meurt sans enfant mâle Anne ne pourra épouser que son successeur,

-             Chacun des époux fait une donation au dernier vivant de ses droits sur la Bretagne.

Charles VIII supprime la chancellerie bretonne le 9 décembre 1493, et place des Français aux postes clé (en particulier à l’occasion de la succession des évêques, qui siègent aux États). Anne n’a pas la possibilité de se rendre en Bretagne en raison d’une part de ses grossesses (7 grossesses de 15 à 21 ans), d’autre part de la volonté du roi et d’Anne de Beaujeu. Son époux lui interdit de porter le titre de duchesse de Bretagne.

Peu après le mariage, Jean II le Bon tente avec l’appui d’une armée anglaise de se faire nommer duc de Bretagne par les États. Il échoue mais le roi doit confirmer plusieurs droits de la Bretagne :

-             que les impôts soient octroyés par les États,

-             que l’octroi soit employé à la défense du pays,

-             que les Bretons soient jugés en Bretagne.

Dès la mort de Charles VIII en avril 1498, la reine douairière reprend la tête de l’administration du duché. Elle retourne en Bretagne en octobre 1498. Elle restaure la chancellerie de Bretagne qu’elle confie à Philippe de Montauban, nomme Jean de Chalon lieutenant général de Bretagne, convoque les Etats de Bretagne, émet un monnayage à son nom[7]. Elle effectue également une visite approfondie du duché au cours de laquelle elle effectue des entrées triomphales dans les cités du duché et est accueillie somptueusement par ses vassaux.

Trois jours après la mort de Charles VIII, le principe du mariage avec Louis XII, l'ancien allié de son père contre Louis XI et Charles VIII, est acquis, à la condition que Louis obtienne l'annulation de son mariage avant un an. Louis accepte également de retirer les troupes d'occupation.

Le mariage a lieu en janvier 1499. La situation est totalement différente : la Bretagne est en paix, Anne détient les droits des rois de France sur la Bretagne, et ses vassaux la soutiennent. À l'inverse Louis XII devrait compter avec les autres héritiers de la Bretagne si Anne venait à mourir. Anne lui fait sentir que c'est elle qui a l'initiative en négligeant de répondre aux multiples suppliques qu'il lui adresse par le cardinal d’Amboise pendant son séjour en Bretagne.

Les conditions du contrat de mariage sont donc cette fois dictées par Anne et les États de Bretagne (1re Lettre Traité daté du 7 janvier 1499 signée Louis XII):

-             Le mariage se fera au château de Nantes,

-             L'héritier de la Bretagne ne pourra être l'héritier de la France, et pour cela un certain nombre de cas de succession sont prévus, engageant les héritiers eux-mêmes,

-             L'héritier de la Bretagne respectera la coutume de Bretagne,

-             Anne jouira intégralement du douaire obtenu de Charles VIII,

-             Louis XII lui constituera un autre douaire,

-             Le roi pourra jouir de la Bretagne après la mort de la duchesse, mais sans pouvoir la transmettre en héritage,

Un second accord (dit des Généralités du Duché) signé par Louis XII le 19 janvier 1499 (2e Lettre Traité) est vu et lu par Guillaume Gedouin, Procureur Général du Parlement de Bretagne. Cet accord prévoit 13 clauses "parole de Roi, tenir et accomplir sans venir au contraire afin que ce soit chose ferme et stable pour toujours" :

-             Rétablissement en Bretagne des Chancellerie, Conseil, Parlement, Chambre des Comptes, Trésorerie, Justice, droits et libertés,

-             Offices et officiers, aucun changement,

-             Offices et officiers, nominations par le Duc,

-             Impôts suivant la coutume bretonne et Bretons jugés uniquement en Bretagne au Parlement Breton en dernier ressort,

-             Guerres consentement du duc et des états,

-             Droits gardés, émission de la monnaie et séparation des 2 Couronnes chacun d'une part et d'autre,

-             Inviolabilité de la Constitution, droits et coutumes uniquement par le Parlement et états de Bretagne,

-             Bénéfices réservés uniquement en Bretagne,

-             Prévost et Capitaines en leur juridiction suivant la coutume,

-             Nomination aux évêchés par le Duc et Nantes ville principale de Bretagne

-             Compétence fiscale exclusive, crimes et bénéfices aucun ressort hors du parlement Breton,

-             Aucune exécution de mandements ni exploits en Bretagne,

-             Limite des frontières, si conflit : tribunal paritaire entre français et bretons.

Comme on peut le voir, l’union de la Bretagne prend une tournure différente selon le Roi de France : Charles VIII, vainqueur de la bataille de Saint Aubin du Cormier impose le Traité et aussi le mariage ; Louis XII, la paix revenue, négocie et Anne reprend la main sur son Duché …

 

L’occupation anglaise

L’occupation anglaise se déroula de façon très différente dans chacune de nos deux provinces ; nous allons en discerner les périodes :

 

En Bretagne, nous pouvons enregistrer deux phases d’occupation :

 

-        Période 1148-1189 – Les Plantagenets avaient pris pied en Bretagne à la faveur d'une crise de succession intervenant à la mort de Conan III en 1148, celui-ci reniant sur son lit de mort son fils Hoël. Ce dernier a cependant le temps de s'emparer du comté de Nantes, mais le perd au profit de Geoffroy Plantagenêt, comte du Maine et d’Anjou, en 1156. À la mort de Geoffroy Plantagenêt en 1158, son frère Henri II Plantagenêt récupère le comté de Nantes et entend bien mettre la main sur l'ensemble du territoire breton. Conan IV de Bretagne, qui a hérité du duché par Conan III, est contraint par Henri II Plantagenêt de marier sa fille Constance à son propre fils Geoffroy. Prétextant le jeune âge des fiancés, Henri II d’Angleterre exerce à partir de 1166 la réalité du pouvoir. La Bretagne est pour la première fois dirigée de façon effective par un souverain étranger et celui-ci contraint en 1169 le roi de France Louis VII à reconnaître sa prééminence en Bretagne. Il doit faire face plusieurs fois à la révolte des seigneurs locaux, mais parvient à la dominer en les battant militairement, ou en fiançant des chevaliers Normands à de riches héritières bretonnes. Le système mis en place par Henri II ne survit que difficilement à sa mort en 1189.

 

-        Période 1341-1381 - Le duché de Bretagne se trouve engagé dans la Guerre de Cent Ans lorsque le duc Jean III meurt sans héritier en 1341. Deux prétendants s'opposent alors pour lui succéder : le demi-frère du défunt, Jean de Montfort, et sa nièce, Jeanne de Penthièvre. Le camp des Montfort obtient le soutien du roi Edouard III d’Angleterre, alors que celui des Penthièvre obtient celui du roi Philippe VI de France, les deux rois étant en conflit ouvert depuis 1337 .

Le conflit s'achève finalement lors de la bataille d’Auray en septembre 1364 lorsque s'affrontent les deux prétendants le jeune Jean IV, fils de Jean de Montfort et Charles de Blois ; ce dernier est tué et le traité de Guérande de 1365 fixe provisoirement la situation en instituant Jean IV comme nouveau duc.

La paix est cependant compliquée à construire et Jean IV doit même s'exiler en Angleterre de 1373 à 1379. Il faut attendre la signature d'un second traité de Guérande en 1381 pour que la neutralité du duché dans la guerre entre Anglais et Français soit reconnue par le roi de France. En échange de cette reconnaissance, le duc breton prête une allégeance de forme au roi français, et les dernières troupes anglaises sont évacuées, après une trentaine d’années d’occupation.[

 

En Normandie, lors du rattachement à la couronne de France officialisé en 1204, les anglais abandonnent leurs prétentions à cette province seulement en 1258, mais ils ne tarderont pas d’y revenir ...

 

Période 1328-1469 - La première occasion surviendra en 1328, au décès du roi de France Charles IV le Bel qui meurt sans héritier mâle ;  le roi d'Angleterre est son neveu ; en effet, la sœur de Charles IV, Isabelle avait été mariée à Edouard II d'Angleterre et eut un fils Edouard III qui va revendiquer la succession de Charles IV.

Le successeur désigné par ses paires est Philippe VI de Valois, cousin de Charles IV . Edouard III ne réagit pas directement mais arrête les exportations de laine vers la Flandre. Aussitôt les Flamands se révoltent contre le roi de France qui rétablit l'ordre mais Edouard III débarque en Flandre, l'envahit et revendique le trône de France. Philippe VI en réaction confisque la Guyenne, nous sommes en 1337, la guerre de cent ans commence. En Angleterre, en l'absence du roi, la révolte gronde contre les impôts et le roi doit retourner ramener le calme. En 1346 il revient avec 40 000 hommes, ravage Caen, vainc les armées de Philippe à Crécy. Ils vont prendre Calais après 11mois de siège. Mais les deux pays vont être victime d'une épidémie de peste qui va les ravager.

En 1356 Edouard III  reprend la lutte, Jean II le bon  est fait prisonnier. Le fils de Edouard III, le Prince noir  va ravager les campagnes françaises. Charles V prend la succession de Jean II son père en 1364 et avec l'aide de Du Guesclin va reconquérir la presque totalité du territoire français  à l'exception de Calais, les environs de Bordeaux et une partie des Landes.

Charles V  meurt en 1380 son fils Charles VI  prend sa succession mais il devient fou. Deux partis revendiquent la direction du pays les Armagnacs et les Bourguignons le roi Henri V d'Angleterre en profite pour revendiquer le trône de France. Le 24 avril 1415, Mille quatre cents vaisseaux transportant 30 000 hommes débarquent près du Havre. Il tient le siège devant Rouen, où aura lieu plus tard en 1431 le procès de Jeanne d’Arc. La France est livrée aux Anglais. Le dauphin est supposé bâtard on suspecte Louis d'Orléans d'en être le père et sa mère Isabeau de Bavière ne dément pas. La couronne de France ira donc à Henri  V d'Angleterre mais le 31 août 1422 Henri  V meurt Henri VI lui succède, il a 1 an. La même année Charles VI  meurt également. Le dauphin Charles est réfugié à Bourges il n'est pas vraiment roi. Les Français sont las de ces guerres internes et de l'occupation anglaise lorsque Jeanne d'Arc vient voir le dauphin, qu'elle sera le déclic qui va lui permettre d'être couronné, qu'elle va mener les troupes pour délivrer Orléans , les Anglais vont reculer. Charles VII  va réorganiser l'armée, se doter d'une artillerie et à la fin de son règne en 1461, les Anglais ne possèderont plus que Calais.

 

Au cours de cette seconde moitié du 15ème siècle, alors que le pays était occupé par les anglais, un grand nombre de normands, particulièrement des tisserands, allèrent émigrer en Bretagne et y créer ou développer leurs industries.

 

 

La Bretagne, un pays neutre ?

La Bretagne aurait été, dit-on, un pays déclaré neutre depuis le traité de Guérande de 1381 .

Le 15 janvier 1381 ; signature du second traité de Guérande : 16 ans après la signature du premier, qui mettait un terme à la 1ère guerre de succession de Bretagne, des négociateurs français et bretons mettent au point un nouveau traité qui sera ratifié le 4 avril de la même année ; le texte affirme la neutralité de la Bretagne ; en échange du recouvrement de ses biens, le duc Jean IV accepte de prêter hommage au roi de France, de verser une indemnité, et de renvoyer ses conseillers anglais.

Par la suite, le duc  Jean V dit le Sage (1399-1442) adopte une politique de neutralité.

Dès lors, une politique de balance, que certains dénonceront comme une suite d'hésitations ou de doubles jeux savamment calculés, va voir le jour. Entre 1407 et 1418, comme le dit Alain Bouchart, le duc "ne voulut plus s'entremettre de la guerre entre Français et Anglais".

  Et le meurtre de Jean sans Peur, en 1419, rejette franchement Jean V dans le camp des Bourguignons, et il est tout disposé à accepter le traité de Troyes qui fait du nouveau et jeune roi d'Angleterre Henry VI, fils d'Henry V de Lancastre, mais petit-fils de Charles VI de Valois, l'héritier légitime de la couronne française. Et pendant tout le reste de son règne, Jean V va osciller constamment entre les deux partis, bien que son frère Arthur et son vassal Gille de Rais aient été les fidèles et dévoués compagnons de Jeanne d'Arc. Ainsi, en 1421, par un traité signé à Sablé, la balance penche en faveur du dauphin; mais, en 1422, le duc de Bretagne reconnaît officiellement Henry VI comme roi de France, envoyant même des troupes se joindre à celles de Philippe le Bon, fils de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, et à celles de l'Anglais Bedford, régent du double royaume franco-anglais pendant la minorité d'Henry VI de Lancastre. Cela n'empêchera  nullement Jean V de renouer, entre 1424 et 1426, avec le dauphin devenu Charles VII, lequel vient précisément de nommer son frère Arthur connétable de France. A cette occasion, il prête l'hommage - simple - à Charles VII et envoie de petites troupes aider le roi en basse Normandie. Mais à partir de 1427, déplu par l'attitude des conseillers de Charles VII, il fait alliance avec le roi d'Angleterre avant de renoncer à tout engagement et à maintenir la Bretagne dans une stricte neutralité jusqu'à son décès en 1442.

Quand, parfois, survient le vent de la révolte

La Bretagne aura été, il faut bien l’avouer, une championne de la révolte. Il y eut pour citer les principales :

-        La République malouine - 1590-1594 – Le 11 mars 1590, Saint-Malo, en refusant de reconnaitre l’« hérétique» Henri IV, proclame son indépendance, concrétisée par la formule ; «Ni français, ni breton, malouin suis » ; pendant ce temps, à Nantes, le duc de Mercoeur, gouverneur, se révolte contre Henri IV, installe un Parlement rival de Rennes et créée La Ligue Bretonne … 

-        Lors de la Régence de Marie de Médicis, la révolte des princes toucha la Bretagne ; le duc de Vendôme, gouverneur de Bretagne sera destitué ; le comte de Chalais sera exécuté à Nantes en 1626.

-        La révolte des bonnets rouges ou révolte du papier timbré en 1675 ; les bretons se refusent à payer de nouvelles taxes ; le Parlement est exilé à Vannes ; retour à Rennes en 1690.

-        La conspiration du marquis de Pontcallec (1719-1720) avec son « acte d’union pour la défense des libertés de la Bretagne » ; il sera exécuté en 1720.

-        La fronde parlementaire avec le procureur général Caradeuc de La Chalotais – 1763-1765 – qui sera emprisonné puis exilé ; son opposition au gouverneur de Bretagne le duc d’Aiguillon ; le Parlement démissionne en mai 1765 ; il réintégrera le 15 juillet 1769 ; en 1770, le Parlement veut juger le duc d’Aiguillon ; le roi Louis XV arrête le procès …

-        La Chouannerie : en 1791, le marquis de la Rouerie fonde l’Association Bretonne pour la défense du Roi et le Patrie (Bretonne) ; en juillet 1795, à Quiberon, alors que les émigrés devaient rejoindre les Chouans, les colonnes de Hoche font un massacre, 700 prisonniers sont fusillés à Auray [9] ; Cadoudal échoue lors de sa tentative d’attentat sur la personne de Bonaparte ; son lieutenant Guillemot est fusillé le 4 janvier 1805.

-        Enfin le Front de Libération de la Bretagne ou FLB, qui est une organisation indépendantiste bretonne active de 1966 jusqu'à l'amnistie de 1981. Elle est surtout connue pour l’attentat du château de Versailles en juin 1978, pour protester contre la signature de la Charte Culturelle Bretonne [10] .

 

De son côté, la Normandie n’aura connu que peu de révoltes importantes :

-        Celle très contrastée de Godefroi ou Geoffroy d’Harcourt (13xx-1356), où s’entremêlent alliance anglaise, alliance française et révolte d’indépendance ? En 1339, il s’engage à aider le roi de France Philippe VI dans une future conquête de l’Angleterre ; mais par la suite, il fut l’instigateur de la première invasion anglaise de la Normandie lors de la guerre de Cent Ans ; retour en grâce auprès du roi de France après la bataille de Crécy ; puis en 1355, une dernière révolte pour défendre la Charte aux Normands.

-        La révolte anti-fiscale de la Harelle en 1380-1382

-        La révolte de Nu-Pieds éclate à Avranches en 1639, sur la rumeur que les « élections » du Cotentin seraient désormais soumises à la gabelle … et durement réprimée par Richelieu, qui avait-on dit alors, n’aimait pas la Normandie …

 

C’est à Nantes en juillet 1626, suite à l’exécution du marquis de Chalais que Louis XIII sur l’inspiration de Richelieu, fixe sa politique de démantèlement des forteresses de France, à commencer par le château d’Ancenis, comme cela avait été réclamé par le Parlement de Bretagne … Par la suite, il y eut localement le château de Saint-Mars la Jaille, Blain, Rieux, de Tonquédec, de Chatillon en Vendelais ; en Normandie, il y aura le château de Vire, le Château-Gaillard …

 

 

L’organisation provinciale

Pendant longtemps, les provinces furent administrées par des baillis et des sénéchaux qui réunissaient entre leurs mains tous les pouvoirs, civil, militaire, judiciaire, financier ; en dessous d’eux, les vicomtes et prévôts cumulaient aussi diverses fonctions.

A partir du 16ème siècle, le pouvoir judiciaire passa aux Parlements, l’administration financière fut confiée aux bureaux des finances, la juridiction financière aux Chambres des Comptes et aux Cours des Aides, l’administration militaire confiée à un gouverneur.

Les différences entre les provinces subsisteront toujours, malgré les efforts d’unification et de centralisation émanant du pouvoir et de l’administration.

Seule, l’Assemblée Constituante parvint à briser les obstacles à l’unité française par le décret du 15 janvier 1790 mettant fin à la division de la France par provinces.

 

En Normandie, Louis XI accorde une charte en 1314 et 1315 pour confirmer les privilèges de la province. Un Echiquier remontait aux temps des premiers ducs ; Louis XII le rendit perpétuel en 1499 et le forma de conseillers ordinaires, composés de jurisconsultes, et de conseillers honoraires, des prélats et hauts barons ; en 1515, l’Echiquier de Rouen prit le titre de Parlement de Normandie avec son siège à Rouen. En 1771-75, le Parlement est supprimé.

 

La Bretagne, quant à elle, était un pays d’Etat ; elle fixait elle-même ses propres impôts, par opposition aux pays d’Election, soumis à une taxe royale répartie par les élus, et puis aux provinces d’imposition où l’intendant seul procédait à la répartition.

C’est le roi Charles VIII qui dote la Bretagne d’un Parlement dont le siège est à Rennes, puis Henri II en 1553. Le rôle du Parlement de Bretagne : il rend la justice ; on y traitait les voies de recours contre les décisions des présidiaux ; il reçoit des attributions en matière administratives, possède un droit d’enregistrement et de remontrances et tient aussi à jouer un rôle politique.

 

 

Les coutumes respectives des deux provinces

A l’origine, les règles de droit provenaient du droit romain dans le sud du pays, et des règles coutumières dans le nord : il y eut au 13ème siècle un changement considérable dû aux travaux des légistes [11] qui firent pénétrer, partout, dans la législation féodale, les principes du droit romain ainsi que l’autorité souveraine du roi .

Une ordonnance royale de Montils-les-Tours de 1453, impose que toutes les coutumes du royaume fassent l’objet d’une rédaction officielle. Une procédure de rédaction est fixée par ordonnance de 1498 ;

 

En Bretagne, la coutume date de 1539 et 1580. Une première rédaction avait eu lieu en 1320

Les points particuliers sont les suivants :

-             La saisine héréditaire égale des enfants roturiers [12] .

-             La saisine héréditaire du seul aîné noble [13] .

-             La mainmise sur les successions collatérales.

-             Le droit de quévaise [14] .

 

En Normandie, un Grand Coutumier de rédaction privée remontait au 2/3 du 13ème siècle, sans doute le 1ère à avoir été mis par écrit dans le Royaume ? Une ordonnance du 14 novembre 1507 soumet la Normandie aux lois et ordonnances qui avaient été rendues pour les autres provinces et qui n’avaient pas encore été enregistrées à l’échiquier perpétuel de Normandie ; la rédaction officielle de la coutume est par contre tardive, de 1583 ; les points particuliers sont les suivants :

-             Le tiers des puînés en Caux [15] .

-             Le tiers coutumier [16] .  

-             L'interdiction du testament immobilier [17] .

-             Le legs du tiers des acquêts

-             L’exclusion successorale des filles

-             Le passif, à la charge de l'héritier aux meubles.

-             L'absence d'une communauté de biens entre les époux,   

-             Un régime d'inaliénabilité rigoureuse du bien de la femme.

-             L'usufruit du tiers des acquêts.

-             La dévolution au seigneur, à défaut de lignager [18] .

-             La prescription quarantenaire

-             Les prérogatives du seigneur de fief

-             La garde seigneuriale

Il y a également depuis toujours la « clameur de Haro », une protestation légale et suspensive par laquelle on somme quelqu’un de comparaître sur-le-champ devant un juge pour se plaindre en justice par action civile du dommage dont on affirme avoir souffert.

 

Le droit coutumier disparait à la Révolution ; l’unité législative se fait au travers des codes qui seront publiés sous le Consulat et sous l’Empire [19] .

 

La fiscalité, les exemptions et franchises, le recouvrement

Sous l’ancien régime, les privilèges étaient importants, mais les exemptions et franchises l’étaient tout autant ; de ces dernières, l’on parle moins, et pourtant …

Il y avait les exemptions des manufactures, les franchises des cités, des corporations, des monastères, les exemptions du clergé, des abbayes, les exemptions portuaires, les villes franches ; les exemptions par Lettres Patentes qui pouvaient aussi accorder des dons ou des privilèges  …

En Normandie, les exemptions résultaient également de la Charte Normande, en Bretagne du traité d’union de la Bretagne à la France.

 

La Bretagne reçut de nombreuses exemptions et franchises ; selon Necker, la moyenne des charges publiques s’élevant pour l’ensemble du royaume à près de 20 livres par habitant, celles-ci dépassaient tout juste 11 livres pour les contribuables bretons.

 

La Normandie se plaignait d’être plus lourdement chargée en impôts, environ un quart des impôts du Royaume à elle seule ! Considérée comme l’une des quatre généralités, elle paiera un quart des impôts, alors qu’elle ne représentait qu’un septième ou un huitième du pays ! Sous l’administration de Colbert, sa part contributive commencera à baisser à 15%, pour atteindre 10% à la veille de la Révolution.

 

Le recouvrement des impôts était assuré par "Les Fermes du Roy » qui étaient des compagnies de financiers prenant en bail la levée de l'impôt. Ils versaient au roi une somme forfaitaire et percevaient ensuite pour leur compte l'impôt royal dans toute l'étendue du royaume.
L'institution de la Ferme Générale fut mise en place par Colbert en 1681, avec regroupement de plusieurs impôts royaux : aides, gabelles, domaines, traites et entrées. Par la suite, elle fut étendue aux poudres et aux tabacs.

 

En Normandie, le recouvrement se faisait par la ferme générale ; la Ferme générale des droits du roi est établie en 1726

 

En Bretagne, il y avait un service extérieur à la Ferme, assuré donc par un fermier général des devoirs consentis par les Etats de Bretagne.

 

Les droits de douanes ou traites

Les traites sont les droits de douane perçus tant aux frontières extérieures du royaume qu'aux frontières intérieures des différentes provinces. Ce sont surtout des taxes sur les marchandises composées de droits d’entrée et de droits de sortie. Avant Colbert, ils pesèrent lourdement sur le commerce car source de substantiels revenus au point d’en décourager le commerce et de détourner le trafic des marchandises.

A partir de Colbert, en 1664, les droits des traites sont soumis à trois régimes douaniers différents et donc trois zones :

1° les « pays de l'Etendue » ou « Cinq Grosses Fermes » ensemble compact de 14 provinces dont la Normandie, où les marchandises circulent librement, des droits uniformes, fixés par un tarif, étaient seulement prélevés aux frontières de la zone.

2° les « provinces réputées étrangères » dont la Bretagne où il n'y avait pas de tarif ; les échanges commerciaux qui s'y faisaient tant avec les pays de l'Etendue que d'une province à l'autre ou avec l'étranger effectif étaient soumis à des droits d'entrée et de sortie. Ces provinces payaient les droits de douanes selon les tarifs des coutumes antérieures, entre elles et à l'intérieur de chacune d'elle où subsistaient de nombreux péages locaux. Elles payaient en outre les droits de douanes pour le commerce avec les cinq grosses Fermes et l’étranger.

3° les « provinces de l'étranger effectif » (Alsace, Lorraine et Franche-Comté) ne commerçaient librement qu'avec les pays étrangers, et pour le commerce avec le reste du royaume, payaient les mêmes droits que les provinces réputées étrangères.

Ce système particulièrement lourd a été  le fruit d’une lente construction historique ; il avait déjà été vivement critiqué par Vauban dès 1698 « Car il faut parler à tant de bureaux pour transporter les denrées, non seulement d'une province ou d'un pays à un autre, par exemple de Bretagne en Normandie, ce qui rend les Français étrangers aux Français même, contre les principes de la vraie politique qui conspire toujours à conserver une certaine uniformité entre les sujets qui les attache plus fortement au Prince, mais encore d'un lieu à un autre dans la même province » .

 

L’exemption de la gabelle en Bretagne

Philippe de Valois établit en 1342 les « greniers à sel » dans toutes les provinces qui dépendaient du domaine de la Couronne, dans la même loi qui l’avait établie sur le trône, dénommée la loi salique .

Les pays exempts, ou pays de franc-salé, sont les provinces qui ne la subissaient pas avant leur rattachement à la couronne ; ils étaient exemptés de tout droit de gabelle ; parmi eux, il y avait la Bretagne. L’argument de l’exemption est que ces pays étaient en principe eux-mêmes producteurs de sel, et que donc ils n’avaient pas à payer de taxes sur leur propre production.

Ce système d’impôt a été ainsi mis en place par l’ordonnance des gabelles de 1680 ; il paraissait inéquitable pour toutes les régions redevables de la gabelle, appelées pays de grandes gabelles, dont la Normandie ; le sel est rappelons-le un élément indispensable pour la pêche et pour la conservation du poisson ; le Cotentin, lui, est dans une région intermédiaire de quart de sel ; une dérogation dans le système viendra justement du port de Granville qui est vraiment situé aux portes de la Bretagne. Jusqu’alors, les granvillais étaient obligés de se fournir de sel à Brouage ; ils se plaignaient que Brouage soit trop loin et demandaient de faire construire à Grandville un magasin de sel, une sorte d’entrepôt, lequel serait sous trois clefs, celle du receveur, celle du contrôleur du bureau et celle du propriétaire des lieux ; l’affaire se régla par un arrêt du Conseil et les lettres patentes des 3 et 15 février 1722 accordant autorisation – sans doute exceptionnelle – de prendre du sel à Saint-Malo et autres ports de Bretagne … Ce point est confirmé par un arrêt du Conseil d’Etat du 13 juin 1739 qui permet aux pêcheurs du port de Granville de prendre en Bretagne, excepté à Bouin et Noirmoutiers, le sel nécessaire pour la salaison de la « molue » sèche seulement …

Instaurée au départ par Saint-Louis en 1246, la gabelle sera supprimée par la Révolution, le 1er décembre 1790. Elle passa pour être l’un des impôts le plus arbitraire de l’ancien régime.

 

Sur les lieux de pêche

Le paiement de la gabelle sur le sel constitua pour les normands un handicap certain et une source véritable de jalousie. Le sel était depuis toujours une matière strictement nécessaire pour la conservation de la morue pendant les longues périodes de pêche ainsi que le retour en métropole. Les quantités de sel nécessaires étaient suffisamment importantes pour considérer en l’espèce une véritable inégalité de traitement.

L’exaspération normande venait surtout au fait que les bretons, exempts de gabelle sur leur propre sel, obtenaient aussi des exemptions pour le sel importé des autres régions, celui de Charente ou de Méditerranée. Au 18ème siècle surtout, les habitudes pour le retour de pêche consistait à débarquer la morue à Marseille, à l’époque un grand port de décharge, et de revenir – remonter – en Bretagne et Normandie chargé de sel, et de vin et autres produits de cabotage …

L’attribution des places de pêche dans les baies de Terre-Neuve fit parfois aussi problème entre la Normandie et la Bretagne. Sous l’ancien régime, la règle applicable était celle du premier venu ; mais des conflits sur le choix des places eurent lieu ; il fallut alors réglementer tant la date du départ que les circonstances de l’arrivée. Avec la Révolution et l’Empire, les activités de la pêche à Terre-Neuve cessèrent pour un temps, mais à la reprise, après 1815, avec un système de tirage au sort des places de pêches, mis en place pendant tout le cours du 19ème siècle, jusqu’à l’abandon des lieux de pêche, le « French Shore », en 1904.

Le tirage au sort des places de pêches à Terre-Neuve se réalisait à  Saint-Servan. Les normands vinrent aux séances d’attribution des places, mais rapidement pensèrent que les malouins avaient la main sur la procédure ; au final, ils se désintéressèrent de cette pêche à la côte, productrice de morues sèches, et se consacrèrent à la pêche au large, aux bancs, productrice de morues vertes ; malheureusement, la pêche à la morue verte réclamait plus de sel que la morue sèche, quatorze fois plus, ce qui en fait aggravait la surcharge de la gabelle ; sur les bancs, l’approvisionnement en boettes c’est-à-dire en appâts était plus complexe, et ce sont les normands qui vont se lancer dans la pêche au moyen de bulots  …

 

Pour le commerce : Le rôle des deux provinces dans le marché des toiles

Depuis bien longtemps, la fabrication et le commerce des toiles ou de draperies relevaient de traditions régionales : le lin et le chanvre en Bretagne, le coton et la laine en Normandie, la laine en Picardie et en Champagne, la soie dans le Lyonnais …

Nos deux provinces jouèrent chacune à leur manière, un rôle important dans ce commerce

 

Au cours du 18ème siècle, la Bretagne se retrouve au cœur d’un vaste système d’échanges commerciaux ; les toiles dites « Bretagne » sont produites à Rennes, Fougères, Dinan, Guingamp, Moncontour, Montfort, Montauban, Tinténiac … Elles sont exportées vers l’Angleterre et l’Espagne par les ports agréés de Saint-Malo, Morlaix (lin et papier), Landerneau (lin). De l’Espagne, à Séville ou Cadix où sont implantés des marchands français, les toiles de lin et de chanvre gagnent les colonies d’Amérique.
Au début du XIXème, le textile breton est fortement concurrencé par les filatures anglaises, belges et du Nord de la France ; le coton prend son essor, alors que la marine à voiles est en déclin… A la fin du siècle, les activités auront disparu.

Du côté de la Normandie, Rouen est depuis le Moyen-Age un centre important pour le commerce des toiles, réalisées à partir des productions locales, la laine de mouton d’une part et du lin d’autre part ; dès le 18ème siècle, le coton importé du Levant et des Antilles fait place à la laine ; la filature au rouet et le tissage à bras se réalisent dans chaque ferme du Pays de Caux ; avec la mécanisation, les filatures se concentrent en bordure de rivières surtout à Bolbec et à Elbeuf ; la halle aux toiles de Rouen et le port se situent au centre d’un vaste commerce florissant.

Grâce à la qualité de son sol, à ses conditions climatiques et au savoir-faire de ses liniculteurs [20] , la Normandie reste encore aujourd’hui un bassin de production privilégié pour cette culture du lin ; elle assure encore 60% de la production française et 45 % de la production européenne transformée.

 

En agriculture, un observateur étranger : l’agronome anglais Arthur Young.

Dans son « Voyage en France pendant les années 1787, 1788, 1789 et 1790 entrepris plus particulièrement pour s’assurer de l’état de l’agriculture, des richesses, des ressources et de la prospérité de cette nation », Arthur Young (1741-1820) décrit une à une les provinces de France :

 

La Bretagne : «  Les trois quarts de la Bretagne sont incultes, ainsi que la moitié des évêchés de Saint Pol de Léon et de Tréguier qui sont les meilleures parties de la province … Sur 39 parties de la Bretagne, il y en a 24 d’incultes …

«  Je ne peux quitter cette vaste province sans remarquer qu’ainsi considérée, elle a un singulier aspect. Son produit, dont ces remarques ne sauraient donner un si bon aperçu que l’idée générale que l’on pourrait s’en former en voyant le pays, est très médiocre ; et les rentes passables que l’on trouve dans ces minutes, ainsi que la grande valeur de quelques petites parties de bonnes terres comme à Saint-Brieuc, et des bonnes prairies, servent à prouver le mauvais état de l’agriculture de toute la province, Saint Pol de Léon excepté, où l’on trouve des marques d’une plus grande industrie ; mais il n’y a rien de plus frappant, et qui prouve davantage le défaut d’agriculture, que de voir en friche la moitié d’une province …. Dans un pays abondant en ports où se fait un commerce brillant ; qui contient les ports célèbres de Brest et de l’Orient, la grande ville de Nantes, et celle de Saint-Malo ; qui possède une des plus grandes manufactures de toiles d’Europe, et qui jouit de privilèges et d’exemptions d’impôts extraordinaires, en comparaison des autres provinces» [21] .

 

La Normandie : « J’observe que le pays de Caux est plein de manufactures ; que les propriétés sont petites, et que l’agriculture n’est qu’un objet secondaire aux fabriques de coton répandues dans toute la province. Toutes les fois que l’on rencontre pareille chose, on peut être assuré que les terres se vendent au-dessus de leur valeur ; car il y a une concurrence pour les acquérir qui vient de motifs différents de ceux du produit ; on peut être également certain que le sol est mal cultivé, et ne rapporte que peu de chose en comparaison du produit dont il serait susceptible entre les mains de simples cultivateurs. Il ne faut point faire de recherches sur le produit des terres du pays de Caux ; la plupart de celles que j’ai vues avaient une apparence misérable, et il était facile de juger que l’on y pratiquait un système détestable ; cependant ce fut dans cette province où plusieurs personnes de Paris me renvoyèrent pour examiner les immenses bénéfices de l’agriculture, à cause des manufactures répandues dans tout le pays…

« En traversant la Seine au Havre, et en allant de Honfleur à Pont-Audemer,  on entre ici dans les riches pâturages du pays d’Auge, dont la vallée de Corbon est la plus fameuse, et peut-être mise au rang des plus belles du monde … qui passe pour contenir les plus riches pâturages de la Normandie … Dans le voisinage de Bernay, il y a les plus belles terres de labour du monde …

« Ce superbe pays, assez considérable pour former un royaume plutôt qu’une province, jouit en France d’une réputation par rapport à l’agriculture qu’il ne mérite pas : avant de le parcourir, je l’avais entendu vanter comme supérieurement cultivé ; on ne saurait, à la vérité, rien dire de trop sur ses beaux pâturages, employés de la meilleure manière possible à engraisser les bœufs, sinon sur l’article des moutons, qui sont d’une mauvaise race. Ils devraient être grands et avoir de longue laine ; excepté en ce point ils font un bon usage de leurs herbages, et semblent ne pas manquer de capitaux : mais quant aux terres de labour, je n’ai pas vu un seul acre bien cultivé dans toute la province. On trouve partout des jachères inutiles, ou des champs si négligés qu’ils sont couverts de mauvaises herbes, et ne rapportent pas de moissons proportionnées au sol. Il est impossible de trouver un meilleur sol que dans cette province ; et il est susceptible de donner un bien autre produit que celui qu’il cède aujourd’hui… »

 

Les propos d’Arthur Young dans son « Voyage en France » tiennent-ils de l’ironie anglaise ou bien de la vérité toute crue ! L’analyse est faite avec intelligence mais le jugement très sévère ! La publication eut un retentissement important dans les milieux agricoles français au point de provoquer, parfois par sursaut d’orgueil, des réactions globalement positives en faveur de l’agriculture, ceci depuis la fin des guerres napoléoniennes jusqu’au second Empire …

 

Les cahiers de doléances

Les registres dans lesquels les assemblées chargées d'élire les députés aux États généraux de 1789 notaient les vœux et doléances, représentaient assez bien l’état d’esprit à cette époque de la population.

De nombreuses publications sont intervenues à ce sujet ; il serait intéressant d’extraire une synthèse des cahiers bretons, puis une autre des cahiers normands et enfin de comparer les deux synthèses ; pour l’instant, nous n’avons en mains que les éléments suivants :

En Bretagne, les paysans réclament une place pour eux dans l’organisation de l’Etat, des finances mieux gérées, une justice mieux rendue, une répartition équitable entre les trois ordres de toutes les charges que justifient les besoins du Royaume … et ceux de la Province, un allègement du régime seigneurial, trop tyrannique et vexatoire.

En Normandie, on réclame le rétablissement et la réunion des Etats de Bretagne, on redemande le respect de la vieille Charte Normande de presque 500 ans ; certains parlent du respect de la coutume, tout en demandant à unifier les coutumes et lois du royaume.

 

Désormais, les divisions administratives

La formation des départements remonte à 1790 ; le décret décidant la division de la France en 83 départements a été voté par l'Assemblée constituante le 22 décembre 1789. Toutefois, leur nombre exact (83) est établi par le décret du 15 janvier 1790. Les provinces disparaissent, remplacées par cinq départements en Bretagne : Ille et Vilaine, Loire Inférieure [22] , Morbihan, Cotes du Nord [23] et Finistère ; et cinq autres départements en Normandie : Seine Inférieure [24] , Eure, Calvados, Orne et Manche ; il y eut une volonté d’éradiquer les noms des provinces, avec eux les références toponymiques de l’ancien régime [25] .

 

La formation des régions remonte à 1956 et à 1982 ; il eut été facile de reprendre la géographie des provinces, que d’ailleurs le découpage des départements en 1790 avait sensiblement respecté ; mais ce ne fut pas le cas : la Normandie fut divisée en deux, la Haute et la Basse Normandie ; la Bretagne s’est vue amputée de la Loire Atlantique en faveur des Pays de la Loire.

Les bas-normands n’ont jamais bien aimé leur appellation, de la même manière que n’avaient été appréciées la Seine Inférieure et la Loire Inférieure depuis transformées en Maritime et en Atlantique.

La refonte des régions en 2016 a abouti à une sorte de « réunification » de la Normandie, la Bretagne, malgré les discussions, restera privée de Nantes, métropole qui saura espérons-le conserver ses attaches historiques bretonnes - la capitale d’Anne de Bretagne, le passage de Napoléon [26]

Certaines personnes font bien la différence entre la Bretagne qui comprend toujours cinq départements et la « région Bretagne » qui n’en comprend que quatre ...

 

Une langue ou un patois ?

Surtout ne pas confondre une langue et un patois, ce dernier étant une langue dite minoritaire ou un dialecte local, ayant parfois une connotation dépréciative …

Il y avait autrefois en France deux langues principales : la langue d’oïl dans le nord de la Loire et la langue d’oc dans le midi ; chacune d’elle comprenait des patois ou dialectes, des patois principaux, comme le normand, et aussi parfois des patois secondaires, comme à Yport.

A l’usage au cours de tout le Moyen Age, les patois seront abandonnés à partir du 16ème siècle, puis « corrompus » ; seuls les paysans des campagnes en conservent les « débris ».

 

La Bretagne a une place particulière ; son parler remonte aux populations celtiques qui occupaient initialement l’Armorique et immigrèrent des îles anglaises ; on parle de langue « altérée » qui s’est maintenue uniquement en Basse Bretagne.

Le ministère Combes tenta mais en vain, d’interdire le breton à l’Eglise … Après une longue période d’oubli, le breton est désormais enseigné, parfois encore parlé ou écrit, mais sous contrôle tout de même : il n’est pas question de rendre une copie du baccalauréat écrite, uniquement en breton …

 

Le normand (normaund en normand) est une langue romane parlée en Normandie continentale et insulaire (Iles Anglo-normande) ; c’était une des principales langues d’oïl qui aujourd’hui est classé par l’Unesco dans les langues en danger. Alors le normand est un patois ou une langue ? …

 

La Renaissance régionale

Un vaste mouvement culturel, littéraire et artistique, intitulé La Renaissance Bretonne, pris son essor au cours du 19ème siècle ; de nombreux écrivains ou artistes souhaitèrent s’inspirer de la mentalité et des traditions du pays ; un pavillon de la Bretagne fut dressé lors de l’exposition de Paris de 1937 ; les cercles celtiques prirent un essor, les congrès, les sociétés savantes locales, les sociétés d’artistes, les académies, les groupes folkloriques, musicaux ou de théâtre ; les noms à retenir sont : Auguste Brizeux (1803-1858), Théodore Hersart de la Villemarqué (1815-1895), Louis Tiercelin (1846-1915), Théodore Botrel (1868-1925), l’historien Arthur de La Borderie (1827-1901), Charles Le Goffic (1863-1932), Anatole Le Braz (1859-1926) … Le festival celtique de Lorient a acquis une reconnaissance au-delà des frontières …

 

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Arcisse de Caumont (1801-1873) est l’un des pionniers du renouveau en Normandie, fondateur de la Société des Antiquaires de Normandie, puis de l’Association Normande, par la suite de la Société Française d’Archéologie … Le folklore normand renait avec la création par Alfred Rossel en 1912 de la Société littéraire et artistique normande qui deviendra la société Alfred Rossel. Le patois normand – on ne pourra jamais parler de langue – est relancé par Alfred Rossel (1841-1926) dans ses chansons et poésies qui débutèrent en 1872. La revue Le Bouais-jan est créée en 1897. Le mythe nordique apparait à partir de 1900. Il y aura ensuite les associations Le Souvenir Normand puis Les Normands à Paris. Les plus belles œuvres écrites reviennent à Charles Théophile Féret (1858-1929) puis Louis Beuve (1869-1949) et enfin Gaston Le Révérend (1885-1962).

 

Aujourd’hui encore, les différences …

Depuis toujours, la Bretagne a du caractère, de l’authenticité … La Normandie, moins sauvage , moins originale et moins fidèle dans les vieux usages, est tout aussi renommée pour son terroir, ses marins, ses conquêtes et ses célébrités …

 

Dans le journal Le Parisien du 18 avril 1895, Jean Frollo brosse une « Carte de France » en ces termes : « Voici la Bretagne avec son caractère idéaliste. C’est l’esprit de l’aventure avec ses marins. C’est le rêve pour les philosophes et les poètes. Des philosophes ! Aucune partie de la France n’en a tant produit ! Le génie de la Bretagne est fait de ténacité, d’opposition intrépide, opiniâtre.

« Si la Bretagne est idéaliste, la Normandie, sa voisine est au contraire positiviste, avec son esprit sérieux, laborieux, avisé.

« La Bretagne, c’est la résistance, la Normandie, c’est la conquête, aujourd’hui conquête sur la nature : agriculture, industrialisme. Le grand Corneille représente bien son individualisme. Peu de provinces ont donné à la France autant d’écrivains. Dans les sciences, ce génie ambitieux et conquérant s’affirme … Dans les peintures également … »

 

Désormais, des structures régionales, publiques ou privées, maintiennent un lien nécessaire,  historique et culturel ; nous avons pour la Bretagne :

-        L’institut Culturel de Bretagne ou ICB

-        L’institut de Documentation Bretonne et Européenne ou IDBE

-        Construire la Bretagne.BZH

-        Bretagne-Culture-Diversité ou BCD

 

En Normandie, il y a les sites internet :

-        www.normandie.fr [27]

-        normandie-heritage.com

-        histoire-normandie.fr

-        Culture du Cœur Normandie

-        normandie.canalblog.com

 

Depuis peu, les deux régions s’orientent à grands pas vers le tourisme : le célèbre guide touristique « Lonely Planet » a publié son best of 2019 des dix plus belles régions du monde qu’il faut absolument visiter : la Normandie se situe en 9ème position ! De son côté le site Tripadvisor a sélectionné les plus belles plages de France : la toute première se situerait en Bretagne … à Saint-Malo !  

 

Conclusion : Poursuivant leur longue existence, côte à côte, parfois rivales mais le plus souvent en harmonie, longtemps tiraillées par les anglais, puis devenues des composantes importantes du royaume et de la nation française, tout en gardant leur personnalité propre, telles ont vécus, pendant plus de mille ans, nos deux régions, ex-provinces et ex-duchés ; après avoir traversé ou subi de nombreux épisodes ou péripéties, elles sont toujours là ; malgré la rivalité des nations riveraines, malgré les guerres et puis les jougs centralisateurs, elles continuent leur propre cheminement, leur propre histoire ; leur nom même de Bretagne et de Normandie s’est maintenu quelques soient les périodes et les institutions … pour encore longtemps, sans aucun doute, grâce aux caractères respectifs, volontaires et dynamiques de leurs habitants.  

 

                                                                                              Yves Duboys Fresney

                                                                                                           Novembre 2018

 

P.S. : Il nous faut tout de même parler des plaisanteries qui planent sur notre sujet, sur nos deux régions : elles sont toujours aussi nombreuses et vont bon train ; paraît-il, c’est souvent comme cela entre voisins [28] ! Viennent-elles plus souvent de Normandie ou de Bretagne, allez donc savoir ; portent-elles sur le caractère « entêté » des bretons ou bien « radin » des normands : assurément, le plus souvent ! Les limites du Mont-Saint-Michel et du Couesnon ont toujours été source de sarcasmes, l’exonération de la gabelle, source de jalousies [29] … Aux dernières nouvelles sur la toile d’internet – datée du 1er avril 2018 ! - l’appellation « Cidre » ne pourra uniquement être utilisée que par les producteurs bretons [30] ! Allons bon ! Et cela continue !

 

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Références :

-            Normandie et Bretagne : Le destin divergent des deux principautés (XI-XVème siècle) par François Neveux – Presses universitaires de Rennes 2008 -

-            Bretagne et Normandie par William Diville aux Presses Universitaires de France - 1951

-            Et la Normandie devint française de Roger Jouet, édition Mazarine

-            Plusieurs Histoires de Bretagne

-            Plusieurs articles dans Wikipédia

 

Notes :



[1]   Il ne s’agit pas ici de retracer les effectivement longues histoires de nos deux régions, mais seulement de croiser leur existence respective à des occasions qu’il nous a paru intéressant de noter ; les évènements cités, sans être approfondis, sont seulement mis en parallèle comme cela n’a été que rarement réalisé, semble-t-il …

[2]   Les trois principaux : Domnonée, Cornouaille et Broérec.

[3]  Le Roman ou Chanson d’Aquin ou d’Aiquin est une épopée en vers, une chanson de geste remontant au 12ème siècle, qui évoque la présence des Vikings et de leur roi Aiquin (correspondant à Incon) « de nort pays » installés dans la région d’Alet ainsi que dans l'estuaire de la Loire. Elle présente ensuite les différents épisodes de la lutte de Charlemagne et de l'archevêque de Dol, Ysoré (avatar de Wicohen, historiquement attesté au 10ème siècle) pour les en chasser et de leur poursuite par le duc Naimes (probablement Nominoë) à travers toute l’Armorique – voir à ce sujet, de Frédéric Jouon des Longrais, Le Roman d’Aquin ou la conquête de la Bretaigne par le Roy Charlemaigne : chanson de geste du XIIème siècle , édité par la Société des bibliophiles bretons, Nantes, 1880 .

[4]  Nous avons ici : Bec, Bure, Coquelonde, Coquères, Dick, Ecailles, Estoc, Esturman, Gardaine, Grouin, Grunes, Guerche, Hac, Hague, Harbour, Hoc, Hoguette, Hommet, Houle, Islet, Lague, Lévy, Marville, Merville, Mielles, Naye, Nerput, Nessay, Nic, Nielles, Péhou, Pleurtuit, Routhouan, Solidor, Talard, Varde, Vaubeuf, Vautourode … (source : Hugues de la Touche)

[5]   Les Vikings furent vaincus en Angleterre et en Irlande ; ils conservèrent le Groenland, l’Islande, les Orcades et la Normandie

[6]  Acceptation du migrant, dirait-on d’une façon très actuelle !

[7] « Le Couesnon dans sa folie, mit le Mont en Normandie » et l’auteur d’ajouter : « Il mit donc avec son lit, les Bretons en jalousie ! … » .

[8]  Aujourd’hui, seuls la Corse et les Départements ou Territoires d’Outre-Mer obtiennent des fiscalités dérogatoires, sans doute du fait de leur insularité …

[9]  Voir le monument de la Chartreuse d’Auray.

[10] La Charte culturelle bretonne est un acte qui a été signée le 4 octobre 1977, par la République Française, l’Etablissement public régional de Bretagne (appellation de la région dans le document) et les conseils généraux des Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor), du Finistère, d’Ille et Vilaine, du Morbihan et aussi de la Loire-Atlantique. Pour la première fois, la « personnalité culturelle » de la Bretagne est officiellement reconnue et cette charte se donne pour but d’en assurer la pérennité. Son principe avait été accepté par le Président de la République Valéry Giscard d’Estaing et officialisé le 8 février lors d’un discours à Ploërmel, répondant ainsi à une demande des Bretons. En 1978 est créé le Conseil Culturel de Bretagne et en 1981 l’Institut Culturel de Bretagne par le Conseil Régional de Bretagne et le Conseil Général de Loire-Atlantique, ces nouveaux organismes se substituent à la Charte.

[11]  Pierre des Fontaines et Philippe de Beaumanoir .

[12]  Tant les garçons que les filles.

[13]  Le but est d’éviter le morcellement des seigneuries, ce qui aboutirait à en affaiblir le caractère défensif. A défaut de descendance masculine, le fief est dévolu au mari de la fille aînée.

[14]  C’est le retour d’une terre au seigneur lorsque le quevaisier meurt sans héritier.

[15]  Le droit normand connaissait en pays de Caux un régime d'aînesse particulièrement rigoureux et qui s'appliquait, cas rarissime en France, sans discrimination, aux roturiers comme aux nobles. A la veille de la rédaction de la coutume, les puînés n'avaient droit dans les successions directes ou collatérales qu'à une provision d'un tiers, c'est-à-dire à un tiers en simple usufruit des immeubles. La pratique s'était pourtant introduite que les parents pussent faire une donation en propriété à leurs puînés, jusqu'à la limite du tiers du patrimoine.

[16]  Il est réservé aux enfants, du jour des épousailles, un tiers des biens de leur père, voire même, par extension et réciprocité, un tiers des biens de leur mère, en affectant ces biens de l'inaliénabilité recherchée ; au cas de prédécès de la femme, les biens affectés à son douaire sont attribués à ses enfants, et ils le sont en propriété : le douaire de leur mère est « propre héritage aux enfants ».Ce « douaire des enfants » avait deux conséquences : 1°) il procurait à ceux-ci, sur la partie des biens de leur père affectée au douaire, une réserve très forte contre toute aliénation ; 2°) au cas de mariages successifs du père, il entraînait l'attribution des douaires afférents à chacun de ces mariages aux enfants nés de cette union, à l'exclusion des enfants nés d'un autre lit, ce qui constitue, en somme, une forme de partage par lits . « S'il y a enfans de divers lits, tous ensemble n'auront qu'un tiers » (art. 400) et « ils partageront ledit tiers selon la coutume des lieux où les héritages sont assis, à laquelle n'est en rien dérogé pour le regard des partages» procure à l'ensemble des enfants une garantie contre la mauvaise fortune de leur père, mais c'est tous ensemble qu'ils ont à se le partager, sans discrimination de lits.

[17]  Le testament est fait pour permettre au disposant d'organiser la répartition de ses biens mobiliers ; il ne peut pas comporter de legs d'immeuble. En Normandie, ce sont les donations qui sont frappées par la réserve (ici des deux tiers) ; le testament, lui, dans la mesure où le testateur voudrait disposer des immeubles, est interdit ; et, quel que soit le mode de disposition, la règle posée s'applique sans discrimination aux acquêts comme aux propres.

[18]  Le principe de la dévolution des biens dans leur lignage d'origine a pour conséquence la distinction dans une succession de groupes de biens et de groupes d'héritiers. La règle paterna paternis, materna maternis exprime que les biens d'origine paternelle ne peuvent être dévolus qu'à des parents paternels, les biens maternels qu'à des parents maternels.

[19] Le Code Civil, dans certains de ses articles, renvoie malgré tout aux usages locaux et maintient donc une « survivance » très partielle des coutumes.

[20]  Surtout des belges venus s’installer ici après la 1ère guerre mondiale.

[21]  A Rennes, Young constate l'écart entre la noblesse et la roture, le mécontentement des nobles, le parlement ayant été banni et celui du peuple devant la cherté de la vie, alors que de nombreuses troupes campent aux portes de la ville !

[22]  Devenue Loire Atlantique en 1957.

[23]  Devenue Côtes d’Armor en 1990.

[24]  Devenue Seine Maritime en 1955.

[25] De 1791 à 1956, les deux régions ont disparu des tablettes des administrations, mais certainement pas dans le langage courant et dans le cœur de nos habitants !

[26]  En août 1808, l'Empereur Napoléon, de retour de Bretagne dans sa capitale, dira à Jacques Defermon, son ministre des finances, natif de Châteaubriant en Loire Inférieure : " Vous ne m'aviez pas trompé, je suis touché de l'accueil que j'ai reçu de vos Bretons; les Nantais ont fait des folies pour moi !"

[27]  créé par un avocat, Me Vxx

[28]  Selon le proverbe « Qui aime bien, châtie bien ! »

[29] Voir Normandie/Bretagne : quelques remarques antichauvines sur normandie.canalblog.com, archives du 16 janvier 2016.

[30]  Entre les deux régions, on compare souvent le cidre, mais aussi les fromages …