Le droit de préemption de la Marine

sur les ventes de chênes

 

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L’affectation des chênes au service de la Marine dura depuis la fin du Moyen-Age jusqu’au 19ème, en passant par le code Colbert et celui de Napoléon.

On parlait d’abord de servitude de martelage, par la suite d’un droit de préemption en faveur de la Marine

 

Voici les étapes successives du dispositif :  

 

Avant Colbert

Depuis les temps les plus reculés, on s’est occupé de procurer à la Marine, des bois de construction. Le roi Philippe Le Long, en 1318, a rendu une ordonnance qui a servi de base à aux autres ordonnances suivantes de mars 1388, septembre 1402 et 1515, qui font toutes voir que le roi n’avait alors que deux maîtres des œuvres pour le choix de ces bois, en la vicomté de Champagne, Paris et Normandie, et deux autres en Languedoc.

L’ordonnance de septembre 1376 stipule que les bois pour les navires seront pris dans la forêt de Roumare, et que les maîtres des œuvres garderont les droits du Roi ; par la suite, sous Louis XIV, les officiers chargés du choix et du martelage des bois de marine, doivent avoir une connaissance particulière.

Le martelage se réalisait à l’origine après les ventes mais dès 1523, il avait lieu avant les ventes.

En 1537, une autorisation était nécessaire pour la vente des bois centenaires.

 

Le code Colbert de 1669

Titre XXI section VIII article 1 à ? - Des bois à bâtir les maisons royales et bastiments de mer

Titre XXIV Des bois appartenant aux ecclésiastiques et gens de main-morte

Titre XXVI Des bois appartenant aux particuliers

 

Du fait que les services de la Marine possèdent une priorité sur les ventes de grumes, une déclaration doit être faite six mois avant d’abattre aucun arbre de futaie.

Le service de la Marine peut alors effectuer une opposition en sa faveur et un martelage au moyen du marteau de la Couronne, frappé de la fleur de lys. Les arbres étaient dans ce cas enlevés (la vidange) et payés au gré de la Marine ; on parlait d’un droit de préemption future, avec une limite toutefois : dans l’année qui suivait une sommation officielle.

Le droit de préemption portait sur les arbres de plus de 15 décimètres de circonférence, à l’exclusion de ceux situés dans des lieux clos attenants aux habitations.

 

Le dispositif du code Colbert sera complété par la suite avec un arrêt du 30 janvier 1725 et un règlement du 1er mars 1757 ; puisque très favorable à l’Etat, les opposants parmi les chantiers navals préféraient parfois, même à des prix plus élevés, importer des bois de l’Europe du Nord ...

 

Sous la Révolution et l’Empire

 

A cette période, les dispositions sont nombreuses :

*Les lois révolutionnaires des 15 janvier puis 29 septembre 1791 libèrent –provisoirement – les particuliers de la surveillance de l’administration forestière

*La loi de nivôse an IX

*Les arrêtés du gouvernement des 29 vendémiaire an II et 29 floréal an 11

*La loi des 9 et 28 floréal an 11 maintient à nouveau à l’encontre des particuliers la déclaration de défrichement – à titre provisoire – et cette de coupe de bois liée à la servitude de martelage

*Le décret du 15 avril 1811 relatif à la servitude de martelage

 

CONSEIL D’ETAT – 588 - SECTION des finances.

C.en Defermon, Rapporteur. 1.re Rédaction.

PROJET DE RÉGLEMENT

Pour conserver à la Marine les Arbres propres à faire des Courbes.

Les Consuls de la République, sur le rapport du ministre des finances ;

Vu les observations des administrateurs généraux des forêts, du 1.er jour complémentaire an 10 ;

Le conseil d'état entendu,

Arrêtent ce qui suit :

Art. I.er Les agents forestiers et ceux de la marine feront concurremment la recherche et reconnaissance, dans les bois nationaux, communaux et d'établissements publics, des arbres chêne propres à fournir des courbes.

II. Il sera dressé un état double, qui contiendra le nom des bois et le lieu de leur situation, le nombre des arbres de courbes disponibles ou d'espérance qui se trouveront dans ces bois.

III. Cet état, signé par les agents forestiers et de la marine dans chaque arrondissement, sera adressé tant au ministre des finances qu'à celui de la marine.

IV. Lors des ventes des bois nationaux, les arbres susceptibles d'être abattus feront partie des adjudications, à la charge par les adjudicataires de les livrer aux fournisseurs de la marine : ceux d'espérance seront réservés.

V. Il sera accordé aux adjudicataires une prime d'encouragement pour chaque stère de courbes qu'ils livreront. Cette prime sera payée dans les termes fixés pour les bois de marine, et en sus des prix déjà réglés ; savoir :

            Pour les ports de l'Océan.      Pour les ports de Toulon.

Pour le stère de 1.re espèce    32 F     14 F

           de la 2.e espèce            21.       10.

           de la 3.e espèce            10.       7.

VI. Tous les arbres propres à donner des courbes qui seront marqués pour service de la marine nationale sur les propriétés particulières, ne pourront être distraits de leur destination, sous les peines portées par les lois, et notamment par l'arrêt du conseil du 23 juillet 1748, contre les contrevenans.

VII. Les propriétaires traiteront de gré à gré du prix de leurs bois avec les fournisseurs. En cas de difficulté, le prix sera réglé par experts contradictoirement nommés par les parties intéressées, ou départis par un tiers expert si les deux premiers ne s'accordent pas.

VIII. Les ministres des finances et de la marine sont chargés de l'exécution du présent arrêté.

 

A PARIS, DE L'IMPRIMERIE DE LA RÉPUBLIQUE.

26 Vendémiaire an XI.

 

A la Restauration, le code forestier de 1827

 

TITRE IX - Affectations spéciales des bois à des services publics.

 

SECTION I - Des Bois destinés au service de la marine.

 

Article 122. Dans tous les bois soumis au régime forestier – bois de l’Etat et autres - , lorsque des coupes devront y avoir lieu, le département de la marine pourra faire choisir et marteler par ses agents les arbres propres aux constructions navales, parmi ceux qui n'auront pas été marqués en réserve par les agents forestiers. '

123. Les arbres ainsi marqués seront compris dans les adjudications et livrés par les adjudicataires à la marine , aux conditions qui seront indiquées ci-après.

124. Pendant dix ans, à compter de la promulgation de la présente loi, le département de la' marine exercera le droit de choix et de martelage sur les bois des particuliers, futaies, arbres de réserve, avenues , lisières et arbres épars.

Ce droit ne pourra être exercé que sur les arbres en essence de chêne, qui seront destinés à être coupés, et dont la circonférence, mesurée à un mètre du sol, sera de 15 décimètres au moins.

Les arbres qui existeront dans les lieux clos attenant aux habitations, et qui ne sont point aménagés en coupes réglées, ne seront point assujettis au martelage.

125. Tous les propriétaires seront tenus, sauf l'exception énoncée en l'article précédent, et hors le cas de besoins personnels pour réparations et constructions, de faire, six mois d'avance, à la sous-préfecture, la déclaration des arbres qu'ils

ont l'intention d'abattre, et des lieux où ils sont situés.

Le défaut de déclaration sera puni d'une amende de dix-huit francs par mètre de tour pour chaque arbre susceptible d'être déclaré.

126. Les particuliers pourront disposer librement des arbres déclarés, si la marine ne les a pas fait marquer pour son "service dans les six mois à compter du jour de l'enregistrement de la déclaration à la sous-préfecture.

Les agents de la marine seront tenus, à peine de nullité de leur opération, de dresser des procès-verbaux de martelage des arbres dans les bois de l'Etat, des communes, des établissements publics et des particuliers, défaire viser ces procès-verbaux par le maire, dans la huitaine, et d'en déposer immédiatement une expédition à la mairie de la commune où le martelage aura eu lieu.

Aussitôt après ce dépôt, les adjudicataires, communes, établissements ou propriétaires pourront disposer des bois qui n'auront pas été marqués.

127- Les adjudicataires des bois soumis au régime forestier, les maires des communes, ainsi que les administrateurs des établissements publics, pour les exploitations faites sans adjudication, et les particuliers , traiteront de gré à gré du prix de leurs bois avec la marine.

En cas de contestation, le prix sera réglé par experts nommés contradictoirement, et, s'il y a partage entre les experts, il en sera nommé un d'office par le président du tribunal de première instance, à la requête de la partie la plus diligente'; les frais de l'expertise seront supportés en commun.

128. Les adjudicataires des bois soumis au régime forestier, les maires des communes, ainsi que les administrateurs des établissements publics pour les exploitations faites sans adjudication, et les particuliers , pourront disposer librement des arbres marqués pour la marine, si, dans les trois mois après qu'ils en auront fait notifier à la sous-préfecture l'abattage ,1a marine n'a pas pris livraison delà totalité des arbres marqués appartenant au même propriétaire, et n'en a pas acquitté le prix.

129. La marine aura, jusqu'à l'abattage des arbres, la faculté d'annuler les martelages opérés pour son service ; mais, conformément à l'article précédent, elle devra prendre tous les arbres marqués qui 'auront été abattus, ou les abandonner en totalité.

13o. Lorsque les propriétaires de bois n'auront pas fait abattre les arbres, déclarés, dans le délai d'un an, à dater du jour de la déclaration, elle sera considérée comme non avenue, et ils seront tenus d'en faire une nouvelle.

131. Ceux qui dans les cas de besoins personnels pour réparations ou constructions, voudront faire abattre des arbres sujets à déclaration, ne pourront procéder à l'abattage qu'après avoir fait préalablement constater ces besoins par le maire de la commune.

Tout propriétaire convaincu d'avoir, sans motifs valables , donné, en tout ou en partie , à ses arbres, une destination autre que celle qui aura été énoncée dans le procès-verbal constatant les besoins personnels, sera passible de l'amende portée par l'article 125 pour défaut de déclaration.

132. Le Gouvernement déterminera les formalités à remplir, tant pour les déclarations de volonté d'abattre, que pour constater, soit les besoins, dans le cas prévu par l'article précédent, soit les martelages et les abattages. Ces formalités seront remplies sans frais.  

133. Les arbres qui auront été marqués pour le service de la marine dans les bois soumis au régime forestier, comme sur toute propriété privée, ne pourront être distraits de leur destination, sous peine d'une amende de 45 francs par mètre de tour de chaque arbre; sauf néanmoins les cas prévus par les articles 126 et 128. Les arbres marqués pour le service de la marine ne pourront être écaris avant la livraison, ni détériorés par ses agens avec des haches, scies, sondes ou autres instruments, à peine de la même amende.

 

134- Les délits et contraventions concernant le service de la marine seront constatés, dans tous les bois, par procès-verbaux, soit des agents et gardes-forestiers, soit des maîtres , contre- maîtres et laides-contre-maîtres assermentés de la marine : en conséquence, les procès-verbaux de ces maîtres , contre-maîtres et aides-contre-maîtres feront foi en justice comme ceux des gardes forestiers, pourvu qu'ils soient dressés et affirmés, dans les mêmes formes et dans les mêmes délais.

135. Les dispositions du présent titre ne sont applicables qu'aux localités où le droit de martelage sera jugé indispensable pour le service de la marine, et pourra être utilement exercé par elle.

  Le Gouvernement fera dresser et publier l'état des départements, arrondissements et cantons qui ne seront pas soumis à l'exercice de ce droit.

La même publicité sera donnée au rétablissement de cet exercice dans les localités exceptées, lorsque le Gouvernement jugera ce rétablissement nécessaire.

 

TITRE VIII - Des Affectations spéciales de bois à des services publics

 

SECTION I - Des bois destinés au service de la Marine.

 

Article 152. Dans les bois dont la régie est confiée à l'administration forestière, aussitôt après la désignation et l'assiette des coupes ordinaires ou extraordinaires le conservateur en adressera l'état au directeur ou au sous-directeur de la marine.

Dès que le balivage et le martelage des coupes auront été effectués, les agents forestiers chefs de service dans chaque inspection en donneront avis aux ingénieurs, maîtres ou contre-maîtres de la marine, qui procéderont immédiatement, à la recherché et au martelage des bois propres au service de la marine royale.

Outre l’expédition des procès-verbaux de martelage que les agents de la marine doivent, aux termes de l'article 120 du code forestier, faire viser par le maire et déposer à la mairie de commune où le martelage aura eu lieu ils en remettront immédiatement, une seconde expédition aux agents forestiers chefs de service.

Le résultat des opérations des agents de la marine sera toujours porté sur les affiches des ventes, et, tout martelage effectué ou signifié aux agents 'forestiers après l'apposition des affiches sera considéré comme nul.

153. Quant aux arbres épars qui devront être abattus sur les propriétés des communes ou des établissements publics non soumise au régime forestier, les maires et administrateurs en feront, la déclaration telle qu’elle, est prescrite par les articlés 124 et 125 du code Forestier.

154. Les déclarations prescrites par l’article 125 du Code indiqueront l’arrondissement, le canton et la commune de la situation des bois, les noms et demeures des propriétaires, le nom du bois et sa contenance, la situation et l’étendue du terrain sur lequel se trouveront les arbres, le nombre et les espèces d’arbres qu’on se proposera d’abattre et leur grosseur approximative.

  Elles seront faites et déposées à la sous-préfecture, en double minute, dont l’une, visée par le sous-préfet, sera remise au déclarant.

 Les sous-préfets qui auront reçu les déclarations, les feront enregistrer, les transmettront immédiatement au directeur du service forestier de la marine, et en donneront avis à l'agent forestier local. 

155. Dès que les déclarations leur seront parvenues, les agents de la marine procéderont à la reconnaissance et au martelage des arbres propres aux constructions navales, et se conformeront exactement aux dispositions de l'article 126 du Code forestier, pour les procès-verbaux qu'ils doivent dresser de cette opération.

156. Les arbres qui auront été marqués pour le service de la marine devront être abattus du 1er octobre au 1er avril.

La notification de rabattage de ces arbres sera faite à la sous-préfecture et transmise aux agents de la marine, de la manière qui est prescrite par l'article 154 ci-dessus, pour les déclarations de volonté d'abattre.

157 Dès que la notification de l'abattage leur sera parvenue, les agents de la marine feront la visite des arbres abattus, et en dresseront un procès-verbal, dont ils déposeront une copie à la mairie de la commune où les bois sont situés.

158. Les arbres qui auront été marqués pour le service de la marine dans les bois soumis au régime forestier, comme sur toute propriété privée, seront livrés en grume et en forêt; mais les adjudicataires où propriétaires pourront traiter de gré à gré avec les agents de la marine, relativement au mode de livraison des bois, à leur écarrissage et à leur transport sur les ports flottables où autres lieux de dépôt.

l59. Dans les cas prévus par l'article 131 du Code forestier, le maire, sur la réquisition du propriétaire des arbres sujets à déclaration pour le service de la marine, constatera par un procès-verbal le nombre d'arbres dont ce propriétaire aura réellement besoin pour constructions ou réparations , l'âge et les dimensions de ces arbres .

Ce procès-verbal sera déposé à la sous-préfecture et transmis aux agents de la marine, de la manière qui est prescrite par l'article i54 de la présente ordonnance, pour les déclarations dé volonté d'abattre.

160. Les procès-verbaux que les agents de la marine sont autorisés, par l'article 134 du Code, à dresser pour constater les délits et les contraventions concernant le service de la marine, seront remis par eux, dans le délai prescrit par les articles 15 et 18 du Code d'instruction criminelle, aux agents forestiers chargés de la poursuite devant les tribunaux.

161. Notre ministre de la marine présentera incessamment à notre approbation l'état des départements, arrondissements et cantons qui ne seront point soumis à l'exercice du droit de martelage pour les constructions navales : cet état, approuvé par nous , sera inséré au Bulletin des lois.

Les mêmes formalités seront observées lorsqu'il y aura lieu d'assujettir de nouveau à l'exercice du droit de martelage l'un des départements, arrondissements ou cantons qui auront été ainsi affranchis. Nos ordonnances à ce sujet seront toujours publiées avant le 1er' mars pour l'ordinaire suivant.

 

Le code forestier de 1827 détaillait donc les modalités d’exercice du droit de préemption ; le processus législatif avait sérieusement évolué depuis l’ordonnance Colbert ; et cela pour seulement 10 années puisque le dispositif devait prendre fin le 1er août 1837 pour les forêts des particuliers et en 1839 pour les forêts d’Etat .

Une ordonnance du 14 décembre 1838 suspend indéfiniment l’exercice du droit de la Marine.

La servitude de martelage était ainsi levée dans les forêts domaniales mais également dans celles privées, ces dernières étant toujours tenues par les autres obligations, à savoir : l’interdiction de défricher, l’interdiction dans l’exercice du pâturage (article 234 du CF), l’obligation de réserves à respecter dans les coupes (article 233 du CF).  

 

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9c/Th%C3%A9ophile_Schuler_-_Les_b%C3%BBcherons_et_les_schlitteurs_des_Vosges_-_1878_-martelage.jpg

 

Par la suite, à la Chambre des Députés :

 

Bois de construction

Séance de la Chambre des députés du 11 juin 1846

Interpellation sur le droit de préhension des bois dans les forêts de l’Etat

Par M Estancelin :

Messieurs,

M le ministre de la marine dans son dernier compte rendu au roi, émet le vœu que la législature fasse au Code forestier les modifications nécessaires pour rendre à la marine le droit de préhension dans les coupes qui se font dans les forêts nationales et dans les bois des communes.

La législature n’a point été saisie d’un projet de loi. Les choses resteront-elles dans cet état dans le courant de l’année 1847 ? Il me semble que, d’accord avec M le ministre des finances M le ministre peut obtenir qu’il soit inséré au cahier des charges des coupes de l’exercice 1847 les modifications que le service public réclame.

Par ce moyen, M le ministre de la marine, ainsi d’accord avec son collègue pourra prendre les dispositions nécessaires pour rendre l’exercice de ce droit de martelage praticable immédiatement. Il est certain que dans l’état actuel de nos approvisionnements il faut pouvoir s’occuper sans aucun retard de subvenir à celui de nos chantiers dépourvus.

Vainement on prétendrait s’en tenir à 180,000 stères pour l’approvisionnement normal Je crois parfaitement que sur 180,000 stères on trouvera facilement le moyen de créer vingt vaisseaux et trente frégates mais alors il ne nous en resterait environ que 60,000 stères pour la réserve et certes ce n’est point assez.

Il est prudent d’avoir un approvisionnement plus considérable. Je partage l’avis émis déjà à cette tribune de la nécessité de porter cet approvisionnement à 300,000 stères.

Il est très important de nous assurer actuellement des véritables ressources de nos forêts qui sont la véritable réserve de nos ressources navales.

En 1812 et en 1813, déjà l’administration des forêts proclamait cette triste vérité qu’il serait impossible de trouver au-delà de 35 à 40,000 stères de ce qu’on pouvait choisir et exploiter dans les forêts nationales sur un territoire s’étendant de l’Elbe au Tibre Que s’est-il passé depuis Les forêts vendues et ravagées sont dépouillées de leurs réserves et ces forêts se bornent aujourd’hui au territoire actuel du royaume.

Voyez la consommation épouvantable qu’ont déjà occasionnée les chemins de fer et ce qu’il faudra pour subvenir à tous ceux dont nous sillonnons la France du nord au midi de l’est à l’ouest.

Les chemins de fer en confection consommeront l’épouvantable quantité de 800,000 stères de bois qu’il faudra renouveler avant dix ans.

Je crois qu’il est de la plus haute importance que le département de la Marine rétablisse le corps des contre maîtres chargés autrefois du martelage Ces utiles agents unissant l’expérience acquise dans les chantiers à celle que leur procure, dans les bois, leur activité continuelle, visiteront chaque année toutes les forêts ils feront le choix et l’énumération des arbres propres à la marine ; ils sauront où trouver en cas de besoin l’arbre propre à fournir une pièce que souvent l’on cherche en vain et qu’un fournisseur a peine à livrer.

 Je supplie M le ministre de la marine au nom des plus grands intérêts de son département au nom du bien public de la puissance de la patrie de prendre le plus tôt possible des mesures qui sont de la plus grande urgence et dont plus de délai met en péril l’avenir de notre puissance navale.

M le ministre de la marine : J’aurai l’honneur de répondre à l’honorable M Estancelin que les considérations qu’il vient de développer devant la chambre ont une grande importance et le département de la marine est le premier à le proclamer. Mais l’honorable préopinant sait mieux que personne que cette matière est pleine de difficultés que des opinions différentes ont été manifestées à cet égard. Le département de la marine suit cette affaire depuis longtemps avec le plus grand soin.

Je crois pouvoir donner à l’honorable membre l’assurance que le projet du budget de 1848 ne sera point arrêté sans que la question ait été résolue dans un sens ou dans un autre.

M Lacrosse : Je regrette d’être obligé d’inviter l’administration de la marine à réaliser la promesse qu’elle vient de faire ; j’y suis autorisé d’après le temps qui s’est écoulé depuis que la question est en suspens. L’honorable M. Estancelin vous a dit, avec beaucoup de raison, que la véritable réserve du matériel naval doit se trouver dans les forêts de l’Etat. Il me semble que la meilleure manière de résoudre la difficulté c’est de faire cesser l’opposition qui jusqu’à présent a existé au ministère des finances et qui empêche le ministre de la marine de prendre dans les forêts de l’Etat les pièces de bois dont il a besoin et qu’il ne peut trouver que là. Je suis obligé de dire à la chambre que cet état se prolonge depuis cinq ans qu’il y a cinq ans qu’une commission a été formée au ministère de la marine et qu’elle s’occupe avec l’activité des commissions à préparer quelque chose. Mais dans l’intervalle la chambre a voté des crédits qui permettent au ministère de la marine d’approvisionner ses arsenaux. La chambre a représenté au ministère de la marine que la pénurie de bois de dimensions considérables est toujours croissante et qu’il est déplorable de voir les plus beaux chênes des forêts de l’Etat sciés en merrains et s’en aller en petites pièces quand il faut de ces grandes pièces pour les bateaux à vapeur. Je ne doute pas des intentions mais puisque depuis cinq ans que les commissions fonctionnent on est arrivé à ce résultat que l’administration de la marine a fait une demande à l’administration des forêts et que l’administration a déclaré la demande inadmissible il serait enfin à désirer que les deux ministères qui siègent au même conseil, qui ont une si grande identité de vues sur plusieurs points capitaux, il serait à désirer, dis-je, que ces deux ministères, sur un point d’administration de cette sorte, voulussent bien concourir d’efforts pour arriver à un résultat qui est compromis par chaque instant de retard.

 

L’intervention en 1847 du député Estancelin n’aboutira pas

Le droit de « préhension » de la Marine allait définitivement disparaître dès 1837.

Les forêts des particuliers et même les forêts communales en étaient affranchies.

La Marine devait désormais s’alimenter en bois dans les forêts de l’Etat ou par des achats directs au commerce – en concurrence avec le merrain - ou encore en important d’Afrique (Gorée) des bois des colonies.

 

Le décret  du 16 octobre 1858

En vertu d’un décret du 16 octobre 1858 et d’un règlement ministériel du 19 février 1862, l’administration forestière est autorisée à livrer directement au ministère de la marine les bois extraits des forêts du domaine de l’État et propres aux constructions navales. Les services des forêts donnent d’avance à la marine un aperçu des ressources qu’offre chaque coupe en bois de construction (Décis. min. 27 mai et 24 juill. 1865).

Ce système deviendra caduc à partir de 1888.

 

 

Conclusion : Désormais, sur les chantiers de constructions navales, le fer puis l’acier commençaient à remplacer le bois, réservé seulement à la mature ; les arbres plantés dans le cadre de la réforme Colbert en faveur de la Marine, arrivés à maturité, durent trouver une autre destination ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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