François Guillaume Lemoine (1799-1885)
François Guillaume Lemoine est né à Saint-Malo le 4 pluviose an VII (23 janvier 1799) de François Etienne Nicolas Lemoine, négociant et armateur et de Marie-Josèphe Bécot, fille d’un négociant de Paimpol. Le ménage habitait rue de la Vieille Boulangerie et le père, âgé de 29 ans, armait pour la course depuis 1793 correspondant au début de la 4ème guerre avec l’Angleterre.
Il armait successivement le Custines, l’Auguste, l’Imprenable, l’Entreprise, la Surprise, l’Audacieux, la Delphine. Plusieurs navires anglais sont pris : le Thomas et Nancy, l’Apollon, la Caroline, l’Actif, le Balcaras ; un navire américain, le Hope, est également appréhendé mais en vertu du droit des neutres, la prise est jugée mauvaise. Hélas l’armateur-corsaire décède sans doute accidentellement à Brest le 3 germinal an VIII, à l’âge de 30 ans.
Le jeune François Guillaume Lemoine n’a donc qu’un an au décès de son père ; après avoir reçu ses instructions à l’Institution Impériale de Saint-Malo, sous la direction de M. Querret, il se lance très tôt dans le métier familial ; dès 1825-1826, il achète, avec l’aide financière de sa mère et de quelques associés comme Charles Cunat, Louis Blaize ou encore un Bécot en parenté avec lui par sa mère, plusieurs petits navires usagés : le Jeune Emmanuel, sloop de 29 tonneaux, la Jeune Adèle, brick de 160 tonneaux, le Diligent, dogre de 60 tonneaux ; puis vient un grand trois-mâts, le Noémie de 336 tonneaux en association pour 51/128ème. En 1828, il se fait construire sa première goélette neuve, un petit bâtiment de 59 tonneaux dénommé le Trimballeur ; elle se consacre au petit cabotage ; le maître d’équipage est Hippolyte Victor Jean Bécot ; par la suite, les navires vont être plus nombreux et plus gros ; les destinations et les usages sont variables : le petit cabotage entre les ports français ou avec l’Angleterre, le grand cabotage avec les ports de toute l’Europe, le long courrier avec la Martinique ou avec l’île Bourbon, enfin Terre-Neuve pour la pêche.
Marié à Saint-Servan le 11 septembre 1832 à Augustine Marie Moras, le fille d’un ancien médecin de la Marine et ancien maire de Saint-Servan, cette alliance donnait au jeune armateur une parenté avec de nombreuses autres maisons maritimes, les Rouault de Coligny, les Bodinier, les Guibert, les Dubois des Corbières. Le jeune ménage vint habiter rue d’Asfeld dans un immeuble acquis par Mme Bécot suivant adjudication du 20 mars 1832. Quatre enfants vont naître dont trois garçons, Francis né en 1835, Auguste en 1837 et Anatole en 1843 ; tous les trois vont devenir comme leur père et avec lui armateurs de telle sorte que la maison d’armement va devenir l’une des plus considérables de la cité malouine ; au cours des années 1840-1860, la flotille était composée d’une vingtaine de navires avec surtout des bricks, des goélettes et quelques trois-mâts ; par la suite, l’armement va encore augmenter pour atteindre 30 unités en 1874 ; depuis 1825 jusqu’en 1885, plus de cent navires vont être construits ou acquis, puis régulièrement armés pendant quelques années ou dizaines d’années selon le sort de chacun.
Nous savons par exemple que François Lemoine achète trois navires sur le port de Fécamp : le premier en avril 1857 de Martin Duval, le Pollux, trois-mâts barque de 198 tonneaux construit à Fécamp en 1847, et deux autres en janvier 1862 de l’armement Bellet et Grenier, le Gustave, trois-mâts de 234 tonneaux contruit à Fécamp en 1846 et le Jacques, trois-mâts barque de 262 tonneaux construit à Fécamp en 1850. Par la suite, un même jour de décembre 1871, il achète à Granville quatre navires provenant sans doute d’une liquidation : le Puget, trois-mâts de 235 tonneaux, le Nive, brig de 215 tonneaux, l’Amélie, brig de 150 tonneaux et l’Adour, brig de 156 tonneaux.
Nous avons pu retrouver sa mention également à trois endroits précis :
- sa maison d’armement fait deux demandes de concession de graves, l’une en 1854, l’autre en 1858, toutes les deux pour l’île aux Chiens (île aux marins depuis 1931) ; l’existence de cette concession nous est confirmée par une lettre de F. Lemoine adressée le 7 mai 1869 à M. Duchêne, gérant de l’habitation Saint-Urbain – Ile aux Chiens – Saint Pierre et Miquelon dans laquelle l’armateur donne ses instructions concernant la communication des dépêches, le sort des marchandises pêchées, l’approvisionnement en bois, en mâts, en vergues (communication du docteur Gilles Foucqueron).
- une tempête fait rage sur les côtes de Saint-Malo du 28 février au 2 mars 1869 ; les navires Glaneur, Mogador, tous deux de l’armement Lemoine, ainsi que le Julien, amarrés en rade durent fuir sur leurs ancres ; ils sont sauvés par le Faon et le Duguay-Trouin qui les conduisent à Solidor (source : François Tuloup).
- enfin F. Lemoine est semble-t-il membre du conseil municipal de Saint-Malo dans les années 1870.
François Lemoine décède rue d’Asfeld où il habitait le 23 janvier 1885, laissant l’entreprise d’armement à ses deux garçons Auguste et Anatole, son fils aîné Francis étant décédé dès 1872 ; Anatole décèdera très tôt aussi en 1889 de sorte qu’Auguste Lemoine reprendra seul l’armement jusqu’à son propre décès en 1903 ; après lui son épouse née Clémentine Hovius et son fils Ludovic jusqu’en 1933.
Pendant les soixante ans de sa vie professionnelle et avec encore 15 navires en activité lors de son décès, François Lemoine est très certainement l’armateur de Saint-Malo qui a armé le plus de navires possible pour la pêche ou pour le cabotage, qui a le plus embauché de marins venant de toute la région, surtout des bords de la Rance.
L’avis nécrologique paru dans le Vieux Corsaire de Saint-malo, édition du 30 janvier 1885 nous permet de penser qu’il était alors tenu en haute estime par ses concitoyens.
Y D F