Les limites de propriété par rapport aux fonds voisins

        

Les textes et les principes…

Le droit de propriété est absolu … L’article 544 du code civil stipule que « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les règlements ». Cet article a été créé par une loi du 27 janvier 1804 ; il s’agit d’une nouveauté faisant suite à l’abolition de l’inféodation et des privilèges.

            La protection matérielle du droit de propriété se fonde de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. L’on y affirme  la prééminence du droit de propriété, droit naturel et imprescriptible. En son article 2, la déclaration entend faire respecter : « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » ; l’article 17 énonce : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

Cette déclaration de 1789 a été proclamée de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel. A cette occasion, le juge suprême de la loi a rappelé que :  « Les principes énoncés par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété, dont la conservation constitue l’un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression, qu’en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique. » Par ailleurs, dans une décision du 16 janvier 1982 relative aux lois de nationalisation, le même Conseil constitutionnel affirmait en outre que le droit de propriété était lié, en l’occurrence, à la liberté d’entreprendre. Il admet de surcroît que le droit de propriété est un « droit naturel de l’homme ».

            La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, en son article 17, affirme : « Toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété. »

L’Europe adopte le 4 novembre 1950 la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui énonce en son article 1er du protocole additionnel n°1 : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. »

« Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent des Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou amendes »

Cette disposition a été ratifiée et appliquée par la France en 1974.

La propriété et le voisinage

La propriété d’un bien est donc absolue, tant la vôtre que celle de vos voisins ; ce que vous voulez obtenir de ces derniers peut aussi être exigé par eux à votre encontre ; la vigilance est donc de règle à tous moments dans l’utilisation ou l’exploitation des différents fonds ;

La protection de la propriété, la sanction des actions contraires, consiste en la restitution des lieux, la remise en état, la destruction des ouvrages ou des plantations réalisés au mépris du véritable propriétaire.

La destruction des ouvrages, au moins pour la partie qui empiète, est la réponse unique et impérative délivrée par les tribunaux ; des dommages et intérêts peuvent s’y ajouter selon le préjudice subi mais ils ne pourront en aucun cas se substituer à la destruction

L’obtention d’un permis de construire n’absout en rien le constructeur de ses défaillances ; l’autorisation administrative n’est délivrée qu’au regard des règles d’urbanisme et sous réserve du droit des tiers, notamment du droit des voisins pour les cas avérés d’empiètement ou de construction sur sol d’autrui.

La détermination des limites de propriété

Lors d’un achat ou d’une revente, lors de l’usage ou de l’exploitation de son fonds, lors d’une plantation ou d’une construction à proximité d’un fond voisin, comment donc connaitre les véritables limites de propriété ; attention, la précision est de rigueur pour les constructions autorisées par les documents d’urbanisme dans les conditions suivantes : « soit en limite de propriété soit à plus trois mètres de la limite » ; ici, un léger retrait est tout aussi répréhensible qu’un léger empiètement …

La première attention est d’abord portée sur la désignation du bien figurant dans les actes d’acquisition, valant titres de propriété ; la description des propriétés bâties est souvent assez précise, mais l’implantation du bâti par rapport aux limites ou encore la description du non bâti sont relativement vagues ; les notaires reçoivent souvent des reproches d’imprécision dans la rédaction de leur contrat ; comment donc ne pas apporter aux propriétaires immobiliers une précision plus grande que « jardin devant la maison d’une surface de 10 ares ou 1 000 m2 environ » .

Les notaires, pour compléter la description, se réfèrent au cadastre ; et voilà donc tout ce qui figure dans les titres de propriété, sans plus ; le cadastre est à la base un document fiscal, établi par les Administrations fiscales en vue de percevoir des impôts, essentiellement les impôts locaux, mais aussi de contrôler les autres impôts comme l’impôt sur la fortune, les revenus fonciers ou les droits d’enregistrement ; le cadastre ne constitue pas une preuve formelle de la propriété mais apporte une présomption ;

Cette manière de faire, avec une description sommaire du bien suivie d’une désignation cadastrale a toujours existé ; elle est pratiquée ainsi régulièrement lors des quelques 1 200 000 ventes immobilières réalisées chaque année en France. Alors que peut-on faire de mieux à ce sujet ?

Des améliorations possibles pour l’avenir

Les améliorations ne peuvent être que techniques ; les notaires ne peuvent à mon avis faire plus ou mieux comme cela leur est parfois demandé ; ils ne sont ici que des rédacteurs d’acte, sans aucune obligation d’aller sur place pour mieux décrire les lieux ou les distances, comme cela pourrait être fait selon leur compétence respective par les géomètres ou les huissiers, ou encore par les agents immobiliers, rédacteurs des avant-contrats.

Le bornage

Les techniques actuelles consistent en la pose de bornes, complétée par un  procès-verbal et un plan de bornage ; ces bornages sont de pratique courante lors des divisions de terrains ; ils sont devenus obligatoires lors des ventes de terrains à bâtir en vertu de l’article L 115-4 du code de l’urbanisme ; dans tous les autres cas de vente en l’état d’immeubles bâtis et/ou non bâtis, la description des limites est seulement notariale et cadastrale.

L’utilisation du bornage, dans tous les cas, représenterait une amélioration dans la connaissance des limites de propriété, mais correspondrait aussi à un coût supplémentaire ; les frais en seraient sans doute minime pour une propriété de petite surface de forme quadrilatère, mais le montant deviendrait non négligeable voire exhorbitant pour les limites complexes ou en forme de courbe, pour les exploitations agricoles, les forêts, ou les territoires de montagne, etc …

Le bornage est régit par l’article 646 du code civil, créé par la loi du 31 janvier 1804 : « Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs. »

Le cadastre

Les rénovations de cadastre, les mises à jour de celui-ci, les remembrements peuvent avoir des conséquences substantielles sur le droit de propriété ; malheureusement, toutes ces procédures sont faites sans l’analyse des titres de propriété, alors attention aux enquêtes publiques qui en font suite ; les modifications ultérieures se feront à la charge des administrés ; attention aussi à la prescription trentenaire des documents cadastraux ; si l’administré ne justifie pas de la possession, il peut tout simplement perdre son droit de propriété …

Améliorer petit à petit la précision du cadastre ne peut évidemment qu’améliorer le système et donc diminuer les incertitudes et les erreurs sur la propriété ; les instruments de mesure sont de plus en plus précis, de sorte que ces documents fiscaux sont de plus en plus fiables ; les remembrements s’établissent en outre avec des bornes et des coordonnées géodésiques…

Les coordonnées géodésiques

Les coordonnées de l’espace sont tridimensionnelles ou en 3 D, avec les coordonnées géographiques en longitude et latitude plus l’altitude.

L’altimétrie est donnée à partir du Niveau Général de la France ou NGF selon les systèmes IGN 69 ou IGN 78 ; celle-ci est utilisée couramment pour les divisions et copropriétés en volume.

En France métropole, le réseau géodésique français 1993 ou RGF93, qui a succédé depuis le 1er janvier 2001 à la Nouvelle Triangulation de la France ou NTF, est le système géodésique officiel, à utiliser pour toutes les applications précises, parmi elles le repérage des bornes ou des points d’angle des limites de propriété.

Les systèmes de géolocalisation par satellite sont :

-          Le système Global Positioning System ou GPS est américain

-          Le système Galiléo est européen, très attendu compte tenu de son grand retard, plus précis que le précédent, en test depuis 2004 et opérationnel pour en principe 2020.

L’usage de ces nouvelles technologies sera précieux pour les professionnels de terrains, aussi pour ceux des contrats et pour tous les propriétaires au service du respect de leurs limites de propriété.

            Au final, la propriété engendre des droits mais également des obligations, et puis à tout moment des vigilances, de façon continuelle depuis l’achat jusqu’à la revente, pour la préservation de ses droits et la sauvegarde de ses intérêts.

                                                                                                                           YDF le 30 avril 2017

 

            PS : Dans les départements d’Alsace et de Moselle, il faut tenir compte d’un dispositif particulier, celui du « Livre Foncier »