La rébellion des notaires de 1597

 

Introduction

La Réforme contestée

La règle des quarante jours

Le premier texte de mai 1597

Le second texte de novembre 1597

Avec un nouvel impôt, la paulette, la mise en place d’un nouveau système

Le texte définitif de 1604

Les personnages en présence :

Étienne Audouyn de Montherbu

François Viète

Charles Paulet

Sully

Conclusion

 

***

 

Les Suisses mercenaires qui se battent au côté des armées des huguenots de Henri IV, réclament depuis des années le paiement de leurs gages. Ils menacent de changer d'alliance . Pour satisfaire leurs exigences, le roi et son conseil décident alors la création d'un nouvel impôt. Celui-ci prend pour cible les notaires [1] , auquel un édit du 12 mai 1597 ordonne de remettre leur charge contre remboursement afin d'en répartir aux enchères les nouveaux privilèges, devenus héréditaires et unifiés. Les notaires s’opposent à ce qu'ils considèrent comme une spoliation et refusent de produire les actes d'achat de leurs charges. Les autres officiers royaux (les offices de justice et de finance ?) se solidarisent avec eux et les commissaires, nommés par Henri IV pour être sous la direction de son secrétaire Etienne Audouyn de Montherbu, se voient dans l'incapacité de faire appliquer l'édit royal. Une nouvelle mouture, décidée en novembre 1597 et qui se limite à taxer les charges pour leur conférer un caractère unique et héréditaire ne connaît pas plus de succès. Il fallut que le roi et son conseil donnent licence aux commissaires de taxer ces charges selon leur convenance pour qu'enfin cet impôt, qui trouva son aboutissement dans la « paulette », voie le jour et permette à l'État d'honorer ses dettes envers les Suisses.

 

La Réforme contestée :

 

Avant la paulette, une charge revenait au roi à la mort de l'officier ou pouvait être cédée contre le paiement d'une taxe de résiliation, mais à condition que l'officier survive 40 jours à l'acte de résiliation.

 

La règle des quarante jours

Pour que la transmission d’un office soit valable, il fallait que celui qui le résignait survive quarante jours à la transaction

Il s’agissait d’une sorte de retrait féodal, peut-être une résurgence …

 

Il avait été établi que la résignation d’un office ne serait valable qu’autant que le résignant survivrait quarante jours

 

Les offices n’étaient pas héréditaires ; il fallait concilier le droit du titulaire avec le droit de retour )à la couronne, et prévenir l’abus des résignations faites in extrémis

 

Cette règle provenait d’une ordonnance de François 1er de 1522 ; elle avait été empruntée aux matières bénéficiales : ceux qui résignaient  les bénéfices devaient survivre 20 jours à l’acte ; ici, lorsque la condition de survie des quarante jours n’était pas accomplie ou lorsque l’office devenait vacant par suite de forfaiture, il retombait dans les parties casuelles.

 

Voir les survivances, une concession du roi à titre de faveur particulière consentie à certains officiers qui permettait la transmission héréditaire ; par la suite on vendit publiquement la survivance des offices aussi bien que le titre primitif ; mais elles furent parfois révoquées à la mort du prince qui les avaient concédées ; néanmoins on évoluait inexorablement vers l’hérédité des offices ; on imagina de donner à tous les titulaires la survivance de leur office.

 

Le premier texte de mai 1597

 

Voir également en mai 1597 un édit du Roi pour l’hérédité des notaires royaux au ressort de la Cour du Parlement de Toulouse.

 

Le second texte de novembre 1597

 

 

Avec un nouvel impôt, la mise en place d’un nouveau système

 

La paulette, qui se montait à un soixantième de la valeur de la charge, à verser annuellement au roi, supprimait la clause des quarante jours, facilitant la transmission par l'officier de sa charge à la personne de son choix, notamment des bourgeois à leurs enfants.

La paulette, de son vrai nom droit annuel, était une taxe facultative qui permettait aux officiers qui la payaient de transmettre automatiquement leur office. Elle fut instaurée le 12 décembre 1604   . Ce mot paulette tire son origine de son instigateur, Charles Paulet, secrétaire de la chambre du roi. À l'origine, cette mesure est une initiative de Maximilien de Béthune de Sully, Premier ministre du roi.

Le décès du titulaire de la charge n’entrainait plus de déchéance ; les héritiers pouvaient nommer celui qu’ils voulaient pour être pourvu de l’office …

 

Le texte définitif de 1604

Ce texte visait tous les offices de justice et de finance

Les charges des premiers présidents, des procureurs et des avocats généraux dans les parlements, étaient formellement exceptées du droit annuel et réservées à la nomination du roi.

Pour toutes les autres charges, la Couronne conservait toujours le droit et les moyens d’écarter les sujets indignes ou dangereux.

 

La paulette fut au départ très mal accueillie ; le Parlement en refusa l’enregistrement, il ne l’accordera que plus tard … Traité théorique et pratique de la propriété et de la transmission des offices ministériels / par Eugène Perriquet, 1874, page 33.

 

La paulette, impôt d'Ancien régime

 

Les personnages en présence :

 

Étienne Audouyn, dit Audouyn de Montherbu (15xx-16xx) est un secrétaire de la chambre du roi Henri IV ; Il devait assumer tous les frais du recouvrement des deniers provenant de la mise à la recette générale ; suite à l’édit du 12 mai 1597, il fut chargé de superviser entre 1597 et 1599 la récupération et la vente aux enchères des charges des notaires. Mais, la dizaine de commissaires nommés par Henri IV sous la direction de Monsieur Audouyn de Montherbu se virent rapidement dans l'incapacité de faire appliquer l'édit royal. Par la suite, il fut chargé du recouvrement de la Paulette, des deniers provenant de l'hérédité des offices des notaires. Il arriva à l'occasion que le roi lui demanda de verser d'avance à l'Épargne des sommes de plusieurs milliers de livres.

 

François Viète (1540-1603), dit le mathématicien [2] , est l’un des proches d’Henri IV ; étant en poste au Parlement de Bretagne [3] , mais épuisé par son travail de maître de requêtes et de « déchiffreur », il obtient du roi quelques loisirs en 1597et se fait nommé commissaire pour faire rentrer dans l'ordre les notaires du Poitou, de La Rochelle et de Lusignan. Il s'en acquitte de 1597 à 1599, profitant de ce congé pour rétablir sa santé chancelante. Accompagné d'un huissier et d'un clerc de notaire parisien, il loge alors à Fontenay-le Comte …

 

https://fr-academic.com/pictures/frwiki/70/Francois_Viete.jpeg

 

Charles Paulet (15xx-16xx), originaire du Languedoc, fut l’instigateur de ce nouvel impôt qui porta son nom, la Paulette ; il fut secrétaire de la Chambre du Roi mais aussi le premier à qui la perception de ce droit fut affermée ; il versa parait-il une somme de deux millions deux cent soixante trois mille livres ; chargé par la suite du recouvrement de l’impôt.

Sa fille Angélique Paulet (1592-1651), amie de Melle de Scudéry, se fit remarquer à la Cour comme « précieuses ».

 

Maximilien de Béthune de Sully (1559-1641), le futur ? premier ministre du roi, fut à l’initiative du nouvel impôt, la paulette ; l’initiative datait de 1602, mais elle n'aboutit qu'en 1604.

 

Portrait de Maximilien de Béthune, duc de Sully. Gravure extraite du Recueil d'estampes relatives à l'Histoire de France (1641)

 

Ce court passage de l’histoire de France est significatif d’un certain mode de gouvernance : le pouvoir agit selon ses besoins … cela sans trop se soucier des modalités de financement … pour ce qui est du règlement, l’on prend des décisions sous l’impulsion et l’idée du moment … sans trop se soucier de l’équité de la mesure [4] … la rébellion d’un corps constitué de l’Etat  force finalement à trouver la bonne mesure, toujours aussi rémunératrice mais plus juste, ici en faveur de la vénalité et de la transmissibilité des offices.

L’on serait tenté de penser pareillement pour d’autres périodes et pour d’autres mesures [5]

 

                                                                                                                                   Y.D.F.

 

PS : La Paulette fait l’objet encore aujourd’hui de critiques presque généralisées : « le système conduisit à l’émergence d’une magistrature dépourvue d’intégrité » … « il aboutit à une marchéisation des finances royales » … « La paulette laissa derrière elle une longue litanie de cris » , etc … Alors injustice de l’impôt ou injustice des commentaires de l’impôt … Richelieu, dans son « Testament politique », écrit que « les maux que cause présentement le droit annuel ne procèdent pas tant du vice de sa nature, que de l’imprudence avec laquelle on a levé les correctifs que ce grand prince – Sully ? - y avait apportés. »

 

 

Sources :

« Histoire du règne de Henri IV » (Tome 3) par Auguste Poirson, paru en 1865

« L’édit de la paulette 1604 : la marchéisation des finances royales » par Nicolas Pinsard et Yamina Tadjeddine – Dans la Revue d'économie financière 2019/3 (N° 135), pages 273 à 280



[1]  Egalement les tabellions, garde-notes.

[2]  Voir la biographie de François Viette dans l’encyclopédie Wikipédia.

[3]  François Viette avait été anobli par sa charge au Parlement de Rennes.

[4]  Un mot d’excuse en faveur de Henri IV : ce roi a dû conquérir son royaume et pour cela il a dû batailler pendant dix ans …

[5]  Voir la plupart des révoltes fiscales survenues en France sous l’ancien et puis le nouveau régime, par exemple la révolte du papier timbré de 1675.