Au 7ème siècle, les fondations monastiques de Saint-Philibert
Il naquit en Aquitaine
Vécut en Neustrie
Et repose en Bourgogne
Philibert qui s’écrivait « Filibert » à l’origine, parfois Philbert, naquit vers 616-618, juste avant l’Hégire – 16 juillet 622 – dans la région d’Eauze – autrefois Elusa – à l’époque capitale de l’Armagnac ou Novempopulanie, puis fut élevé à Aire sur Adour – autrefois Vicus-Julii soit bourg de César – où son père Philibaud est nommé préfet par Clothaire II en 613 ; en 1620, Philibaud devient l’évêque de la localité.
Cette période est contemporaine de Mahomet et de toutes les guerres arabo-chrétiennes – le Jihad – qui suivront la mort du prophète en 632 ; et sans doute par réaction, le 7ème siècle sera celui de la multiplication des monastères chrétiens, un siècle de saints mais aussi de sang …
Encore adolescent, vers 1630, il est envoyé à la cour du roi Dagobert, successeur de Clotaire II, pour devenir pensionnaire – nutriti – puis officier du palais ou palatin, sous les ordres de Eligius le futur saint-Eloi, le monétaire ou financier, et Dadon – connu sous le nom de Ouen, le futur Saint-Ouen - , le référendaire qui deviendra chancelier.
La famille de Dadon avait été convertie à la foi chrétienne par un moine d’origine irlandaise puis bretonne, saint-Colomban ; ce dernier fonda le monastère de Luxeuil en Bourgogne, puis un autre en Italie à Bobbio où il décéda en 615 ; Dadon vers 632 fonda l’abbaye de Rebais dans la Brie en la soumettant à la règle de Saint-Colomban ; Philibert, sa formation terminée, entra comme simple moine à l’abbaye de Rebais.
Le roi Dagobert décède en 639 laissant son fils Clovis II comme successeur ; ce dernier se libère des conseils de Eloi et de Ouen, en les nommant en 641 respectivement évêques de Noyon et de Rouen.
Vers 650, Philibert âgé de 34 ans devient abbé de Rebais, mais à la suite d’un voyage initiatique pour étudier les règles monastiques d’Orient et d’Occident dont celles de Saint-Benoit, il se décida de fonder un nouveau monastère ; la reine Bathilde, épouse de Clovis II, sur les conseils de Ouen de Rouen, lui concéda en 654 un vaste domaine encore sauvage dans les boucles de la Seine, Jumièges .
Statue de Philibert visible dans l'abbatiale de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu.
A Jumièges, Philibert entreprend la construction de trois églises, de bâtiments monastiques et agricoles, un port sur la Seine, l’asséchement des marais, la plantation de vignobles (Conihout), le défrichement de la forêt … Sept ans plus tôt, vers 647, Ouen avait déjà sollicité un seigneur devenu moine, Wandrille, pour fonder à quelques encablures, à Fontenelle, un premier monastère …
En 683, un nouvel établissement est créé à Saint-Saëns avec Sidonius pour abbé ; puis vers 662, un monastère de femmes à Pavilly.
A Jumièges, Philibert fut le premier abbé, le fondateur. Il choisit la règle de saint Colomban, déjà en vigueur à Luxeuil. Il impose une discipline d'une grande austérité : jeûnes, veilles, flagellations dit-on. La légende veut qu'il ait recueilli les « énervés de Jumièges » dans l'abbaye qu'il vient à peine de fonder.
Les rois et les conseillers
Pendant ce temps-là, la valse des régnants entraina la valse de leurs conseillers …
Dates |
Les rois |
Leurs conseils |
Philibert |
Observations |
584-629
629-639
639-657
657-667
667-673
673-675
675-687-691 |
Clotaire II
Dagobert
Clovis II
son épouse la Reine Bathilde Clotaire III
Childéric II
Thierry III
|
Eligius (Eloi) et Dadon (Ouen)
Ebroin est remplacé par Léodegard (Léger d’Autun) Ebroin
Léger
Ebroin
Puis Warathon |
Formation
Jumièges
Exil Noirmoutier
retour à Jumièges puis Noirmoutier |
Bathilde est envoyée dans un couvent Childéric est assassiné
676 Léger est arrêté et emprisonné à Fécamp 679 Léger est décapité Ebroin est exilé puis assassiné (xx) |
Philibert marqua un moment son opposition à Ebroin pour sa politique à l’égard de Léger, l’évêque d’Autun, enfermé et agonisant à Fécamp ; de la sorte, Ebroin, de retour aux affaires en 875, ordonne à Ouen de Rouen de faire destituer l’abbé de Jumièges et de lui nommer un successeur. Ouen obtint pour Philibert l’exil – en Aquitaine – plutôt que l’emprisonnement.
Philibert, sur la route de sa terre natale, s’arrête à Poitiers où siège l’évêque Ansoald, un cousin de Léger . Philibert est convaincu de rester, il est chargé de réformer le monastère de Quinçay, puis de fonder une nouvelle abbaye sur l’île de Noirmoutier (674) ainsi qu’à Déas ou Saint-Philbert de Grand Lieu -
A partir de Noirmoutier, Philibert fonde également le monastère de Luçon et de Saint Michel en L’Hern.
Après l’exil puis la mort d’Ebroin, Philibert sollicite son retour à Jumièges ; Ouen de Rouen le lui concéda en destituant Rategram, son successeur de Jumièges et en nommant ce dernier évêque d’Avranches (683).
Philibert revient à nouveau quelques temps dans sa fondation normande ; il y établit un second monastère de femmes à Montivilliers. Mais il ne pouvait être abbé en titre dans deux abbayes différentes, Noirmoutier et Jumièges ; de concert avec Ansoald de Poitiers et Ouen de Rouen, Philibert retournera à Noirmoutier et c’est Achard, l’abbé de Quinçay, qui deviendra le nouvel abbé de Jumièges (684).
Philibert décède alors à Noirmoutier le 20 août 684 ; son corps est déposé dans un sarcophage en la crypte de l'abbaye Saint-Philibert de Noirmoutier ; Ouen de Rouen décédait lui à Clichy également en 684.
Statue de Philbert à la cathédrale de Luçon
La canonisation de Philibert
Jusqu’au Xe siècle, il n’existe pas dans l’Église catholique romaine de procédure centralisée pour déclarer une personne sainte. Le plus souvent, c’est la vox populi qui déclare la sainteté, il s’agit d’une canonisation par acclamation ; l’évêque du lieu la confirme par des cérémonies solennelles : élévation de la personne considérée comme sainte (du latin elevatio, il s'agit de l'exposition de son corps dans un sarcophage, une châsse ou de ses reliques dans un reliquaire, éventuellement translation de ses reliques, enfin déposition en faisant inhumer ses restes sous un autel, dans un tombeau dans une crypte parfois, dans une châsse ou un reliquaire élevés dans le chœur de l'église.
La première canonisation par le pape date de 993 ; une procédure très stricte apparaitra par la suite ; l'Église catholique tient une liste officielle qui comprend environ 10 000 saints …
Les reliques de Saint Philibert
De Noirmoutier à Tournus, fuyant les incursions normandes, les reliques de saint Philibert accomplissent un grand périple qui a été relaté par Ermentaire de Noirmoutier, passant notamment par Cunault et Saint-Pourçain-sur-Sioule. Cette translation par les moines de Noirmoutier, qui donna lieu à plusieurs fondations et à de nombreuses dotations carolingiennes, a contribué à sa grande popularité.
• A Noirmoutier, la première descente viking date de 819 du temps de l’abbé Arnoul ; les moines se replient à Déas ; l’abbé Hilbod, successeur d’Arnoul fortifie l’abbaye à partir de 825 ; mais les vikings revenaient en masse : le 7 juin 836, les moines quittent définitivement l’abbaye en direction de Déas ; le sarcophage et les reliques de Saint Philibert sont transférés à Déas en passant par Beauvoir, Ampan, Challans, Paulx ; Les vikings rasèrent Noirmoutier en 846
• A Déas, l’abbaye de Saint Philbert de Grand Lieu
Les vikings rasèrent Déas en 847
Le sarcophage est encore aujourd’hui à l’abbaye de Saint Philbert de Grand Lieu, mais les reliques n’y sont plus. Les moines de Déas se réfugièrent à Cunault près de Saumur ; mais les vikings remontant la Loire, les moines partirent pour Messais en Poitou dans un domaine donné par Charles le Chauve en 854 ; puis en 871 pour Saint Pourçain en Auvergne dans une autre donation royale ; la dernère étape fut Tournus en Bourgogne dans le monastère Saint-Valérien, donné par Charles le Chauve en 875.
Avec la destruction de Noirmoutier, Tournus devient une maison mère comprenant de nombreuses dépendances ou prieurés dont Noirmoutier, Beauvoir sur mer, Saint Philbert de Grand Lieu …
Le roi Charles le Chauve aura été le bienfaiteur et sauveur des reliques de Saint Philibert, en accordant de nombreuses dépendances et privilèges aux moines de Noirmoutier qui durent migrer ainsi pendant plusieurs années avant de s’installer définitivement à Saint Philibert de Tournus.
· A Tournus, Les reliques du saint sont de nos jours conservées dans le chœur de l'abbatiale Saint-Philibert de Tournus, à l'intérieur d'un reliquaire, œuvre de l'artiste Goudji. Elles ont malheureusement été profanées le 25 janvier 1998, le crâne du saint et deux de ses os ayant été volés.
Le vocable de Saint-Philibert
Saint-Philibert se retrouve dans 16 communes de France.
Mais le vocable des églises à son nom est encore plus répandu : on le retrouve surtout en Vendée, en Bourgogne, avec surtout Noirmoutier et Tournus mais également en Bretagne sud où nous avons 3 églises et 5 chapelles …
Y. D. F.
Sources :
- Biographie de Saint Philibert par lui-même « Vita sancti Filiberti ».
- « Notice sur Saint-Philibert » par le père Pierre Le Cabellec – imprimerie Auréenne à Auray – 7ème édition 2017.