UNE SINGULIERE RENCONTRE DE L’ARMEMENT LEMOINE AVEC LA SOCIETE DES ŒUVRES DE MER : La collision de l’Anatole avec le Saint Pierre II
L’Anatole est un brig construit à Saint Malo en 1857. Il est francisé le 24 avril 1857 sous le numéro 984. Sa jauge est à l’origine de 189 tonneaux 14/100. L’inscription maritime est faite le 11 mai 1857.
Appartenant depuis la construction à François LEMOINE, le navire est transmis à son fils Auguste dans le partage familial du 5 octobre 1885 (acte de Me Fourmond notaire à Saint Malo) pour la somme de 10 000 francs.
Le navire pêche habituellement à Terre-Neuve depuis de nombreuses années. En 1897, pour sa quarantième année de campagne, il est mouillé sur le Grand Banc de Terre-Neuve ; le temps est mauvais avec une brume très épaisse.
Le Saint Pierre II est par contre un récent trois-mâts servant de navire-hôpital à la Société des Œuvres de Mer. Construit dans les chantiers Buron de Saint Malo sur les plans de Gautier père, il est lancé le 18 mars 1897. Sa description est identique au Saint Pierre I lancé un an plus tôt, le 16 mars 1896 mais aussitôt perdu le 30 mai 1896 au cap Sainte Marie sur la côte sud de Terre-Neuve, heureusement sans victime.
Le 30 avril 1897, le Saint Pierre II appareille pour les bancs de Terre-Neuve, commandé par le capitaine Populaire.
Le 2ème bulletin annuel des Œuvres de Mer paru le 1er janvier 1898 relate l’événement de la façon suivante :
« La 1ère croisière du Saint Pierre II sur les bancs fut abrégée par un de ces évènements de mer auxquels sont exposés tous les navigateurs.
Le 23 mai 1897, il avait mouillé sur le banc pour ne pas faire route dans la brume ; la chaîne ayant cassé, il dut appareiller ; mais le calme survenant, il ne fût plus maître de la manœuvre et dans la nuit du 24, le courant le porta sur l’Anatole, navire-pêcheur qui était mouillé. Les deux navires se causèrent mutuellement quelques avaries en s’entrechoquant. Quand il fit jour, le Saint Pierre II put se dégager ; il recueillit à son bord le personnel de l’Anatole qui ne voulut pas retourner à son bord ; et il fit voile pour Saint Pierre tandis que l’Anatole restait sur ses ancres sur le lieu de l’accident.
Dès que le Saint Pierre II eut réparé ses avaries, il reprit sa mission et fit trois croisières successives … »
D’après ce récit, on supposerait que si l’Anatole a eu des dégâts sérieux, il n’aurait toutefois pas sombré à la suite de la collision. Or, le registre des bâtiments de l’inscription maritime de Saint Malo nous indique que l’Anatole a coulé sur le Grand Banc de Terre Neuve le 24 mai 1897 à la suite d’une collision avec le trois-mâts Saint Pierre ; le navire n’a par la suite été rayé du registre qu’au cours du 2ème trim 1901.
Alors, le Anatole a t-il vraiment coulé de cette collision ou plutôt de son abandon et de sa vétusté. Le personnel ne « voulait » plus rester à bord ? S’agissait-il d’une simple volonté ou plutôt d’impossibilité et de danger réel pour leur propre vie ? Quelle était donc en réalité l’ampleur des dégâts ?
Pour compléter l’information, il nous faudrait le livre de bord de l’Anatole ou encore la déclaration du capitaine faite en retour de campagne. Mais, il n’est pas possible d’en savoir plus aujourd’hui. Avouons seulement en guise de conclusion qu’il paraît regrettable qu’un navire-hôpital tout neuf précipite la fin d’un vieux navire de pêche dont il était chargé d’assurer le secours et l’assistance.
Voici bien une fâcheuse coïncidence et une involontaire rencontre que celle de l’Anatole de l’armement LEMOINE avec le Saint Pierre II de la Société des Œuvres de Mer.
P.S. : A cette même époque, Madame Anatole LEMOINE, la belle-sœur de l’armateur du « Anatole » était présidente du Comité des Dames, secteur Saint Malo Saint Servan, de la Société des Œuvres de Mer ; quel ne devait pas être son embarras de voir le navire de la société bienfaitrice qu’elle représente aller cogner et faire couler un terre-neuvier de son beau-frère !!