Louis Piquet et l’aviation

Louis Aldric Piquet naît à Saint Romain de Colbosc le 28 janvier 1889 ; il est le fils aîné de Henri Piquet assureur à Saint-Romain et de Cécile Fontaine ; son jeune frère Bernard décède à 25 ans sans postérité ; sa sœur veuve Canivet sera religieuse .

Son père meurt prématurément ; il doit subvenir rapidement à ses propres moyens ; sans avoir pu faire d’études, il doit travailler à 14 ans à peine et a des emplois successifs dans des épiceries fines ou grands magasins à Bolbec, Montivilliers, Paris puis Londres pendant deux années en 1906-1908, à nouveau à Paris puis Dinard.

 

Le service militaire a lieu en 1910-1912 : il se retrouve à Evreux au 28ème R.I., au camp de Mailly – Aube - en juin 1912 ; dès cette époque, il prend le premier contact avec la mécanique auto et puis avec  l’aviation, grâce à son capitaine Guillabert du 28ème RI, 12ème compagnie, lui-même très versé dans le pilotage et l’aviation ; il dira plus tard de lui « Fut mon capitaine dévoué / discipline de fer / mais adoré de tous. En 1914, nous regrettons de ne pas l’avoir pour nous emmener au feu. Nous nous serions fait hacher pour lui. C’était un entraineur d’hommes » [1] .

 

 

FAMILLE PIQUET Louis Aldric DUBOYS FRESNEY album Piquet (3)

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Pendant la guerre 1914-1918, Louis Piquet sera affecté principalement dans les mobiles à la desserte de Verdun par la Voie Sacrée et puis compte tenu de sa connaissance de l’anglais, dans l’assistance à l’armée siamoise qui rentrait en guerre aux côté des alliés en 1917 ; il se retrouvera un moment au Service Technique de l’Aéronautique (S.T.A.E.) où il fit des essais avec l'aviateur Henri Lemaitre [2] ? ; pendant la guerre, il prend de nombreuses photos ; il est présent à l’enterrement de l’aviateur Marcel Brindejonc des Moulinais [3] ; et puis également des photos de l’aviateur Jean Navarre [4]

 

Louis Piquet recevra la Croix de Guerre 1914-1918 ainsi que la Médaille de Charleroi.

 

Extrait du livret militaire de Louis Piquet :

-          incorporé au 28ème régiment d’infanterie à Evreux le 3 octobre 1910

-          Y arrive ledit jour

-          Caporal le 21 avril 1911

-          Sergent le 24 septembre 1911

-          Renvoyé dans ses foyers le 25 septembre 1912

-          Passé à la réserve de l’Armée le 1er octobre 1912

-          Nommé adjudant le 2 décembre 1912

 

-          Rappelé sous les drapeaux par décret de mobilisation générale du 1er août 1914

-          Arrivé au corps le 2 août

-          Evacué de l’hopital d’Evreux le 9 septembre 1914

-          Au dépôt dudit jour

-          Passé au 13ème régiment d’artillerie le 1er octobre 1915 service automobile

-          Passé 9ème section du parc automobile le 1er décembre 1915

-          Passé S S 36 le 9 décembre 1915

-          Passé au Q G 7ème armée le 19 décembre 1915

-          Passé au 20ème Train,  9ème section parc automobile le 8 juin 1916

-          Certificat de bonne conduite accordé

-          Mis en congé illimité le 31 juillet 1919

 

-          Rattaché au 3ème Train DD 7ème échelon numéro 656

-          Affecté au G M d’infanterie numéro 31 le 1er août 1935

-          Placé sans affectation le 15 janvier 1938

 

Par la suite, installé comme négociant-entrepositaire à Rouen, il gardera toujours un attrait pour l’aviation. En 1928, l’explorateur Roald Amundsen était à la recherche d’un hydravion pour aller au secours de l’expédition d’Umberto Nobile en perdition sur la banquise au nord de la Norvège ; celui-ci fait appel à la France qui propose un nouveau modèle construit à Caudebec par la société Latham [5] , le « Latham 47 » ; celui-ci part le 16 juin 1928 pour Bergen mais ne reviendra pas ; Louis Piquet est présent et prend des photos …

Le Latham 47 (47ème projet d’hydravion du constructeur) était conçu pour réaliser la liaison Europe-Amérique du Nord, via les Açores et les Bermudes. Il s’agissait d’un hydravion « sesquiplan » de 25,60 m d’envergure, 15,20 m de long, équipé de deux moteurs de 520 chevaux disposés en tandem. Terminé en mars 1928, il effectue un vol d’essai de 2 000 km de Caudebec à Bizerte qu’il réalise en 14 heures ; il est de retour à sa base le 8 mai ; le 14 juin, répondant à l’appel d’Amundsen, le ministre de la marine met à disposition le Latham 47. Il faut modifier l’hydravion conçu pour les régions chaudes et l’adapter aux conditions polaires, les travaux seront réalisés en 48 heures.

Le 16 juin, l’hydravion s’envole de Caudebec avec son équipage, MM. Valette et Brazy, le commandant Guilbaud [6] et le lieutenant Cavelier de Cuverville ; il se pose à Bergen après 13 heures de vol, prend à son bord Roald Amundsen et le lieutenant Dietrichson, pilote spécialiste du Grand Nord ; nouvelle escale de 12 heures à Tromsöe ; à 16 h 05 le 18 juin, il s’envole en direction de Spitberg ; à 19 h un dernier message très faible est perçu puis plus rien…

Un monument du souvenir a été élevé à Caudebec face à l’usine Latham, par souscription publique, inauguré le 21 juin 1931.

Le 13 février 1934, Louis Piquet assiste aux essais toujours à Caudebec en Caux, de l’hydravion Le Blériot 5190 dénommé « Santos Dumont » ; il prend également des photos …

 

Le Blériot 5190 a été expressément conçu pour répondre au concours des hydravions postaux transatlantiques ; le projet faisait suite à une requête formulée en 1928 par le gouvernement français ; il ne vit le jour qu’en 1934 ; l’avion pouvait atteindre une masse de 22 tonnes au décollage ; ce monoplan à structure métallique possédait une allure peu classique ; sa cabine ressemblait à celle d’un bateau ; elle était surplombée par la voilure sur laquelle étaient installés quatre moteurs, deux en tandem dans l’axe central de l’avion et deux autres fixés sur le bord d’attaque de l’aile épaisse.

Les caractéristiques de l'avion sont : envergure 43 m, longueur 26 m, hauteur 6,90 m, surface portante 236 m2, poids à vide 12 750 kg, charge utile 600 kg, vitesse de croisière 190 km/h, distance franchissable 3 200 km, plafond 5 100 m, moteurs Hispano Suiza 12 Nbr, 650 ch, 12 cyl en V, refroidi par eau, construction structure métallique et voilure entoilée, concepteur Filippo Zappata.

La charge utile de 600 kg était faible car le poids était absorbé par le carburant à raison de 8 500 kg et par la présence de huit hommes d’équipage.

Le tout premier vol eut lieu le 11 août 1933 ; les vols d’essais prirent 4 mois et demi, se révélèrent positifs et se terminèrent le 6 janvier 1934 ; l’avion effectua alors deux voyages de validation fin 1934 ; le premier vol transatlantique eut lieu le 27 novembre 1934 allant de Dakar à Natal avec Lucien Boussoutrot aux commandes ; début 1935, il devenait le seul hydravion transatlantique disponible, car le « la Croix du Sud » subissait des transformations ; il est alors pris en compte par Air France - avec pour marque d’immatriculation les lettres « F-ANLE » - et donc de février à avril 1935, effectua seul le service postal France Amérique du Sud, totalement aérien, à raison d’une traversée par semaine en allant de Toulouse à Buenos-Aires ; il resta en service jusqu’en juin 1937 date à laquelle il effectua sa 38ème et dernière traversée ; il sera ensuite relayé par le Farman 220 et par « La Croix du Sud ».

L’Etat français commanda trois hydravions 5190 à la Société Blériot Aéronautique qui dut faire de lourds emprunts pour pouvoir lancer la production en série ; mais le contrat fut résilié sans explication ni indemnité ; Blériot déjà touché par la crise économique et en proie à des problèmes financiers fut obligé de fermer ses ateliers ; Louis Blériot, vainqueur de la Manche mais également grande figure de l’aéronautisme, devait décéder le 1er août 1936 ; un an plus tard, son nom même disparaissait avec la nationalisation des industries aéronautiques.

 

Alors pourquoi donc le « Santos Dumont » à Caudebec ?

Une Société de construction aéronautique existait à Caudebec en bordure de Seine, fondée par Jean Latham en 1916 ; cette société Latham y construisait des hydravions pour la Marine Nationale ; la Société Blériot Aéronautique était située à Suresnes ; l’hydravion « Santos Dumont » y a donc été construit mais il fallait un endroit pour valider les tests de mise en service de l’avion ; ceux-ci eurent lieu donc sur la Seine à Caudebec dans les locaux de la société Latham, et puis en eau de mer à Cherbourg.

Un témoin était présent à Caudebec au moment de ces essais ; Louis Piquet (1889-1964) prit ces quelques photos pour garder la mémoire de l’évènement ; la date exacte, 13 février 1934; les inscriptions faites par Air France sur le flanc de l'appareil "F-ANLE" n'existent pas encore; l’avion ne restera que quelques jours à Caudebec, il ira ensuite sur Cherbourg puis outre atlantique suivre sa destinée, celle de l’aéropostale.

 

            Photos de guerre :

Avion de Navarre

            Avion-abattu-Louis-Piquet

FAMILLE PIQUET Louis Aldric DUBOYS FRESNEY album Piquet (25)Louis Piquet au pilotage

Avion allemand capturé par Navarre

Avion pris à l’ennemi, par Navarre ?

Inhumation en août 1916 de l’aviateur Brindejonc des Moulinais :

FAMILLE PIQUET Louis Aldric DUBOYS FRESNEY album Piquet (104)

Inhumation-1

 

 

 

En 1928, à Caudebec,  le Latham 47 ImageImage

 

            En 1934, à Caudebec,  lors des essais de l’hydravion « Santos-Dumont »

Santos-Dumont-A

 

Voir le site : www.asoublies1418.fr

Sources : Pour le Latham 47 : Maurice Dragon et la revue L’Illustration de 1928 



[1]  Guillabert sera nommé par la suite général de brigade dans l’Armée de l’Air (voir le journal « Le Matin » du 23 février 1931)

[2]  Lemaitre Henri né le 6 juillet 1894 mort le 23 juillet 1935 Profession avant la mobilisation: Aviation
Passé à l'aviation le 15 octobre 1913  Parcours: MF 5, Toul, Avord, SFA, BM 120 Affectations: MF 5, BM 120 Pilote

[3]  Marcel Brindejonc des Moulinais : aviateur français originaire de Pleurtuit près de Saint-Malo Né le 8 février 1892, tué aux essais d’un parasol Morane et Courrier – Morane Saulnier Parasol – le 18 août 1916.

[4]  Jean Marie Dominique Navarre, appelé Jean Navarre (né le 8 août 1895 à Jouy-sur-Morin, en Seine-et-Marne, et décédé à 24 ans le 10 juillet 1919) est un aviateur français et un as de la Première Guerre mondiale. Il sort de l’anonymat le 27 février 1916 quand il abat coup sur coup deux avions allemands ; il en était alors à cinq victoires plus une sixième le 3 mars suivant ; il n’avait alors que 20 ans comme son collègue Guynemer ; d’un tempérament modeste et taciturne mais aussi volontaire et frondeur ; Croix de guerre, Médaille militaire et Légion d’honneur

[5]  La société Latham, fondée à Caudebec en Caux par Jean Latham en 1916 ; cette société y construisait des hydravions pour la Marine Nationale ; après reprises et regroupements, elle deviendra en 1952 REVIMA ; dépend aujourd’hui du groupe EADS…

 

[6]  René Cyprien Guilbaud : aviateur français né le 8 octobre 1890 à Mouchamps, mort le 18 juin 1928.