L’usage de la brique de construction
à Fécamp et dans sa région
A Fécamp et dans sa région, les matériaux de construction sont nombreux et variés; alors que Saint-Valéry tout près de nous a comme particularité le grès, Fécamp de même que Dieppe se distingue par le silex taillé noir ou gris; mais le matériau le plus utilisé et le plus utile partout est sans conteste la brique; voici donc le sujet de cette petite étude; la brique est courante mais assez peu connue; nous allons essayer de la redécouvrir; elle fait partie de notre passé mais reste très présente, et que sera-t-elle dans l’avenir…
Une histoire dès l’antiquité
La brique crue, séchée au soleil, a toujours existé, depuis les temps les plus reculés, dans les sociétés primitives; on aurait découvert des rampes en brique crue sur et autour des pyramides d’Egypte destinées à l’amené en élévation des blocs monumentaux
La brique grecque s’est appelée pentadoron (module carré de 5 palmes de côté) ou tétradoron (module carré de 3 palmes de côté)
Les romains, au début de notre ère, ont été les premiers à utiliser la brique, à grande échelle si l’on peut dire, pour les bâtiments publics et militaires, occasionnellement dans les constructions privées sous forme de bandeaux pour seulement renforcer la maçonnerie.
Seuls les parements des murs étaient faits en briques; entre les parois, on coulait une sorte de mortier en «opus caementitium»
La brique romaine s’appelait selon le cas: bessalis (module carré dont le côté fait les 2/3 du pied romain soit 20cm environ, épaisseur 4,5cm), bipedalis (module carré de deux pieds de côté épaisseur 6,5cm), lydion (module rectangulaire d’un pied sur un pied et demi), didoron (même module que le Lydion), pedalis (module carré d’un pied de côté, épaisseur 4,5 à 5 cm), sesquipedalis (module carré de un pied et demi de côté, épaisseur 5 cm).
L’abbé Cochet repris par Patrick Lebourgeois nous apprennent qu’à l’époque romaine, il existait des briqueteries à Mélamare.
Au Moyen-Age
Après la chute de Rome, la brique rétrograde; elle est remplacée par des constructions en bois, de tradition germanique; elle réapparaît au 11 et 12ème siècle avec la construction de villes et de couvents puis de châteaux-forts, surtout dans les régions où la pierre faisait défaut.
A Fécamp, toutefois la pierre à cette époque ne manquait pas; elle était semble-t-il d’assez bonne qualité, assez tendre à la taille dit-on, elle durcissait au contact de l’air; les carrières étaient connues et ouvertes dès le 10ème siècle [1] avec la construction de l’église de Guillaume Longue Epée puis celle de Richard 1er; il y eut aussi le monastère, l’enceinte de la ville, le fort Baudouin et les églises locales; la pierre alla parait-il en Angleterre pour construire l’abbaye d’Hasting et la Tour Blanche de Londres.
Dès le Moyen-âge, les carrières s’épuisèrent, et furent fermées pour l’insécurité qu’elles procuraient, encore aujourd’hui…
Par la suite
Aux époques suivantes de la Renaissance et du Classicisme, on assiste au 16ème siècle à une généralisation (16ème siècle) puis à une sorte apogée (au 18ème et surtout au 19ème siècle).
A la fin des guerres de religion, la paix retrouvée sera propice à la construction dans la région de nombreux manoirs dit Henri IV puis de châteaux Louis XIII …
Les fours en terre et au feu de bois étaient alors temporaires, le temps d’un chantier, les briquetiers étaient plutôt nomades
Au 19ème siècle
La cuisson au charbon va remplacer celle au feu de bois
La fabrication devient alors mécanisée, industrielle, desservie en cela par le chemin de fer et venant surtout de l’Angleterre, au détriment donc des petites fabrications locales qui vont lentement disparaître.
Une étape déterminante va venir d’Allemagne avec l’introduction en 1854 de la boudineuse à brique (Schlickeysen) et en 1858 du four circulaire à feu continu (Hoffmann); la nouvelle technique de cuisson apportait une augmentation de capacité et une économie de combustible.
Les fours vont se multiplier et se diversifier, à cuisson continue ou intermittente, annulaire ou four-tunnel (de cuisson continue), belges (four à cuisson continue inventés par Dubois-Enghien en 1891, similaire au four Hoffmann mais rectangulaire et à chaleur ascendante), écossais (intermittent à chaleur ascendante), de Newcastle (intermittent rectangulaire à chaleur horizontale) etc (Bull, Staffordshire)
Au 20ème siècle
Le ciment Portland, le parpaing et le béton armé vont devenir systématique dans les constructions, de sorte que la brique, en fait la briquette, ne servira souvent qu’au parement des murs, au décor.
A Paris dans les années 1920, on s’avise à détruire les fortifications; les habitations bon marché (HBM) commencent à fleurir à leur emplacement; les immeubles sont presque toujours en brique car celle-ci est peu coûteuse; ils constituent ce qu’on a appelé «la ceinture rouge», en référence non seulement à la couleur du matériau mais aussi aux idées politiques des habitants.
La brique de Vaugirard va alors marquer le paysage de Paris; fondée dès 1868, avec la première brique flammée, reconnaissable par le V frappé sur le chant
Pour lutter contre la tristesse et l’uniformité, le mouvement Art-Déco va utiliser différentes couleurs ou encore la faïence; ailleurs, on joue sur la disposition des briques avec le calepinage
Sur les sols, le grès Céram plus solide va remplacer la tomette traditionnelle.
La composition
La brique est un matériau céramique préfabriqué à base d’argile cuite, une terre en général rouge [2] d’origine sédimentaire, qui après avoir été extraite puis hivernée pour l’ameublir (pourrissage), était mélangée à du sable (pour un quart ou un cinquième) et ensuite pétrie et liquéfiée pour faciliter le moulage.
Terminologie
On parle parfois de la brique monolithe
On oppose aussi les termes de brique de construction à la brique de parement; on oppose encore la brique pleine de la brique creuse ou encore la brique filée; dans les fabrications au four traditionnel, la brique bien formée et bien cuite faisait une brique de façade, les autres ne seront que des briques de remplissage.
Autrement, il y a la brique de pavage de faible porosité et très dure, la brique réfractaire pour les foyers et les cheminées, la brique agglomérée, celle silico-calcaire (à base de chaux et de sable siliceux fin, obtenue par cuisson en autoclave) …
Les qualités de la brique
Format réduit, maniabilité, pouvoir isolant, fabrication locale et économique
L’usage dans la construction
Les matériaux de terre cuite se retrouvent à tous les endroits de la construction:
- les tuiles en toiture
- en murs de façade, les briques dites de façade
- en murs de refend, les cloisons de briques creuses
- en planchers, les sols d’écuries, les hourdis (briques creuses)
- en plafonds, les voûtements, les voutains
- les cheminées et conduits de fumée (les boisseaux)
- les revêtements de sols et de murs (les carreaux en terre cuite)
- les éléments de décoration (briquettes de parement)
- en sous-sol les fondations les drains
- dans les jardins, il y a les murets, les claustras; et même les tennis sont en brique pilée ou terre battue
La pose
Traditionnellement, la technique de pose consiste à essayer l’appareillage à sec, puis tremper les briques avant l’emploi, poser la brique à bain soufflant, le mortier en lit sur le rang précédent et celui en joint vertical ou joint montant sur la brique même à poser, monter d’abord têtes et angles d’aplomb, en déharpant, puis le plein du mur à la ligne au cordeau en travaillant par cinq rangs; les briques en place doivent être assujetties à la truelle.
Le travail se fait de l’extérieur; les joints doivent avoir 10 à 15 mm pour les lits et 10 mm pour les joints verticaux; le mortier doit être assez clair, pour égayer l’appareil, en chaux grasse et sable, en évitant donc le ciment gris
Les mortiers, les joints
La pose au mortier de ciment a longtemps été utilisée
Aujourd’hui, on préconise le retour au mortier de chaux éteinte ou au mortier batard (moitié chaux moitié ciment)
Il y a aussi le plâtre dans les parties intérieures
Les joints sont soit creux, soit affleurants ou pleins, soit saillants à l’anglaise à compléter
La disposition des briques entre elles
Trois positionnements possibles: en boutisse (la plus grande dimension est dans l’épaisseur, la plus petite en façade), panneresse (la face intermédiaire est seule visible) en carreau ou sur le plat ou de chant (la brique est posée sur la surface moyenne, la plus grande face est visible en façade); l’appareil est souvent double, panneresse et boutisses; l’entrecroisement est facilité par les dimensions particulières (simple double et quadruple – 5,5x11x22cm); il évite les fissures et améliore la solidité du mur.
Toutefois, l’entrecroisement régulier ne doit pas faire en sorte que les joints verticaux soient en ligne; cela préfigure les décollements ou les fissures verticales; il faut donc décaler et ajuster par des parties de brique au niveau de la deuxième posée – ou de l’avant dernière; d’où l’usage des éléments partiels ou recoupés: la demie brique en largeur ou briqueton, la brique trois quarts dite six pouces, le quart de brique dit deux pouces, la demie en longueur dite mulot, clozot ou briquette, la demie en épaisseur dite chantignolle.
Dans la construction, la pose est toujours à plat.
La pose se fait à chant pour les seuils ou appuis de fenêtres ainsi que les linteaux; l’à-plat de la brique est en fait seulement visible dans les cloisons ou palissades légères d’épaisseur 5,5cm.
Les parements sont toujours faits en panneresse; il aurait, à mon avis, été intéressant d’envisager un montage en boutisse et panneresse, même en parement, pour donner l’impression de l’existence d’un mur de 22 cm ou plus.
L’appareillage
Les appareillages sont nombreux et multiples; ils dépendent de leur utilité respective mais aussi des pratiques et de la conviction personnelle du constructeur:
- anglais ou alterné (alternance régulière des assises de panneresses et de celles de boutisses)
Forme dérivée: * en croix anglaise ou appareil hollandais ou de Saint-André, appelé en Allemagne appareil flamand (alternance de lits de panneresses et de lits de boutisses)
* appareil de mur de jardin anglais ou américain (un lit de boutisses alterne avec au moins deux lits de panneresses)
- flamand ou régulier ou appareil gothique, appelé en Allemagne appareil polonais (alternance de carreaux ou panneresses et de boutisses, chacune étant posée au-dessus du milieu du carreau sous-jacent)
Forme dérivée: * en croix flamande (certaines assises de panneresses sont remplacées par des assises de boutisses)
* mur de jardin flamand (chaque assise comporte une alternance régulière de trois panneresses et de deux boutisses; les boutisses sont alignées verticalement d’une assise sur l’autre)
* du Sussex ou Silésien (alternance de trois panneresses et d’une boutisse)
* de jardin mixte (les boutisses ne sont pas alignées verticalement)
* de moine ou du Yorkshire ou volant (assises alternant deux panneresses pour une boutisse)
* de panneresse flamand ou américano-flamand (alternance d’au moins deux assises de panneresses pour une assise de carreaux et boutisses alternés)
* de quetta (mur épais d’une brique et demie dont l’espace central est rempli de ciment)
La pose française est de type flamand: un lit complet de boutisses alterné d’un lit complet de panneresses; dans le mur de 22cm, une boutisse et deux panneresses font la largeur du mur, dans le mur de 33,5cm, un même lit comprend des boutisses sur une face et des panneresses sur l’autre, en alternance avec le lit précédent et le suivant; dans le mur de 45cm, nous avons un lit de deux briques en boutisses et un lit d’une brique centrale en boutisse entourée de deux briques panneresses.
Les variantes sont évidemment nombreuses
Les décors
Ici, les sculptures ne sont pas possibles comme avec la pierre; la brique peut toutefois être moulurée et même modelée avant la cuisson; d’autres méthodes de décors vont aussi se développer comme le calepinage, les denticules (pose en saillie pour imiter l’entablement grec), les dents d’engrenage (pose en diagonale).
Des briques sont aussi posées en saillie pour former des entourages, des bandeaux, des encorbellements, des corniches, des panneaux décorés, des fenêtres aveugles.
Des jeux de couleur vont pouvoir être réalisés avec la brique vernissée ou émaillée, avec la brique jaune alternée à la rouge ou encore avec la céramique (à Fécamp, voir xx)
Les matériaux alternés
Sur toute la hauteur d’un mur ou d’un pignon, un appareillage unique présente toujours des faiblesses: la craie est trop tendre et friable, les silex ne se tiennent pas d’une façade à l’autre, ne font pas blocage ou liaison, leurs assises ne sont pas régulières; il faut donc employer plusieurs matériaux et les alterner; ils se complètent, la construction devient alors plus solide et plus durable.
Ainsi, dans notre région comme dans toutes celles au sous-sol crayeux, se sont depuis toujours développées des constructions en mode «rouge-barre», faites soit de moellons de pierre, soit de blocs de silex tabulaire taillés alternés avec trois rangs de briques; les matériaux minéraux locaux sont ainsi tous utilisés: la craie blanche, le grès, le silex et l’argile.
On voit parfois des constructions en blanc-barre…
Sur les pignons des maisons, nous retrouvons soit le couteau picard (la brique est posée en oblique sur le rampant et forme avec le matériau principal du pignon des dents pointues), soit le pas de moineau (la brique est posée ici horizontalement).
Pour les constructions en grande longueur, les angles des bâtisses, aux endroits sensibles, nous retrouvons la brique non plus en lits horizontaux mais en construction verticales pour servir de chainage, tenir les barres entre elles ou les façades les unes aux autres; l’appareillage se fait ici en besace ou en harpe pour mieux s’intégrer, pour éviter les fissures au niveau des changements de matériaux.
En réalité, la brique se marie bien; au-delà de l’utilité de ces mélanges de matériaux, le constructeur a multiplié les compositions …En Normandie, contrairement à ses régions voisines, les constructions sont rarement en briques seules…
Opposition de couleur, solidité et durabilité, utilisation variées et maximales des matériaux locaux; quelque soit les périodes et les méthodes de constructions, la diversité devient harmonie; et pour cela, encore convient-il de choisir et trouver les bonnes proportions!
La fabrication
La fabrication des briques passe par les différentes étapes suivantes:
- Extraction de la terre argileuse, généralement à proximité de la briqueterie; cette terre ne doit pas comporter trop de sable.
- Préparation de la terre: il s’agit de retirer les impuretés, donner une plus grande plasticité, piétiner et pétrir la pâte après l’avoir trempée, pour obtenir donc une pâte souple et homogène; l’ensemble se situe alors dans des fosses à tremper puis à malaxer.
- Broyage de la terre pour obtenir la granulométrie désirée
- Humidification et mélange des divers types de terres; ajout d'une faible quantité de lignosulfite, résidu de l'industrie du papier, dérivé de la lignine contenue dans les arbres; le lignosulfite facilite l'extrusion.
- Moulage: la brique est soit moulée, soit taillée après cuisson, soit pressée dans les moules, soit étirée, soit encore extrudée; les briques repressées ont un lit de pose en décaissé.
- L’extrusion se fait au travers de filières correspondant à une forme donnée de brique
- Coupage des briques dites taillées
- Séchage autrefois à l’air libre pendant 20 jours, par la suite dans un séchoir à gaz (durée entre 20 h et 50 h)
- Cuisson d’abord au bois puis au charbon, à environ 900 °C, jusqu'à 30 heures
- Éventuellement rectification (fraisage des bords jointifs pour faciliter le montage)
La couleur
Plus la brique est cuite, plus elle est foncée (violet); la brique surcuite ou recuite devient réfractaire; la brique chargée d’oxyde de fer est plutôt rouge; la brique rose ou orangée est plus siliceuse ou moins cuite.
La brique jaune, dite de sable, de vase ou de port …
Le gris est obtenu par la raréfaction de l’oxygène (en Chine), le bleu dans les fours du Staffordshire
La brique verte n’existe pas; il s’agit là du nom de la brique avant la cuisson.
Tous les formats pour toutes les régions
A l’origine, la dimension de la brique était certainement liée à celles de la main (pouce, paume, palme, empan) ou aussi du pied (romain).
Avec l’apparition du système métrique, la mesure moyenne ou largeur divisée par deux va donner la petite mesure la hauteur, et doublée donnera la grande mesure la longueur; avec l’industrialisation, un format plutôt standard va apparaître: 22x11x5,5cm (autrefois 8x4x2 pouces); les briques anciennes étaient plutôt à 21x10x4.
Précédemment, les normes étaient régionales voire locales; d’une façon générale, la brique était moins épaisse qu’aujourd’hui; la brique de Saint-Jean faisait 3,3 cm voire parfois 2,5.
Selon les régions, les briques traditionnelles ont des dimensions variables (sauf indication, les dimensions sont exprimées en cm dans l'ordre suivant: Lxlxh):
- Brique de Ninive: 25x27x15
- Brique de Toulouse, la ville rose: 33x25x6
- La brique foraine du sud-ouest fait 42x28 à 29x4,5 à 5cm
- Brique de Bourgogne: 22x11x6 (c'est un arrondi dans le système métrique de 8x4x2pouces)
- Brique de Paris: 21,5x11x5,5 (c'est un arrondi dans le système métrique de 8x4x2pouces). Selon qu'on considère ou non l'épaisseur du joint, ces dimensions peuvent être 21,5x10,3x6,5cm
- Brique Saint-Bernard: 33x16,26x8,13 (c'est un arrondi dans le système métrique de 1x1/2x1/4pied)
- Brique de Leers: 22x10,5x6 (ou 5 et 4)
- La Chantignole de Sologne fait 3 cm d’épaisseur
- Alors que le «savoyardeau» fait 10 cm
- Les «mulots» sont de faible épaisseur: 2 à 5 cm
- Les «cayroux» de Perpignan (ou brique catalane) font l’épaisseur du mur
La brique de Normandie
Elle avait ses propres caractéristiques: alors que la brique traditionnelle faisait une longueur normalisée de 8 pouces, la brique normande faisait 12 pouces sans modifier les autres dimensions étant de 2 et 4 pouces.
Il nous faut parler ici de la fameuse brique de Saint-Jean…
Le 24 juin, jour de la Saint-Jean, était un jour de fête; on célébrait l’arrivée du solstice d’été; le dernier feu avant la saison nouvelle se faisait le 23 au soir
Il y a les fausses briques de Saint-Jean ou «carottes» …
La région est globalement et lentement passée du colombage couvert de chaume à la construction en briques couverte d’ardoises, donc du végétal au minéral certainement plus solide.
Les lieux de fabrication
En Seine-Maritime, nous avons dénombré 35 lieux-dits «la briqueterie» et combien aussi de rues de la briqueterie [3]; au plus proche de nous, une rue à Senneville et un lieu-dit à la gare de Bréauté; là, nous retrouvons la zone d’extraction de l’argile d’un côté du chemin et de l’autre ce qui reste des installations ainsi que la cheminée encore debout; cet endroit a dû en son temps certainement alimenter la fabrication à deux pas du viaduc de Mirville.
A Fécamp même, au début du 20ème siècle, il y avait:
- Veuve Isidore Basille quartier Saint Ouen en 1890
- Veuve Martin Duval, la mère de Jean Lorrain, au 22 rue sous le bois
- Eugène Ebran 139 rue Queue de Renard (fabricant aussi de chaux)
Une cheminée en briques de 13 m de haut située au fond d’une cour au pied de la route de Cany a été supprimée en avril 2008 car elle était menaçante; nous pensons qu’il y avait là autrefois une briqueterie
Dans la région:
- A Saint-Léonard, deux briqueteries, celle du Parlement avec Charles Laporte qui aura des bureaux à Fécamp rue du 14 juillet et celle de La Croix Bigot avec Mme Veuve Florentin Pollet; nous y avons relevé aussi Louis Lebourdais, Jean Liberge en 1890-1906 et Anatole Robert en 1906
La zone d’extraction du Parlement se remarque bien encore.
A Senneville, Achille Ebran exerce en 1906
- Aux Loges R. Couture en 1906
- A Goderville la société commerciale d’affrètement directeur Jules Aumont
- A Fauville Omont, Pelletier en 1890
- A Veules Augustin Baillard en 1890
La brique représentait un marché local important; on disait qu’un briquetier pouvait produire à la main 300 briques par jour; un maçon pouvait en poser 100, un apprenti 50, alors que le maçon pendant ce même temps ne poserait que 25 pierres.
Les édifices publics
Les mairies
Les fonctions et donc les bâtiments n’existent que depuis la création des communes par la Révolution Française. Des maisons communales sont donc construites, dans un endroit visible et avantageux, indépendant si possible de l’église; la brique est vraiment dominante presque exclusive, sauf à Fécamp où la mairie s’installe dans les bâtiments monastiques désaffectés, en pierre …
Les écoles
Les écoles Jean Lorrain, François Rabelais, École du Port, École Jean Macé, École Albert Camus, École Alphonse Allais, École La Providence
Les collèges Jules Ferry, Georges Cuvier, Paul Bert et La Providence
Le port
Il a été fait tout en briques avec les soubassements en pierres.
Nous apprenons qu’en 1882, la rénovation du port est attribuée pour la maçonnerie à M. Escarraguel du Havre pour 1624000 frs
Le mortier est ici de chaux hydraulique
Le chemin de fer
La ligne Rouen-Le Havre a été achevée en 1847 avec les deux ouvrages d’art tout en briques de Barentin et de Mirville plus celui de Malaunay.
Le viaduc de Mirville est construit en 1844 par l’ingénieur anglais John Locke (1805-1860) légèrement courbe d’une longueur de 524 m avec 49 arches dont deux sont pleines pour sans doute consolider, la plus haute faisant 35 m
Le viaduc de Barentin est reconstruit après un effondrement en 1846 toujours par John Locke, d’une longueur de 478 m avec 27 arches de 33 m de haut et 15 m d’ouverture
La ligne Fécamp-Bréauté ainsi que la gare des Ifs datent de 1856; celle de Le Havre-Dieppe par Etretat est d’après 1874; la liaison Les Ifs-Etretat ne verra le jour qu’en 1895.
L'offre de la compagnie formée par Laffitte et Blount pour la création d'une ligne de chemin de fer de Paris à Rouen est vôtée par le parlement.
Les Anglais,
pionniers des chemins de fer, ont apporté leur savoir-faire [4]
.
10 000 ouvriers, pour la plus grande partie Anglais, construisent la ligne.
L'ingénieur en chef pour la construction de la ligne Paris-Rouen, puis Rouen-Le
Havre, est John Locke [1805-1860] qui s'est formé auprès de l'ingénieur George
Stephenson.
Il a probablement été recommandé par Edward Blount; Le projet des
entrepreneurs anglais Thomas Brassey [1805-1870] et William Mackenzie
[1794-1851] est approuvé par John Locke et la Compagnie de Rouen; résultat: sur cette ligne double Rouen Le Havre, les trains
roulent à gauche...y avez-vous fait attention…
Sur toutes ces lignes, sur les viaducs, la pose des briques était toutefois faite à la française (lit de boutisses et lit de panneresses alternés); les voûtes des arches, demies circulaires, étaient seulement de panneresses à chant; les piles des arches étant effilées, il fallait donc à chaque rang faire un ajustement avec des demies ou des quarts de brique; celui-ci était réalisé soit vers le milieu de la pile, soit avec la seconde ou l’avant dernière brique de l’angle.
D’autres bâtiments publics
Voir la halle au blé de Gonneville de 1883, les bourses, les chambres de commerce; à Fécamp la Banque de France, le Tribunal de Commerce
Les édifices religieux
Ils sont généralement de pierre, matériau noble par excellence et encore dominant au 16ème et 17ème siècle, souvent allié au silex taillé: Ganzeville Vattetot, Senneville Criquebeuf, Saint Léonard Les Loges Toussaint Bordeaux Saint Clair
Par contre, la brique prédomine au 19ème siècle: voir les tourelles latérales du grand portail ouest des églises de Colleville et Sassetot; les constructions en rouge-barre avec souvent des contreforts en briques aux églises d’Eletot, Epreville Gerville et Yport (1837-1838) Theuville-aux-Maillots Valmont Thiergeville Turretot Cuverville Hermeville La Poterie cap d’Antifer
Voir aussi les églises de Saint-Maclou Criquetot Fongueusemare Pierrefiques Vergetot Riville Sorquainville; également l’église Saint Pierre et Saint Paul de Gonneville la Malet de 1831
Une exception: l’église de Goderville tout en pierre calcaire
Les édifices industriels
La Société Bénédictine
La sucrerie de Colleville
Les Huileries
La chocolaterie Hervé
Les moulins
Les boucanes
Les édifices privés
Les châteaux de Riville, Cany, Angerville-Bailleul, Hougerville à Colleville, Daubeuf et Serville à Daubeuf-Serville, Tourville-les-Ifs, Limpiville, Mirville, Galleville à Doudeville, Janville à Paluel, Auberville-la-Manuel, Sommerville à Sassetot-le-Mauconduit, Sorquainville, Theuville-aux-Maillots, Fiquainville à Thiergeville, Valmont sont tous en briques
Catteville à Ocqueville et Auffay à Oherville sont faits de damiers
Les manoirs de Gerville (Villecoquière), Bordeaux-Saint-Clair, Bennetot (Vertot), Ypreville-Biville, Caudecoste aux Loges, Ganzeville, La Roussie au Bec de Mortagne, La Pailleterie à Rouville, La Valette à Yébleron, Equimbosc, Normanville, Cleuville, Beuzeville-la-Guérard, Le Hanouard sont tous en briques et pierres.
Il y a quelques exceptions tout de même à cette présence presque systématique de brique: le manoir d’Estouteville aux Loges, celui d’Hainneville à Froberville, le château d’Antiville à Bréauté et puis Mentheville, cela dû sans doute à la présence toute proche des carrières de pierre de Pétreval.
En ville, au 19ème siècle, les maisons d’habitations se construisent en brique essentiellement par série de deux ou trois voire quatre, comme pour la construction des navires, en série.
A la campagne, les fermes autrefois en colombages sont devenues par suite de vétusté ou d’incendie pour la plupart en briques; la charreterie reste tout en bois, orientée souvent est-ouest
Conclusion
Les constructions de Fécamp et de sa région méritent notre meilleure attention; sachons y reconnaître les bienfaits de ce matériau simple qu’est la brique; sachons le respecter, c'est-à-dire l’utiliser à bon escient, l’entretenir, le réparer sans pour cela le cacher à la première occasion.
Aujourd’hui, après une période béton et crépis, la brique reprend place, surtout en parement; ses qualités sont toujours reconnues ; toutefois la pose exigeant beaucoup de manutention, elle ne peut plus être considérée comme autrefois le matériau des pauvres.
Autre point délicat: le choix judicieux de la brique, surtout en rénovation; que de juxtapositions malheureuses; attention aux choix sur catalogues, attention aux promotions qui parfois donnent des regrets; le résultat peut s’avérer catastrophique, pas seulement à l’œil; je fais donc ici un appel à tous, professionnels, marchands ou bricoleurs en faveur de la brique artisanale, fabriquée à l’ancienne; celle-ci vous coûtera sans doute plus cher mais sera de meilleure qualité et surtout s’intégrera mieux dans vos travaux de rénovation ou réparation d’immeuble; l’idéal ne serait-il pas de confondre la brique nouvelle de l’ancienne! La brique est-elle donc encore la mal-aimée, peu décrite dans les ouvrages et trop ignorée des professionnels et du public; sa réhabilitation devra passer par une meilleure utilisation nécessairement fonctionnelle mais aussi esthétique.
Et quand enfin pourra-t-on réaliser à l’ouverture d’un prochain chantier et parler alors de «la pose de la première…brique»!
Yves Duboys Fresney
Sources:
- La brique cauchoise dans tous ses états: briques et briquetiers du canton de Saint Romain de Colbosc par Patrick Lebourgeois
- Revue n°102 du 4ème tr 1991 de Maisons Paysannes de France
- La maison de la brique à Saint Martin d’Aubigny (Manche)
[2] Parfois verte, ne devant compter que 10% dans l’argile rouge
[3] A Fécamp, le chemin de Briqueville doit son nom à un manoir ou ferme du colombier appartenant à Madame de Briqueville née de Thiboutot (Daniel Banse)
[4] Les anglais construiront 1500 km de voies de chemin de fer en France dont Paris-Rouen-Le Havre et Malaunay-Dieppe