La pêche anglaise à Terre-Neuve
« Il est inutile de rappeler à la Chambre que la pêche à Terre Neuve a toujours été un point de rivalité entre la France et l’Angleterre. » William Pitt le Jeune - discours prononcé au Parlement d’Angleterre - 27 novembre 1800.
La pêche française à Terre Neuve est assez bien étudiée, au moins au travers des textes écrits en langue française [1] ; par contre nous ne connaissons souvent que très peu la pêche anglaise, du moins nous les francophones [2] .
Par pêche anglaise, il faut entendre celle des britanniques dans leur ensemble, les écossais ayant péché la morue depuis toujours d'abord en Mer du Nord puis à Islande [3] …
A la fin du 16ème et au 17ème siècle, les débuts.
La pêche anglaise débuta à Terre-Neuve bien après la pêche basque, française ou portugaise, seulement vers la fin du 16ème siècle à partir de 1570 avec donc un demi-siècle de retard sur les autres nations européennes.
En 1527, le capitaine anglais, John Rut, rencontre douze bâtiments de pêche français dans le havre de St. John's à Terre-Neuve. Selon un poème anglais, la flotte de pêche française compte déjà plus de cent navires.
Nowe frenchmen and other have founden the trade
That yerely of fyshé there they lade
Above a C [hundred] sayle.
Vers 1550, les ports de France envoient quelque 500 navires, tandis que ceux d'Angleterre arment encore peu de navires pour cette grande aventure.
Les anglais pêchaient la morue à Islande qui leur en fournissait suffisamment ; en 1563, la reine Elisabeth prescrit à ses sujets la consommation du poisson, non pour suivre les règles d'abstinence de l'église catholique, mais uniquement pour soutenir et développer la pêche qui était une pépinière des matelots de la flotte royale.
Henri VIII puis Elisabeth exemptent d'impôt ce secteur d'activité; l'on institua même un "maigre anglican" en vue d'une consommation de poisson tous les vendredis.
Autant les français venaient à Terre Neuve pour essentiellement pêcher, autant les anglais venaient dans cette nouvelle partie du monde pour occuper les territoires, s’y installer, pour le commerce de la fourrure et accessoirement pour la pêche; et puis il y avait la recherche du passage au nord ouest vers l'Inde et la Chine …
En 1578, il avait été indiqué plus de 150 navires français et bretons et 100 espagnols pour seulement 30 à 50 voiles anglaises; et c'est un peu à contre courant, une simple tentative diront les français, que Sir Humphrey Gilbert (né dans le Devon vers 1537 - disparu en mer le 9 septembre 1583), officier et explorateur anglais qui servit sous le règne d'Élisabeth Ière, pionnier de la colonisation anglaise, a, le premier, le 5 août 1583, pris possession de Terre-Neuve et de toutes les terres s'étendant 200 lieues de part et d'autre, au nord comme au sud, au nom de la couronne d'Angleterre. La cérémonie consistait à couper une touffe de gazon pour symboliser le transfert de la possession de la terre, selon la Common Law d'Angleterre. Il s'empara des ports de pêche de l'île et prétendit lever un impôt sur tous les pêcheurs (des Basques, presque tous ibériques et français) actifs dans la zone du Grand Banc de Terre-Neuve.
Les espagnols dans les débuts dominaient la pêche à Terre Neuve, mais après la défaite de l’Armada en 1588, les anglais leur succédèrent [4] ; la morue de Terre Neuve avait été un levier par lequel l’Angleterre prit sa part de la richesse du nouveau monde espagnol ; en effet avec le commerce triangulaire, les anglais se lancèrent dans la pêche à Terre Neuve pour aller livrer la morue séchée en Espagne et dans tous les pays du sud et en revenir chargés par le troc de toutes les denrées recherchées de ces pays-là.
En 1573 seulement 4 navires anglais, alors qu’en 1573 ou 8 ? plus de cent navires espagnols
En 1600, la pêche anglaise compte 150 navires ; en 1607, il y eut 250 voiles britanniques au Nouveau Monde; les marchands de Bristol et de Londres étaient à l'initiative de ces armements lointains ; les 250 navires dont le tonnage montait à plus de 15 000 tonneaux, soit 60 tonneaux l’un dans l’autre, donnait un produit total de 135 000 livres sterling
Il faut parler ici de Peter Easton (né en 1570 – mort en 1620?) un pirate [5] du début du XVIIe siècle ayant régné à Terre-Neuve du littoral entre Port Harbour Grace et Ferryland de 1611 à 1614. Peter Easton, un anglais fidèle à la couronne ; ses ancêtres servirent durant les Croisades. La famille Easton s'était également distinguée contre l'Invincible Armada. En 1602, Peter Easton portait une lettre de marque de la reine Élisabeth d'Angleterre, commandait un convoi de corsaires anglais, arborant le pavillon du royaume d'Angleterre, la croix de saint Georges, et avait pour mission de protéger la flottille de pêche anglaise au large de Terre-Neuve. En effet, à cette époque, les bateaux de pêche étaient armés de petits canons pour défendre leur cargaison de poissons contre les pirates et les navires étrangers. Grâce à sa lettre de marque, Peter Easton pouvait réquisitionner les pêcheurs locaux au service de la couronne. Il pouvait également attaquer les navires, les flottilles et les ports ennemis ; il combattait notamment les Espagnols. A Harbour Grace a vécu Peter Easton, l’amiral pirate qui a fortifié ce site en 1610 et a fait de Terre Neuve sa base jusqu’en 1614 ; il a vaincu un escadron français à Harbour Grace en 1611, a recruté 5 000 pêcheurs de cette colonie parmi ses équipages, a formé des transports maritimes vers l’étranger aussi loin que les Caraïbes ; en 1614, il a intercepté une flotte plate espagnole aux Açores, a capturé trois bateaux chargés d’or, a divisé une immense fortune avec ses équipages ; il a été pardonné deux fois et a été invité à rentrer chez lui en Angleterre par le roi James le 1er mais a plutôt choisi de passer sa retraite au sud de la France où il est devenu le marquis de Savoie et a vécu dans une grande splendeur. [6]
La maison de Peter Easton à Harbour Grace
Il faut aussi évoquer sir Henry Mainwaring ( 1587-1653). Le 4 Juin 1614, au large des côtes de Terre-Neuve, Mainwaring, en commande de huit navires, pillé la morue flotte de pêche, de voler des dispositions et emportant avec lui les charpentiers et les marins. In taking seamen, Mainwaring would pick one out of every six. En prenant les marins, Mainwaring serait en choisir un sur six. In all, 400 men joined him willingly, while others were "perforstmen ." En tout, 400 hommes se joignirent à lui volontairement, tandis que d'autres ont été "perforstmen . " Sailing to the coast of Spain, Mainwaring then took a Portuguese ship and plundered her cargo of wine, and he later took a French prize and stole 10,000 dried fish from her hold. Voile sur les côtes de l'Espagne, Mainwaring a ensuite pris un bateau portugais et pillé sa cargaison de vin, et il prit plus tard un prix français et a volé 10 000 poissons séchés de son attente.
Et puis aussi de Anthony Parkhurst (xx – xx) auteur d’un opuscule sur Terre Neuve.
En 1637, tentative d’annexion de Terre-Neuve par le capitaine britannique Kirke ; on s’achemine vers une partition de fait de l’île.
Les anglais prennent Saint-John pour capitale; la pêche se développe surtout au sud est dans la presqu'île d'Avalon.
De leur côté, les français fondent Plaisance en 1662 avec un gouverneur dès 1655, ceci pour limiter l’expansion de la pêche anglaise le long de la côte sud de Terre-Neuve et sur les Bancs; encore à cette époque, la pêche française demeurait dominante, 352 morutiers en 1664; elle se concentrait dans le "Petit Nord". En 1687, sur toutes les parties de l'île de Terre Neuve contrôlées par les français, il n'y avait encore que 638 habitants dont 474 engagés; et Plaisance ne comptait que 256 habitants dont 170 engagés.
En 1660, un vaisseau de 100 tonneaux produit en valeur de morue 3 000 livres, dont le « bénéfice clair » est des 2/3 ; de toutes les espèces de commerce, celui de la pêche était le plus profitable.
Cependant, vers 1670, la flotille anglaise diminue à 80 navires ; à cela, plusieurs raisons :
- liberté donnée en Italie de consommer de la viande même pendant le carême et les jours de fête
- concurrence des pécheurs particuliers qui travaillent à moindre frais et peuvent donc vendre à meilleur compte
- accroissement dans ces parages de la pêche française
Au cours du 17ème siècle, des colonies permanentes ont tenté régulièrement de s’implanter sur l’ « english shore » : de 1610 à 1680, la « Newfoundland Compagny » avec une installation à Cupids dans la baie de la Conception ; en 1617, la colonie de « Bristol’s Hope » à Harbour Grace ; en 1621, la colonie d’Avallon ; par la suite, un certain David Kirke (1597-1654) ayant réussi en 1629 à s’emparer momentanément de Québec obtint ainsi les faveurs du roi Charles 1er qui lui octroya toute l’île de Terre Neuve en récompense ; il en a été gouverneur de 1638 à 1651 ; il s’agissait surtout d’un monopole pour le commerce des fourrures et pour celui du poisson ; il obtint le droit de prélever une taxe de 5% sur le poisson péché et transporté même par les étrangers.
La migration vers Terre Neuve
Cette migration eut véritablement des hauts et des bas ; celle ci fut sur l’île beaucoup moins régulière et facile que dans les colonies du continent du Nouveau Monde ; la population restait donc faible ; en 1680, un recensement a révélé 1 700 personnes sur la côte anglaise entre Bonavista et Trepassey ; et puis les colons comprirent qu’il était difficile d’habiter sur l’île à longueur d’année et d’y réaliser des profits autres que la pêche; d’ailleurs, les projets d’installation étaient souvent fondés sur l’idée qu’ils trouveraient ici d’une part un climat similaire à celui des pays européens situés sur la même latitude mais d’autre part un surplus de liberté et de tolérance religieuse ; à Londres, la plupart des gouvernements britanniques voyaient dans les colonies d’outre-mer une solution aux problèmes sociaux-économiques, notamment la surpopulation, le chômage et la pauvreté.
Les premiers migrants étaient originaires du sud ouest de l’Angleterre ; par la suite ils vinrent surtout du sud-est de l’Irlande, de sorte qu’au 18ème siècle, il s’instaura à Terre Neuve une société mixte anglo-irlandaise.
Au 18ème siècle,
A partir du début du 18ème siècle, les anglais envahissent le marché espagnol, ceci au mépris des pêcheurs basques; en 1700, les pécheurs de Boston y vendent 50 000 quintaux de morues sèches dont les 3/4 à Bilbao; les anglais vendent à bas prix; les pêcheurs basques essayent d'obtenir un privilège mais sans succès; la pêche anglaise envahit toute l'Espagne, ainsi que l'Italie et même la France, en concurrence de la pêche française livrée à Marseille et ceci malgré un droit de douane de 10 livres par quintal perçu sur les poissons (morues) étrangers; une précision tout de même: le marché de la morue verte étant exclusivement français, il restait à l'abri des intrusions étrangères.
En 1713, les anglais exportent en Espagne, Portugal et Italie 106 952 quintaux de morues
En 1728, les différentes pêches par les anglais tant au Banc de Terre Neuve que dans le Nord et sur la côte d’Ecosse produisaient 200 000 quintaux de morue salée.
En 1732, les anglais rapportèrent de Terre Neuve près de 200 000 quintaux alors qu’en Nouvelle Angleterre le produit est deux fois moindre, 100 000 quintaux.
Les 200 000 quintaux de morue sèche et de merluche vendus par les anglais produisent net 138 000 livres sterling ou 3 174 000 tournois, non compris le fret ; cette somme est entièrement bénéfice car le débit du rebut de cette pêche, ainsi que l’huile de morue, suffisent à rembourser les dépenses qu’elle entraîne, c'est-à-dire l’achat de sel, provisions et ustensiles…
Selon d’autres sources, depuis que la France a perdu ses possessions en Amérique, l’Angleterre a augmenté sa production des 2/3 pour atteindre 651 114 quintaux ; la morue était préparée avec moins de soins que celle des français ; elle valait 14 livres le quintal ; sur la production totale de 651 114 quintaux, le quart suffisait pour les établissements anglais de l’ancien et du nouveau monde ; ainsi les trois autres quarts étaient vendus au Portugal, en Espagne, Italie ou dans les « îles à sucre » et rapportaient en valeur 6 736 727 livres tournois [7] .
Dans les années 1750, « les Anglais expédient de Biddisort, de Yartmouth , Pool, & autres petits ports à l'ouest de l'Angleterre, autour de 400 navires de. 50 à 180 tonneaux, montés de douze à vingt-cinq hommes.
Les plus petits de ces navires sont destinés à la pêche de la morue verte, que les Anglais habillent & salent avec moins de précaution & de soin que les François : rarement attendent-ils qu'ils aient fait une pêche complète ; dans la crainte que les premiers lits de leur poisson venant à se corrompre, ne gâtent aussi les couches supérieures: ils quittent le grand banc souvent avec' les deux tiers, & quelquefois avec la moitié de leur chargement, & se rendent pour la plupart en Portugal & en Biscaye, les autres retournent en Angleterre.
Leur pêche en morue verte est peu de chose en comparaison de celle de la morue sèche , que quelques navires font eux-mêmes, & que d'autres ( c'est le plus grand nombre ) achètent des pêcheurs sédentaires de l'ile de Terre-Neuve, & qu'ils paient en chapeaux, bas & souliers, & ustensiles de pêche.
Ces navires portent leur morue sèche en Portugal, en Espagne & en Italie. »
La morue verte ou sèche qu'apportent les Anglais dans les ports de la Grande-Bretagne ou d'Irlande, ne paient aucun droit d'entrée.
Les Anglois occupent aux deux pêches 8 à 10000 matelots, & ceux de la nouvelle Angleterre &c de la nouvelle Ecosse y en emploient 16 à 1700.
Les François ont environ 16000 matelots & novices employés à ces deux fortes de pêches, indépendamment des matelots sédentaires de rifle Royale , en sorte que l'on peut conclure que l'objet de nos pêches est plus considérable que chez les Anglais, & si le cabotage dans nos ports était, comme en Angleterre; exclusif aux étrangers ,. on peut croire que nous aurions bientôt le fonds d'une marine pour le moins aussi considérable que celle de la Grande-Bretagne, et sans déranger, comme elle, la navigation marchande, on pourrait trouver des matelots en tout tems.
Le gouvernement d'Espagne doit ses premiers foins au tort infini que nous font les étrangers, par l'introduction de la morue sèche et de leurs poissons salés; mais surtout de la morue, dont l'usage est général, comme on le sait.
On compte qu'il s'y consomme 4875000 quintaux de morue, A cinq piastres le quintal, valeur ordinaire de cette denrée abord des Vaisseaux étrangers, ce font deux millions et 437500 piastres, fans compter les saumons, harengs, sardines, et autres poissons. Le tout ira à plus de 3 millions de piastres.
II est vrai que la morue sèche est d'une très grande ressource dans les endroits où il n'y a pas de poisson frais.
Mais on pourrait diminuer l'importation des poissons étrangers» si les Espagnols veulent tirer parti de leur mer. Les côtes de Galice font très-poissonneuses ; celles d'Andalousie fournissent abondamment des thons, des esturgeons, des lamproies, des sèches du cabillaud, & divers autres poissons, dont les uns séchés, le« autres marinés, se peuvent conserver pendant des années entières. On en aurait assez, pour la subsistance de toute l'Espagne, íì la pêche était protégée & encouragée.
L'auteur conseille de rétablir & d'augmenter la pêche que les Bii'cayens & ceux de Guipuscoa ont tait pendant long-tems à Terre-Neuve.
Les Anglais, dit-il, ont absolument troublé notre pêche dans ces parages , depuis que la France, par le traité d'Utrecht, leur a cédé le port & la colonie de Plaisance , & d'autres ports dans l'íle de Terre-Neuve. Les Anglais qui n'en occupaient que la partie méridionale font en possession du tout; la France ne s'étant réservée que la pêche & la sécherie, depuis le Cap de Bonne-vue, jusqu'à l’extrémité septentrionale désiste, & delà en suivant la côte de l'ouest, jusqu'à l'endroit appelé Pointe' Riche.
(dictionnaire portatif de commerce 1753)
Les guerres intercoloniales.
L'histoire de la pêche à Terre Neuve est liée à son histoire coloniale avec la grande rivalité des anglais et des français, avec ses périodes de guerre et de paix successives; pendant toutes ces périodes, les navires de la Marine Royale ont commencé à accompagner la flotte de pêche; de ce fait, les anglais arrivaient à poursuivre leurs pêches pendant les périodes de conflits, peut être mieux protégés; alors que les français abandonnaient la pêche ainsi que leurs positions sur les marchés étrangers; en fin de conflit ces derniers avaient du mal à retrouver leur place.
Progressivement la pêche anglaise prenait de l’ampleur au fur et mesure aussi des migrations et des apports de population anglophone.
Et en vérité, les deux nations anglaises et françaises étaient concurrentes et rivales, tant au niveau de l’occupation coloniale des territoires qu’au niveau du commerce et de la pêche ; la pêche a d’ailleurs toujours été considérée par les deux parties comme une pièce maîtresse de la puissance nationale ; les guerres inter-coloniales donc se succèdent pour former une troisième guerre de Cent Ans - 1688-1815 - [8] ; les temps de guerre ont continuellement alterné avec les temps de paix ; les bâtiments qui naviguaient à Terre-Neuve étaient mixtes : corsaires pendant les guerres, ils pêchaient pendant les intermittences ; assez légers, maniables et rapides d’une part, ils étaient aussi solides et résistant à la mer.
Durée des conflits |
Guerres nord-américaines |
Guerres européennes |
Traités |
Première Guerre intercoloniale appelée par les anglais la « King William's War ». |
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Troisième Guerre intercoloniale ou Première guerre corsaire |
Guerre de Succession d'Autriche
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Quatrième Guerre intercoloniale ou guerre de la conquête (1756-1760) deuxième guerre corsaire |
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1778-1783 |
Guerre de l'indépendance américaine ou troisième guerre corsaire |
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Traité de Versailles |
1789 (ou 1792)- 1815 |
4ème guerre corsaire (1793-1801-an 9)
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Révolution Française et 1er Empire
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Traité d'Amiens en 1802 Traité de Paris en 1814 |
La première guerre (1689-1697)
En 1690, prise de Plaisance par les Anglais; en 1692-1693, les attaques sont renouvelées; en 1696, les français menés par de Bouillon entreprennent une dévastation systématique de l’ « english shore » ; en 1697, Pierre Lemoyne d’Iberville et Noel Danycan réussissent à détruire complètement l’industrie anglaise à Terre-Neuve en détruisant 36 établissements dans la presqu'île d'Avallon
En 1697, le Traité de Ryswick, ne sert pas vraiment les intérêts de la Nouvelle-France. Comme en Europe, on revient plus ou moins à la situation d'avant la guerre, toutes les conquêtes d'Iberville sont en quelque sorte annulées. Cependant, la Nouvelle-France sort, elle aussi, intacte de ce conflit.
La deuxième guerre;
Sur Terre-Neuve, les colons anglais basés à St. John's à l'ouest de l'île se disputaient le contrôle de l'île avec les français établis à Plaisance à l'est. La plupart des opérations militaires se réduisaient à des raids de destruction des outils économiques de l'adversaire. Les français capturèrent St. John's en 1708-1709 mais les britanniques la réoccupèrent rapidement après que les français l'ait abandonné.
En 1711, la marine Britannique attaque Plaisance…
Le traité d’Utrecht de 1713, la France perte de l'Acadie, de la Nouvelle Ecosse, de la baie d' Hudson, l'île de Terre-Neuve - droit de pêche sur la moitié de l'île sans établissement permanent – entre le cap Bonavista et la pointe Riche; le traité forme donc une séparation de principe des zones de pêche entre les deux nations; les anglais appréhendent Plaisance et toute la côte sud qui est la plus proche des grands bancs, concédant aux Français l’archipel de Saint Pierre et Miquelon.
Il s'en suivit une longue période de paix - 1713-1744 que l'Angleterre met à profit pour renforcer la Royal Navy et pour voyager - voyage autour du monde de lord Anson.
Attaque anglaise des navires français à cap Spartel et à cap Tiburon
La troisième guerre
La Nouvelle-France n'a pas les moyens de lancer des attaques d'envergure, et se contente de petites attaques sur des villages de la Nouvelle-Angleterre. Pour leur part, les habitants de Boston veulent absolument se débarrasser de la présence gênante de Louisbourg et ils organisent, en 1745 le siège de la forteresse qui doit capituler après un peu plus de 40 jours, à la grande stupéfaction des Français qui l'avaient pourtant qualifiée d'imprenable.
La France tente de reprendre sa place forte en 1746 mais c'est un échec complet. Cependant, elle réussit un coup d'éclat en Inde en s'emparant de Madras, un comptoir d'épices important pour l'Angleterre.
Quand la guerre se termine en 1748 par le Traité d'Aix-la-Chapelle, décidant de revenir à la situation d'avant la guerre, la France échange avec l'Angleterre Madras contre Louisbourg. Louisbourg continue donc d'assurer une présence française dans le Golfe du Saint-Laurent.
La quatrième guerre
William Pitt l’Ancien premier ministre de Grande Bretagne en 1757 critiqua ouvertement la position des français et celle du Parlement de Paris ; sa volonté était de les chasser de l’Inde et de l’Amérique ; il est partisan de la guerre à outrance ; pour lui, la morue était « l’or britannique » ; il refusa de céder une partie de l’île de Terre Neuve à la France.
Le principal obstacle à la paix était le refus de Pitt de céder une partie de Terre-Neuve à la France et il déclara qu'il préférerait perdre l'usage de son bras droit plutôt que d'offrir une part aux français et il avança plus tard qu'il préférerait céder la Tour de Londres plutôt que Terre-Neuve. Terre-Neuve possédait en effet une valeur stratégique et économique inestimable du fait de l'importante industrie halieutique qui y était établie [43] .
Du 6 au 10 juin 1755, il y eut la bataille des Grands Bancs près de Terre Neuve
En 1760, reprise de Saint-John
En 1762, c’est la reprise de Terre Neuve : Charles Henri Louis D'ARSAC DE TERNAY (1723-1780) dirigea une flotte de 5 navires montés par 750 militaires. Chargé de prendre St Johns, à Terre Neuve et d'affaiblir les forces britanniques de la région. Il mena à bien cette mission, détruisant systématiquement tous les établissements de pêche ennemis et capturant ou coulant des centaines de bateaux, jusqu'au moment ou il dut se retirer avec l'essentiel de ses effectifs, devant une flotte britannique bien supérieure en nombre.
Le traité de Paris du 10 février 1763, la France perd le Canada, l’île Royale (île du Cap Breton), le Labrador; et en outre la Louisiane en faveur de l’Espagne, en compensation de la Floride cédée par l’Espagne à l’Angleterre. Par contre, les anglais rétrocédaient l’île de Saint-Pierre et Miquelon. Les droits de pêche sur la côte de Terre-Neuve étaient conservés, et dans les mêmes conditions c’est à dire toujours sans établissement permanent. Selon Pitt, on laissait à la France la possibilité de devenir une nouvelle fois une menace pour la Grande-Bretagne tout en trahissant Frédéric II de Prusse.
C’est au premier hiver suivant que les anglais, prenant le traité à la lettre, se mirent à brûler toutes les installations françaises qui servaient chaque été au travail et au séchage de la morue, y compris les embarcations laissées sur place: les installations devaient être non-permanentes et les anglais prirent soin cette année-là de les rendre précaires.
En 1775, l'Angleterre avait introduit primes afin de ressusciter la pêche au banc.
La guerre de l'indépendance américaine (1775 ou 78-1782 ou 83) ou 3ème guerre corsaire (1778-1782). Les anglais détruisent le bourg de Saint-Pierre en 1778; l''Angleterre y perd ses treize colonies En 1782 Traité de Versailles consacre l'indépendance des états unis ; avec la modification du French-Shore entre le cap Saint-Jean et le cap Raye; les droits français sur le French-Shore sont encore réduits, ceci d’une façon très curieuse puisque nous n’étions pas cette fois-là dans le camp des vaincus; l'issue de cette guerre va donner un essor à l'armement terre-neuvier français; par contre elle aura divisé la pêche anglaise.
En 1783, à Terre-Neuve, il y avait plus de pêche des navires britanniques que jamais.
Les raids, telles que celui menée par la France de l'amiral de Richery en 1796, affaiblissent la pêche à Terre-Neuve.
Pendant les guerres de la révolution française et de l’empire, ou quatrième guerre corsaire, avec le blocus continental appliqué depuis le traité de Berlin du 20 novembre 1806 jusqu’à l’adresse du Gouvernement provisoire du 4 avril 1814, les français interrompent la pêche à Terre-Neuve, laissant libre cours à l’installation des colons anglais y compris dans les zones du « French Shore »; l'émigration anglaise est importante pendant l'absence des français; les traités de Paris du 30 mai 1814 et du 20 novembre 1815 maintenaient à la France les droits sur le French-Shore mais au détriment de l’île de France (île Maurice). Les français allaient donc reprendre au fur et à mesure leur droit de pêche, mais en concurrence accrue avec les anglais.
Dans les années 1790, la population anglaise atteignait 20 000 personnes ; en 1815, elle avait déjà doublé
Au 19ème siècle
A partir de cette époque, la pêche était devenue presque entièrement l’affaire des colons terre-neuviens ; la pêche migratoire des anglais avait disparu alors que celle des français allait continuer jusqu’au 20ème siècle.
En 1825, sous la pression des réformateurs de l’île, une charte est publiée pour accorder à Terre Neuve un statut officiel de colonie, avec un gouvernement civil et un conseil ; jusqu’alors le gouvernement du pays avait été assuré par la Marine qui se retrouvait souvent en conflit avec les amiraux de pêche.
L’île prit également une certaine indépendance sur ce que l’on a appelé « la tyrannie des marchands de poissons anglais » qui monopolisaient les ressources du pays sans même y vivre et firent pression contre son autonomie.
En 1828, l’annonce d’une taxe sur les importations des colonies était contraire à la franchise traditionnelle accordée à l’industrie de la pêche.
En 1832, Londres accordait à Terre Neuve un gouvernement représentatif.
La période est plutôt stable pour la pêche avec un accroissement sensible des résultats et au bout du compte l'apparition timide d'un sentiment de surpêche; désormais, plus de conflit majeur comme au 18ème mais des tensions fréquentes entre les pêcheurs des deux nations qu'il fallait régler au fur et à mesure par la Marine, les divisions navales, par les ministères et les ambassades de chacun des pays; il y eut donc ce qu'on appela "Les affaires de Terre Neuve".
La protection de la pêche
L'Angleterre, comme la France depuis 1765 et reprise en 1821, entretenait à Terre Neuve une division navale avec des bâtiments détachés de l'escadre de l'Atlantique, placés sous les ordres d'un capitaine de vaisseau qui prenait le titre de "commodore"; la division comprenait en général six navires de guerre; ceux-ci protégeaient les pêcheurs anglais et puis surveillaient les français en vue d'une application au plus strict des dispositions du traité d'Utrecht ainsi que de leur souveraineté sur le pays [9] ; en fait, les difficultés furent nombreuses sur le French Shore ; les français pensaient y avoir une pêche exclusive de la morue alors que les anglais y concevaient une pêche concurrente; d'autre part les premiers pensaient pouvoir y pêcher le homard; les protestations réciproques furent nombreuses; les rapports et les enquêtes aussi; et puis il y eut les arrangements de 1884
Les pourparlers de Londres en 1884-85; sur 770 milles de côte réservées, 400 milles sont laissés entre les mains des anglais (la politique française en Océanie par Paul Deschanel en 1884)
La guerre de la Boette, puis la guerre des homards
En 1892, la flotte anglaise de pêche était composée de :
- dans le Royaume Uni, 8389 bateaux de pêche dont 503 à vapeur
- dont en Angleterre 3472 voiliers et 414 vapeurs
- à l’île de Man 284 voiliers et 2 vapeurs
- en Irlande 438 voiliers et 4 vapeurs,
- en Ecosse 3692 voiliers et 83 vapeurs,
- Les ports de Grimsby et Baaf ont le plus de voiliers, celui de Hull le plus de vapeurs
(sources : Fisherman’s Nautical Almanac et Revue Maritime et Coloniale)
Les méthodes de pêche
Tout au début, les anglais pêchaient à la ligne et à l’hameçon dans de petites embarcations, des chaloupes de 5 hommes, à proximité des côtes où ils revenaient tous les soirs ; ils pratiquaient « la pêche à sec » avec donc un séchage à terre, alors que les français, surtout les normands, pratiquaient plutôt « la pêche verte », en salant la morue à bord des navires.
Au début du 17ème siècle, les navires avaient l’habitude de quitter l’Angleterre aux alentours du 1er avril pour un voyage de cinq semaines ; vers 1670, les départs avaient lieu habituellement un mois plus tôt, probablement en raison de la compétition pour les meilleures places de pêche. ; les sack ships pouvaient partir plus tard.
Par la suite, à partir de 1750, les anglais pêchèrent à la senne puis au 19ème siècle au moyen de longues lignes (lignes dormantes).
La morue verte comptait pour peu dans la production, la moitié de ce que pouvaient vendre les français, car il y avait moins de débouchés – Portugal et iles Britanniques – et la préparation, le salage, était plus délicat avec des risques de pertes de cargaison ; par contre, les anglais acquirent une supériorité sur tous les marchés pour la morue sèche qu'ils arrivaient à produire à bas prix.
Enfin, à partir de 1882, les anglais furent les premiers, grâce aux navires à vapeur puis au diesel après 1945, à pêcher au chalut ; en 1892, le chalut Granton du nom du port écossais où il fût mis au point, disposait de panneaux fixés à l’ouverture du filet.
La pêche au chalut se réalisant sur une profondeur de 400 mètres au lieu de 100 mètres pour les voiliers, provoqua un bon de productivité, avec une capture de 6 à 8 fois plus importante pendant un même temps de pêche
La morue séchée salée ou le stockfish
La morue ici est séchée mais non salée ; cette méthode de conservation est utilisée de préférence par les anglais ainsi que les hollandais en vue d’une consommation dans toute l’Europe du Nord, les français, les bretons et les basques, pratiquant quant à eux la morue séchée salée laquelle était commercialisée dans toute l'Europe du Sud.
Il y avait aussi la morue fumée ou haddock, les fish and chips, les acras ou beignets de morue
Les méthodes commerciales
Les anglais pratiquaient autant la vente de leur propre pêche que la vente de celle des habitants de Terre Neuve pour la revendre en Europe ; certains, les migrants péchaient et puis revendaient sur place, d’autres venaient avec les « sack ships » pour seulement acheter la morue pêchée et la rapporter en Europe ; et puis il y avait aussi les « by-boats-keepers », des pêcheurs qui laissaient les bateaux sur place et faisaient la traversée comme passagers.
Les navires partaient des différents ports d’Angleterre, Bidford, Pool, Dartmouth, Barnestable, sur des vaisseaux chargés de vivres, de sel, de lignes et de provisions et autres denrées – céréales, viandes salées, matières grasses, alcools, vêtements et outils, etc… - qu’ils échangeaient avec les habitants de l’île, ou avec parfois l’usage de lettres de change ; il arrivait aussi que les habitants de Terre Neuve chargent ces vaisseaux en tout ou en partie pour leur propre compte.
Terre-Neuve était un lieu d’entreposage et d’échange important puisque l’île était à mi chemin entre l’Europe et la Nouvelle Angleterre.
A l’origine, jusqu’au 17ème siècle, les navires retournaient directement en Angleterre mais peu de poisson se retrouvait sur les marchés anglais ; la plupart était emmagasiné dans les ports tels Plymouth ou Dartmouth pour ensuite être réexporté vers la France, l’Espagne ou le Portugal ; et puis, au 18ème siècle, le commerce triangulaire [10] a été l'une des forces de l’Angleterre : livraison de la morue directement dans les pays méditerranéens pour d'abord en ramener le sel nécessaire à la saison suivante, et aussi toutes les denrées que l'Angleterre avait alors besoin d'importer – vin, fruits, huile d’olive, etc…- .
Le commerce portait surtout sur la morue mais aussi sur les autres produits obtenus en dehors de la saison de pêche, l’huile de phoque, les fourrures ..
Enfin des commerces secondaires existaient avec les marchands américains – morues contre denrées alimentaires - et aussi avec les Antilles – morues contre produits exotiques - .
Les primes, les taxes
L"English Shore"
Les ports qui pratiquaient la pêche à Terre-Neuve
- Aberdeen avec son musée
- Brixham dans le sud ouest, où la pêche au chalut a été inventé au 19ème siècle ; ici il y avait en 1890 300 chalutiers
- Coque dans le nord est avec ses chalutiers
- Anstruther avec aujourd’hui son musée écossais de pêche
- Grimsby
- Looc
- Lowestoft
- Whitby
- Arbroath réputé pour sa morue fumée, le Haddock
- Hull avec ses chalutiers
- Grimsby avec ses chalutiers : en 1882 il y avait ici 623 bateaux de pêche et 2 à vapeur ; en 1909, 29 navires à voiles et 608 navires à vapeur
- Hastings avec son musée des pécheurs
- Penzance en cornouaille anglaise
- Newton Abott, port de pêche à la morue aux bancs
- Poole
- Polperro
- Salcombe avec son musée
- Whistable
Au 20ème siècle
Le port de Grimsby au début du 20ème siècle
Commence en 1904 par la reddition des français pour ce qui concerne le French Shore, remplacé par le régime du "Treaty Shore": l'Angleterre est alors la deuxième nation morutière - 160 000 tonnes par an - derrière la Norvège - 250 000 tonnes - L'Angleterre en fait consomme plus qu'elle ne produit.
Le chalutage
Le chalutage industriel par l'arrière a été inauguré en Ecosse en 1954 avec le Fairtry, comme pour hisser les carcasses à la pêche à la baleine ; cela permettait d'éviter les manœuvres latérales et d’employer des chaluts encore plus grands.
Les extensions des eaux territoriales et la fin de la pêche à la morue
La guerre de la morue entre les chalutiers anglais et les gardes-côtes islandais en 1972-73 par suite de l'extension des eaux territoriales islandaises à 50 milles en 1972 puis à 200 milles en 1975.
En conclusion, malgré un retard initial dans les activités de pêche autour de Terre Neuve, l'Angleterre a su par de nombreux facteurs favorables y acquérir la prééminence [11] ; ces facteurs sont surtout les suivants:
- la possession territoriale résultant du traité d'Utrecht [12]
- l'immigration importante de la population anglaise dans ce secteur
- l'action personnelle de William Pitt dans le conflit franco-anglais
- la mise en place d'un véritable réseau commercial européen
- l'utilisation importante des nouvelles technologies avec la propulsion des navires à la vapeur et la pêche à la traîne au moyen d'un chalut.
Yves Duboys Fresney
Sources:
- Charles de la Morandière : Histoire de la pêche française de la morue dans l'Amérique septentrionale - les armements anglais - pages 220 à 222 –
- Laurier Turgeon "Le temps des pêches lointaines" dans Histoire des pêches maritimes en France - Bibliothèque Historique Privat.
- Le site colonial de Ferryland, analyse des macro-restes végétaux par Marie Annick Prévost – 2008 -
- Jacques Peuchet dans le Dictionnaire universel de la géographie commerçante par Gallica.
- fr.wikipédia.org - Les guerres intercoloniales -
- www.heritage.nf.ca
Annexe: un extrait de - The British Merchant - Le négociant anglais - contenant divers mémoires sur le commerce de l'Angleterre avec la France, le Portugal et l'Espagne publié pour la première fois en 1713 puis à nouveau en 1753, imprimé à Dresde et à Paris:
" … Ce n'est cependant pas la seule pêche au moyen de laquelle les français ayant augmenté si considérablement leur navigation et le nombre de leurs matelots: celle qu'ils font à Terre Neuve et au Grand Banc est prodigieuse, nous n'en avons que trop ressenti les funestes conséquences; cependant, lorsque l'on fait des représentations sur la liberté de la pêche que l'on a laissée aux français à Terre Neuve, on trouve encore des personnes qui demandent si les français ne doivent pas avoir de pêche? Elles savent mauvais gré aux bons citoyens de vouloir en exclure cette nation. Ce n'est pas tout, elle a eu l'adresse de se faire céder le Cap Breton, où elle peut faire sécher sa morue aussi commodément qu'à Plaisance: elle s'y fortifie; et cette île s'ils le veulent sera bientôt un nouveau Dunkerque. Elle nous payait autrefois un tribut pour la liberté qui lui fut accordée dans la 10ème année du règne de Charles II de pêcher à Terre Neuve - dès 1504, les français ont pêché à Terre Neuve bien avant que les anglais y eussent aucun établissement - : aujourd'hui elle en est affranchie; le voisinage du Cap Breton nous oblige d'entretenir des garnisons à Terre Neuve, et ses pêcheurs jouissent dans la saison de l'usage de nos côtes depuis le cap Bonavista jusqu'à la pointe occidentale de l'île. Cette condescendance les met en état de nous disputer une autre branche de pêche; celle du saumon dont l'anse qui est à l'ouest du cap de Bonavista est très abondante. Voilà ce qu'ignorent nos sages politiques !
Ce n'est qu'à l'ombre de cette prétendue soumission que les français ont obtenu dans les temps la permission de pêcher au Grand Banc et d'établir leurs sècheries sur les côtes de Terre Neuve. On n'aurait jamais du y consentir; mais puisque la faute était faite on aurait du comprendre depuis, que cette pêche leur était si importante qu'ils auraient aisément consenti à continuer de se soumettre au droit de 5%. Il part tous les ans plus de 400 de leurs vaisseaux de Saint-Malo, Grandville, La Rochelle, l'Ile de Ré, Bayonne, Saint Jean de Luz et d'une quantité d'autres ports pour le Grand Banc et pour Terre Neuve. Non seulement ils fournissent par eux-mêmes à leurs besoins, mais ils portent un préjudice considérable à nos ventes en Espagne et en Italie. Leurs voyages sont plus courts que les nôtres d'un mois ou six semaines, puisque nous sommes obligés d'aller chez eux prendre des sels.
C'est nous même qui avons voulu partager notre pêche avec la France; c'est nous qui avons formé sa marine, si redoutable avant le combat de la Hague en 1692: la liberté de la pêche en fut l'époque, l'accroissement de l'une et l'autre eurent les mêmes degrés.
Aujourd'hui maîtres du Cap Breton et de plusieurs autres îles dans le golfe du Saint-Laurent où la pêche est plus abondante et moins épuisée qu'à Terre Neuve; libres d'ailleurs de partager avec nous les avantages de celle-ci que ne devons nous pas augurer de l'avenir?.…"
[1] Voir la bibliographie francophone de la Grande Pêche dressée par Etienne Bernet en 1998 Les Cahiers de Fécamp Terre Neuve
[2] Il faut reconnaître que le sujet que nous abordons n'est que rarement évoqué dans les nombreuses publications maritimes aussi savantes soient-elles, ou encore dans toutes les bibliographies dressées sur ce thème.
[3] La pêche en Mer du Nord se faisait en concurrence avec les norvégiens des iles Loffoten, et à Islande avec les danois.
[4] Il a même été dit que la flotte anglaise tardait d’aller pêcher à Terre Neuve pour mieux participer à la défaite de l’Armada espagnole ; en réalité, elle attendit jusqu’en 1604 la fin du conflit franco-espagnol.
[5] Alors que les français parlent de corsaires détenteurs de "lettres de marque", les anglais parlent sans aucun sens péjoratif de pirate.
[6] Ce texte provient d’un panneau apposé sur la maison de Peter Easton à Harbour Grace – Terre Neuve - .
[7] En produit c'est-à-dire comme on dirait aujourd'hui en Chiffre d'affaire mais pas forcément en bénéfice comme le précisait Jacques Peuchet le chroniqueur
[8] - La première guerre de Cent Ans eut lieu pour la question d’Aquitaine de 1152 à 1259 depuis le divorce de Louis VII avec Aliénor d’Aquitaine remariée à Henri II et ceci jusqu’au traité de Paris ;
- La deuxième guerre de Cent Ans eut lieu pour la question du trône de France de 1328 à 1436 (ou 1337-1453) depuis la mort des trois fils de Philippe le Bel sans héritier direct, Louis X en 1316, Philippe V en 1322, Charles IV en 1328 depuis donc la fin des capétiens directs jusqu’à l’épopée de Jeanne d’Arc, le traité d’Arras et l’entrée de Charles VII dans Paris.
[9] Au moins jusqu'à l'indépendance du pays en 1855 - gouvernement autonome - et 1930 - rattachement au Canada -.
[10] Ce commerce dit triangulaire est très différent et n’a rien à voir avec celui de la "traite des Noirs" qui se passait sur trois continents dont le continent africain.
[11] Il faut aussi reconnaitre que la rivalité avec la France a été un moteur important dans la mise en place de toutes ces activités de pêche.
[12] Avec en corrélation la dépossession des français