La pêche française à Port au Choix

 

 

La pêche française à Port au Choix

sur la côte ouest de Terre Neuve

 

 

La pêche française a existé à Terre-Neuve pendant quatre siècles, depuis les Grandes Découvertes jusqu’à la reddition du « French Shore » en 1904 ; la traversée des mers se faisait non pas pour trouver de l’or ou bien une nouvelle route maritime mais pour seulement pêcher la morue qui était alors l’une des nourritures élémentaires de toute l’Europe.

Les pêcheurs français, ainsi que les basques [1] , avaient été parmi les premiers à venir à Terre- Neuve [2] , avec pour chacun leurs habitudes : ceux qui allaient pêcher aux Bancs s’installaient sur la côte sud, à Plaisance ou encore à Saint-Pierre ; les autres préféraient pêcher le long des côtes, dans le nord de l’île, appelé « le Petit Nord », au-delà du cap Bonavista, le premier endroit à avoir été atteint par les découvreurs Corte Réal ? Verrazano ?, John Cabot et Jacques Cartier.

Les malouins y invoquaient leur prépondérance pendant tout le 16ème et le 17ème siècle ; ils y régnaient en maître et prétendaient même à une quasi-souveraineté sur ce pays qu’ils exerçaient à vrai dire par l’intermédiaire du Parlement de Bretagne [3] .

 

La côte ouest de Terre-Neuve

La pêche dans le golfe du Saint-Laurent sur la côte ouest de Terre-Neuve ne vint que plus tard vers le début du 18ème siècle. Port au Choix, au pied de la péninsule nord, était ici l’un des endroits privilégiés ; isolé, loin de tout, au bord de la banquise qui fermait, parfois tard au printemps, le détroit de Belle-Isle, le site était en fait idéal pour la pêche à la morue : la température fraîche de l’eau, la présence de bois de construction, l’éloignement des secteurs anglais, disons habités, la présence importante au début de l’été de capelans qui attiraient la morue, lui servaient de nourriture et aux pêcheurs d’appâts.

L’endroit était de plus historiquement favorable : à la fin du règne de Louis XIV, le traité d’Utrecht de 1713 mis fin à la souveraineté de la France et la limitait à un droit de pêche dans un secteur allant de la pointe Riche c'est-à-dire Port au Choix jusqu’à Bonavista, par le nord ; plus tard au traité de Versailles, en 1783, la zone dénommée « French Shore » était modifiée et allait du cap Raye jusqu’au cap Saint-Jean, englobant toujours Port au Choix qui n’a donc jamais cessé d’être à l’usage exclusif des pêcheurs français.

Ce « portuchoa » en basque voulant dire « port de pêche » en français, devenu Portachoix puis Port à Choix et enfin Port au Choix, se situe en fait de part et d’autre de la pointe Riche, entre deux grandes baies, Ingarnachoix au sud et la baie de Saint-Jean au nord ; l’endroit comprend plusieurs havres pour l’installation des chauffauds, les habitations des pêcheurs et pour  l’ancrage des navires : le havre Gargamelle, l’ancien ou le vieux port au Choix, le havre de Barbacé et le nouveau port au Choix ou Back Arm (voir plan ci-joint) ; les îles constituent très souvent des endroits stratégiques : l’îlot béni, l’île des sauvages, l’ile Saint-Jean, l’île Plate etc… [4] 

 

La pointe Riche

            D’où vient le nom Riche, nous ne le savons pas, l’endroit avait été appelé cap double par Jacques Cartier lors de son premier voyage en 1534, le 15 juin, « un gros cap doublé l’un par-dessus l’autre » [5] .

Une discussion fut soulevée en 1763 après le traité de Paris entre la France et l’Angleterre, une de plus, sur la localisation exacte de la pointe Riche citée par l’article 13 du traité d’Utrecht. Les cartographes furent accusés d’imprécisions ou d’avoir recopier des erreurs, notamment Nicolas Bellin chez les français ; deux cartes anglaises de Hermann Moll furent retrouvées plaçant la pointe Riche au cap de Raye près de Port aux Basques ; il n’y eut pas de suite à cela, sans doute s’agissait-il d’une observation et non pas d’une objection ; vingt ans plus tard, ce point de difficulté fût peut-être l’une des raisons de modification du French Shore.

Le phare de la pointe Riche a été construit en 1871 par le gouvernement canadien pour faciliter les navigations des bateaux canadiens à leur entrée et leur sortie du golfe du Saint-Laurent ; il fût exploité par les gardes-côtes canadiens ; il est considéré comme un exemple de la coopération entre Terre Neuve et le Canada bien avant l’entrée de Terre Neuve dans la confédération en 1949.

 

La baie et l’île Saint-Jean

 

 

Les différentes occupations

La région de Port au Choix avait fait l’objet autrefois de plusieurs vagues successives d’occupation ; les vestiges de quatre cultures anciennes ont été jusqu’ici mis au jour : la culture indienne archaïque maritime, les cultures paléo-esquimaudes du Dorset et de Groswater, et la culture indienne récente. Les archéologues ont passé des années à chercher un site comme celui-ci, qui jette un nouvel éclairage sur les peuples autochtones de cette partie du monde.

- Culture indienne archaïque maritime de – 3500 à – 1200 av JC

- Paléo-esquimaude Groswater de – 800 à - 100

- Paléo-esquimaude Dorset de – 100 à 700

- Indienne récente de 0 à 1200

- puis occupation française de 1700 à 1904

- et colonie anglaise permanente depuis 1800

 

La présence viking, confirmée dans le nord de la péninsule à l’anse aux Meadows (ou méduses), ici n’est pas certifiée, bien que nous soyons sur la route touristique dite des vikings ; les basques apportèrent à ce lieu, dès le 17ème siècle, peut-être même dès de 16ème une première toponymie (Ingarnachoix, Port au Choix etc…), les français la complétèrent et la généralisèrent à leur arrivée (baie des castors …) ; les anglais n’affluèrent dans la région qu’à partir du début du 19ème siècle pour y chasser le phoque et pêcher le saumon, le hareng et à partir de 1880 le homard concurremment avec les français ; certains servaient de gardiens pour l’hiver aux installations françaises. Les esquimaux du nord de l’île ou du Labrador faisait souvent des incursions dans la région ; en 1719, ils descendirent du cap Dégrat jusqu’à Férolle et Port au Choix faisant courir des risques aux installations de pêche tenus par les basques [6] .

 

Les habitants de Port au Choix

Culture

Dates d'occupation à Terre-Neuve

Dates d'occupation à Port au Choix

Autochtones de l'Archaïque maritime

5500-3200 A.A.

5500-3200 A.A.

Paléo-esquimaux [7] de Groswater*

2800-1900 A.A.

2800-1900 A.A.

Paléo-esquimaux du Dorset*

2000-1100 A.A.

1900-1300 A.A.

Autochtones récents:
1. Complexe de Cow Head
2. Complexe de Beaches
3. Complexe de Little Passage

2000-800 A.A.

2000-800 A.A.
2000-1400 A.A.
1400-1100 A.A.
1100-800 A.A.

Européens:
1. Viking
2. Basques
3. Français
4. Anglais

 
v. 1000 apr. J.-C.
v. 1500-1700 apr. J.-C.
v. 1600-1904 apr. J.-C.
v. 1700 - apr. J.-C.

 
 
v. 1600-1700 apr. J.-C.
v. 1709-1904 apr. J.-C.
v. 1700 - apr. J.-C.

(source : www.parcscanada.ca)

Et la cartographie

Après les Découvertes, il fallait étudier, décrire, inventorier ; pour venir à un endroit et y revenir que ce soit par mer ou par terre, il fallait rapidement jeter les bases d’une cartographie fiable.

Les français, les anglais se mirent à la tâche, d’une façon parallèle semble-t-il, sans lien direct et apparent entre les deux pays

D’un côté, il y eut Dudley en 1647, Moll, Jean Denys, James Cook 1770, le major Holland

De l’autre, Joseph La France 1739-1742, Jacques Nicolas Bellin 1757-1764, Boone

            Georges Cloué va faire de 1857 à 1859 (ou 1861 ?), pour le compte de la Marine Française, des relevés des installations de pêche avec une cartographie précise des différents endroits occupés [8] .

 

            Les places de pêche

            La côte ouest était en principe à l’entière disposition des pêcheurs français ; le traité de Versailles de 1783 excluait totalement les anglais du French Shore ; les places ou graves existaient donc tout le long de la côte depuis Cod-Roye au sud, près des caps Anguille et Raye, jusqu’à l’anse aux Fleurs tout au nord, en passant par la baie Saint-Georges, l’île Rouge, Port à Port, Petit Port ou Petit Havre, l’anse à Bois, Baie des Iles, Bonne Baie, Havre des Roches, Baie de sable, Tête de Vache et Ingarnachoix, puis au-delà de Port au Choix, Nouveau Férolle, Vieux Férolle et baie Sainte Barbe ; et pourtant des endroits précis vont être inventoriés et à cela deux raisons : la règle du tirage au sort et puis cette mauvaise convention de 1857 qui limite les places françaises dites exclusives, à cinq sur la côte ouest dont celle de Port au Choix, et permet donc finalement une pêche concurrente anglaise.

Les endroits nous sont indiqués d’après les cartes dressées par Cloué; des informations sont également données dans les tableaux des havres et répartition des places de pêche dont ceux de 1867 et de 1872 (en rouge et italique) ; nous avons dans ces années-là et dans le secteur qui nous intéresse les installations suivantes :

 

- Nouveau Port au Choix

            grave n°1 (Blanchariat) – 10 bateaux (15) – galet préparé 900 toises

            grave n°2 (le Sud-Ouest) – 10 bateaux (15) – galet préparé 900 toises

            Place n°3 dit l’Enfer – 12 bateaux

            grave n°3 (4) (Guérata) – 15 bateaux – galet préparé 1500 toises

- Anse de Barbacé – parfois dénommé Barnabé -

            grave n°1 – 8 bateaux – galet préparé 500 toises – sur tribord en entrant

            grave n°2 – 8 bateaux (12) galet préparé 500 toises sur bâbord en entrant

- Ile des sauvages une seule place 20 bateaux

- Ile Saint-Jean

            grave n°1 – 6 bateaux (15) – sur tribord en entrant

            grave n°2 – 6 bateaux (12) – le fond

            grave n°3 – 6 bateaux (12) – sur bâbord en entrant dans le fond

            Place n°4 ? occupé par l’armement d’Anatole Lemoine – sur bâbord à l’entrée – 15 bateaux

            Place n°5 ? havre de Bonne Baie puis havre de la Tourelle – 12 bateaux

 

            En 1867, il avait été constaté par l’assemblée des armateurs de Saint Servan que la place n°5 de l’île Saint-Jean avait cessé d’être occupée depuis plusieurs années et se trouvait même entièrement détruite ; celle-ci de l’avis de tous les armateurs était donc reportée à l’anse de la Tourelle.

 

            Quand les eaux étaient peu profondes, les équipages devaient construire de longs pontons pour atteindre les eaux plus profondes, permettant ainsi aux bateaux de débarquer leurs prises

 

            L’organisation de la pêche

            Tous les cinq ans, à Saint-Servan, le tirage au sort de ces lieux de pêche avait lieu ; il consistait à attribuer pour cette durée les places de pêches, toutes celles de la côte est – le Petit Nord - ; sur la côte ouest, six baies étaient affectées à l’usage de tous les navires concessionnaires à l’ouest et aux bâtiments dits « défileurs du golfe », l’île rouge faisait l’objet d’un tirage à part, les saint-pierrais se voyaient réserver des lieux particuliers, la baie de Saint-Georges, quatre places à l’île rouge et quatre à Cod-Roy ; à l’ouest finalement seules quatre places étaient tirées au sort : Port au Choix, l’anse de Barbacé, l’ile aux Sauvages et l’île Saint-Jean.

            Les places étaient divisées en quatre séries : celles où pouvaient opérer plus de 15 chaloupes, ou entre 10 et 15, ou 9 et moins de 9, et puis celles inhabitables. Les navires proposés par les armateurs à la pêche à côte étaient eux divisés en trois séries comportant chacun un nombre d’équipage minimum : 25, 20 et 15 hommes. Chaque armateur, à l’appel du nom de son bâtiment tiré au sort choisissait une place parmi celles restées libres.

            Les départs à Terre Neuve étaient réglementés ; ils avaient lieu en mars ; le moment venu, après tous les préparatifs, les navires partaient en caravane, pour pouvoir s’entraider en cas de besoin pendant la traversée ; le premier arrivé dans chaque baie se nommait l’amiral : il organisait la pêche et réglait les conflits éventuels de voisinage ; souvent, les malouins se retrouvaient sur les mêmes lieux de pêche ; ils étaient très présents aux tirages au sort, contrairement à leurs collègues normands qui allaient de préférence sur les bancs.

            Chacun des équipages de navire s’installait sur chacune des graves ; le navire principal était soit accosté aux installations soit ancré à quelques brasses dans la baie, il pouvait aussi aller et venir, chercher du bois à la scierie la plus proche, pêcher ou acheter les capelans ou harengs destinés à l’appât ; les 8, 10, 12 ou 15 bateaux autorisés sur chaque grave étaient des warys, des chaloupes ou bien des doris destinés à la pêche par elle-même ; celle-ci se pratiquait tantôt à la senne tantôt à la ligne, selon que la morue se trouvait sur les rivages ou bien plutôt au large.

            Les constructions étaient toujours en bois, conformément à l’une des conditions du traité d’Utrecht, sur plancher, couvertes en papier goudronné ; il y avait le chauffaud qui servait à l’accostage des navires et au travail des marins, abrités sous une tente couverte de tissus à voilure laissant passer la lumière ; de part et d’autre, les graves par elles-mêmes faisant chacune plusieurs centaines de toises, couvertes de galets destinés au séchage de la morue ; un peu plus loin, les autres constructions ou cabanes toujours en bois servant à l’habitation du capitaine, une autre pour les marins, pour les chauffaudiers, avec des greniers servant de magasins.

            En plus de ces places de pêche pour la morue, il y avait des homarderies et des saumonneries :

-          une homarderie à l’île Saint-Jean (Anatole Lemoine puis Saint-Mleux))

-          une autre à l’Anse Barrée (Anatole Lemoine puis Saint-Mleux)

-          une à Port Sanders (anglaise : Shearer ?) voir l’illustration

-          une à John March

-          une à Brig Baie et une autre anglaise ? : Shearer ?

-          une à l’île Rouge (Chrétien)

-          une à l’Anse à Canards (R. Leroux)

En 1890, il y avait 6 homarderies sur la côte ouest qui occupaient 80 hommes et pêchaient cette année-là 465 000 homards ;

-          également une saumonnerie à la rivière aux castors

-          une autre à la rivière Pons exploitée en 1859 par Léonidas de Saint-Malo

-          une autre à Hawkes Bay

« La homarderie de l’Anse Barrée fabriquait également des conserves de truites et d’anguilles mais tous ces produits ne constituaient jamais qu’un appoint peu important à l’industrie principale des factories, celles des conserves de homards » [9] .

 

            Les Basques à Port au Choix

            L’occupation des lieux par les basques est ancienne, certifiée dès de 17ème siècle ; les lieux de pêche se dénommaient Blanchadia, Illaretta, Biscarra, Ifferma, Barbacilla…

            En 1763, après le traité de Paris qui clôturait la guerre de Sept Ans, la Marine anglaise sèmait la terreur : le sieur Thompson, capitaine de la frégate anglaise Lark signifie à un Terre Neuvier basque, sur les ordres de la Cour d’Angleterre, de quitter les lieux au plus tard le 10 septembre et de tout emporter avec lui, son sel, ses chaloupes et ses ustensiles de pêche ; de crainte, le pêcheur mit les voiles dès la fin août après avoir coulé ses chaloupes et jeter le sel à la mer.

            Le 13 février 1767, les capitaines de pêche de Ciboure signent entre eux un règlement selon les termes suivants :

-          1°) Le premier navire (arrivé) aura l’option de choisir sa grave et dans le cas où il n’y aura pas de chauffau, il sera obligé de la bâtir audit lieu

-          2°) Celui qui aura le Blanchadia sera obligé de prendre un chauffau audit lieu

-          3°) Celui qui ira à Illaretta prendra son chauffau et sa grave avec sa suite à Biscarra ainsi qu’il a été accoutumé jusqu’à présent

-          4°) celui qui ira à Ifferma aura dans le même endroit son chauffau et sa grave et dans le cas où il n’aurait pas assez de grave on lui en reconnaitra le surplus entre Portachoa, Barbacilla et Biscarra

-          5°) Le premier arrivé à Portachoa ne pourra prendre qu’un des deux chauffau. [10]

Après les guerres de la Révolution et de l’Empire, la paix revenue en 1816, un seul armateur basque, Recur de Bayonne envoya des navires à Port au Choix ; en 1817 et 1818, il récidiva puis en 1819 avec deux navires montés par 93 hommes armant 16 chaloupes ; tous les matelots étaient basques. « Nous relachâmes dans quelques unes des baies qui bordent le canal, notamment dans le havre de Keppel situé dans la baie d’Igornachoix. Nous n’y trouvâmes qu’un seul pêcheur basque ; en général, ce sont les bayonnais qui fréquentent le plus ces rivages inhabités et déserts et qui ne méritent aucune mention particulière… » [11]

En 1821, au début des tirages au sort, Port au Choix étant traditionnellement exploité par les basques qui en revanche ne fréquentaient pas la côte est, Recur demanda officiellement en 1826 que ce havre soit affecté aux armateurs de l’arrondissement de Bayonne (Bayonne, Saint Jean de Luz, Ciboure) ; la demande fût a priori rejetée.

En 1833, Recur revient à la charge et demande la concession de l’île aux Sauvages pour 10 ans, alors que les concessions par tirage au sort se faisaient pour 5 ans ; la demande est également rejetée… [12]

 

L’occupation française

            Nous voulons parler ici essentiellement des normands et des bretons, surtout des malouins ; l’occupation était saisonnière conformément aux conditions du traité d’Utrecht ; à partir du début du 18ème siècle, les passages devenaient réguliers, essentiellement à Vieux Port au Choix et à Barbacé.

 

            Nous savons que l’armateur Fontan de Saint-Malo occupe Port au Choix depuis 1815 ; Laignet, l’un de ses capitaines, interrogé en 1859, dit y pêcher depuis 1843.

 

            Un rapport fait par un anglais en 18xx sur la pêche française dans notre secteur nous indique les points suivants : « xx » [13] .

 

            En 1888, l’armateur Guibert de Saint-Servan est à Port au Choix et à Barbacé [14] , Auguste Lemoine de Saint-Malo est à Port au Choix, Barbacé et à l’île des Sauvages [15] , Anatole Lemoine est à l’île Saint-Jean et à l’anse Barrée.

            En 1889, « jusqu’ici nous n’avions rencontré nos compatriotes établis pour la saison qu’en deux seuls points, à l’île Rouge et dans la baie de Port à Port. C’est dans l’avancée de terre se terminant au cap Riche que se trouve le centre français le plus important de tout le French Shore, au Nouveau Port au Choix ; il y a là, pendant la durée de la pêche, un groupement de 300 matelots venus de Bretagne ou de Normandie, exclusivement occupés à la préparation de la morue salée. Les navires arrivent vers le milieu d’avril ; une fois au port, ils ne bougent plus, et c’est avec de petites embarcations appelées doris, non pontés et à fond plat, qu’on va placer et relever les lignes en mer. Vienne la fin de septembre, tout ce monde repartira, laissant à quelques Terre-Neuviens la garde des établissements en bois, en toile et en branchages que nos armateurs n’ont pas le droit d’occuper à titre permanent. » [16]

            Voici les attributions des havres de Port au Choix au cours du 19ème siècle :

            -

 

Toutefois, au-delà de cette pêche saisonnière, il y eut quelques installations définitives dans la région avec les familles Billard, Cadet ou Cadot, Gaslard ou Gaschelard et Genix ou Jenaux ou Gennoix. Ces noms subsistent encore dans la région. Le dernier parlant français de la place, Jos Gaslard, serait décédé en 1981.

Il nous a été raconté l’histoire du jeune français Hilaire, 15 ans, par la suite dénommé Hilary ou Hiller, maltraité par son capitaine ; chargé par lui d’aller bourrer sa pipe de tabac, le jeune mousse tombe malencontreusement sur le pont au retour et casse la pipe ; le capitaine furieux lui jette son rhum à la figure et l’aveugle pendant trois jours ; Hilaire a peur de ne pas supporter la situation jusqu’au retour en France, il a peur de mourir… il saute par-dessus bord et nage jusqu’au rivage, se cache la nuit ; le lendemain, il est recherché ; il s’enfonce dans la forêt jusqu’au départ du navire ; il a peur qu’on vienne le reprendre ; il demandera un peu plus tard de rentrer en France sur un autre navire que celui de son méchant capitaine ; il est recueilli par un anglais Rumbolt ; il restera là plusieurs mois et même plusieurs années à la suite car au foyer de ses hôtes, il y avait une jeune fille à laquelle il s’attacha…

            Il y eut aussi l’histoire de l’arrière-grand-père de Jeannie Billard, un capitaine français Jean Marie Billard décédé vers 1920 dont le navire s’était échoué dans la baie de Bill Burn, au sud de Port au Choix, qui y pris femme Rubly Plumman 13 jours après l’échouage et y resta, lui aussi déserteur, peut-être par crainte dans la responsabilité d’avoir perdu le navire…

            Le gardien pour l’hiver des installations Lemoine sur l’île Saint-Jean s’appelait Celestin Guéneuc ; il y aurait été enterré ; également dans l’île, l’on peut encore voir la tombe d’une capitaine de pêche français ; il s’agissait de V. Dameron, né à Saint Cast en 1841 et décédé à Terre Neuve en 1892.

            Malgré ces quelques exemples, la francophonie est devenue aujourd’hui inexistante dans la région, contrairement à ce qui se passe dans la péninsule de Port à Port, plus au sud ; nous voudrions ici citer et rendre hommage à Pierre Monchot qui, outre son travail au musée et centre d’accueil de Port au Choix, est la seule personne à représenter et soutenir la francophonie dans la région.

 

         La flottille des deux frères Lemoine de Saint-Malo

            L’armement malouin dont nous allons parler a été créé par François Lemoine (1799-1885) dans les années 1825-1830 ; très jeune, il fut aidé par sa mère et par quelques amis [17] ; son père avait été armateur corsaire de petits navires contemporains et semblables à ceux de Robert Surcouf, mais il décéda à 30 ans sans doute accidentellement à Brest le 3 germinal an III, alors que son fils avait un an.

            François Lemoine eut une longue carrière d’armement dans le long cours, le cabotage et dans la pêche à Terre Neuve ; il arma à lui seul plus de cent navires ; il acquit une concession à Saint Pierre en 1854-58 et sans doute aussi à cette époque participa aux tirages au sort des havres de Terre Neuve.

            A son décès, l’armement est séparé et transmis à ses deux fils Auguste et Anatole de la façon suivante [18] :

            A Auguste Lemoine :

-          Vedette pour 6 000 francs, une goelette de 111tx construite à Gaete en Italie en 1862.

-          Anatole pour 10 000 francs, un brig de 139 tx construit à Saint-Malo en 1857.

-          Amélie pour 6 000 francs, un brig de 139 tx construit à Granville en 1857.

-          Liquidateur pour 10 000 francs, un brig de 164 tx construit à Saint-Malo en 1851.

-          Evangéline pour 15 000 francs, une goélette de 88 tx construite à Montréal en 1876.

-          Louvois pour 25 000 francs, un trois-mâts de 267 tx construit à Méans en 1877.

-          Marguerite pour 15 000 francs, une goélette de 122 tx construite à Saint-Vaast en 1878

-          Auguste pour 2 000 francs, un brig de 113 tx construit à Granville en 1850.

-          Habitation et dépendances consistant en magasins, chantiers et ateliers à Saint-Pierre et Miquelon île aux chiens pour 32 000 francs

-          Deux sloops attachés à l’habitation de Saint Pierre et Miquelon pour 6 000 francs

 

A Anatole Lemoine :

-          Quiqu’en Grogne pour 10 000 francs, un brig de 144 tx construit à la Richardais en 1861

-          Elisabeth pour 12 000 francs, un brig-goélette de 142 tx construit à Saint-Servan en 1875

-          Adour pour 2 000 francs, un brig de 169 tx construit à Bayonne en 1851

-          Emeraude pour 12 000 francs, une goélette de 135 tx construite à Nantes en 1874.

-          Joseph pour 15 000 francs un brig-goélette de 170 tx construit à Nantes en 1876.

-          Jeune Clara pour 3 000 francs, un lougre de 44 tx construit à Dunkerque en 1852.

-          Puget pour 12 000 francs, un trois-mâts de 235 tx construit à Granville en 1857.

-          Francine pour 5 000 francs

-          Pyralpa pour 14 000 francs, un brig-goélette de 135 tx construit à Saint-Malo en 1876

-          Tombola pour 35 000 francs, un brig-goélette de 144 tx construit à Saint-Malo en 1884.

-          Un magasin à saint Pierre Miquelon île aux chiens avec toutes dépendances pour 4 000 francs

 

            Restent en indivision :

-          Les armements des navires de pêche pour 297 429 francs

-          Le matériel d’exploitation de la maison de Saint-Pierre pour 4 106 francs

-          le long-courrier Kallakahua pour 70 000 francs,

-          le quart du navire Henri ou Jeune Henri pour 3 000 francs (12 000 en tout)???

 

Les installations de Terre-Neuve sont absentes dans ce partage contrairement aux installations dont l’armement est propriétaire sur l’île aux chiens à Saint-Pierre

 

         Une source documentaire écrite pour Anatole Lemoine

            Anatole Lemoine (1843-1889) n’aura qu’une courte carrière d’armateur et aussi de vice-consul d’Espagne; après le décès de son père en 1885, il reçoit par partage un certain nombre de navires et il s’organise autour de l’île Saint-Jean et de l’Anse Barrée.

            Il décèdera lui-même prématurément en 1889 à l’âge de 46 ans ; malade dès 1887, il prend alors des dispositions en faveur de son épouse, 33 ans, sa fille Berthe, 3 ans et l’enfant à naître (Henri), ainsi que des marins de son père…

            L’homme paraît préventif et organisé : il rédige un dictionnaire de langage télégraphique codé avec ses capitaines, se lance dans la production des homards, construit pour cela une usine neuve à l’anse Barrée et une autre dans sa propriété de Saint Servan dénommée « L’Artimon » ; cette dernière ne servira jamais.

            A son décès, sa femme ou ses enfants ne peuvent poursuivre l’activité ; une décision est prise immédiatement. Par délibération du 22 novembre 1889, le conseil de famille composé de Auguste LEMOINE, James O’RORKE, Philippe LANCE, Henri DUBOIS, Pierre MARIE-ROUSSELIERE et Charles ROUXIN décide l’acceptation pure et simple de la succession et l’autorisation de liquider amiablement la maison de commerce avec Joseph BLAIZE comme conseiller liquidateur.

 

 

Les documents conservés de l’armement de Anatole Lemoine (1889)

 

-          Comptes d’expédition de marchandises par l’Habitation de Saint-Pierre sur les navires RAILLEUSE, JOSEPH, ANNA-FANNY et PUGET

-          Plan de montage du guindeau sur le navire FRANCINE (treuil en bois à axe horizontal employé pour retenir les câbles et lever les ancres)

-          Commandes de charbon de bois

-          Instructions pour M. Landgreen, capitaine du QUI QU’EN GROGNE

-          Instructions pour M. Mary, capitaine de l’ELISABETH

-          Instructions pour la pêche à l’Anse (Golfe)

-          Devis pour l’installation de deux postes distants de 4 km

-          Correspondances avec le Ministère de la Marine pour la défense des lieux de pêche

-          Un code télégraphique sur 31 pages avec en sous-parties : les achats, le Banc (estimation de morues), les Boettes (hareng ou capelan), l’encornet, le Golfe, les Pertes, Morues et huiles, Expéditions, Divers

-          Les résultats de la pêche en 1888 par navire et total (Banc et Golfe)

-          Idem pour 1889

-          Déclaration de retour faite aux Douanes par M. Mary, capitaine de l’ELISABETH

-          Quelques correspondances : atelier de forge de Saint-Malo, représentants au Caire, au Havre

-          Les résultats de la pêche à la Côte Ouest en 1889, avec tous les navires et armateurs

-          Quelques commandes de matériels

-          Quelques bons de livraisons de morues

-          Compte de pêche par navire : l’EMERAUDE

-          Certificats de travail pour Jean Marie Dollo et Jean Paul Bessard

-          Une concession temporaire de l’ancienne grève du Talard

-          Une convention de transport de passagers

-          Liste de passagers sur tel navire (MARIE ELIZA)

-          Comptes de pêche avec calcul du tiers et du cinquième sur RAILLEUSE et JOSEPH

-          Inventaire des objets laissés à l’Ile Saint Jean – côte ouest de Terre Neuve – à l’habitation de tel navire (QUI QU’EN GROGNE) sous la surveillance du gardien Célestin Guéneuc

-          Inventaire des objets et matériels restés à l’Ance à John Mark (Castor)

-          65 mandats-poste adressés aux marins pour solde de la campagne du Banc de 1889

-          Les comptes courants des capitaines (Théophile Macé) avec calcul des intérêts (à 4%)

-          Inventaire de l’habitation de l’Anse Barée au Golfe en 1889

-          Liste de livraison de caisses envoyées d’un navire ou de l’Anse Barée à bord d’un autre navire (QUI QU’EN GROGNE)

-          Inventaire à l’usine Saint Joseph au passage de QUI QU’EN GROGNE, BELLE BRUNE, JOSEPH

-          Relevé du compte de commissions d’un représentant

 

LIQUIDATION au décès de Anatole LEMOINE (9 novembre 1889)

-          Liste des objets d’armement et de pêche neufs mis en vente et pouvant être traités de gré à gré

-          Etat des sommes à retenir par la Marine

-          Etat des sommes retenues par l’armement pour le compte de la Marine

-          Liste du matériel du Golfe (à l’anse barée)

-          Inventaire de navires (VIOLET, FRANCINE, JEUNE CLARA, MAGNIFIC, TOMBOLA, ADOUR) avec la voilure, le gréement, l’armement du banc, batterie et ustensiles de cuisine

-          Bons de vente à Auguste Lemoine, à Houduce, à Louis Hubert, armateurs à Saint Malo

-          Liste des poulies en magasin

-          Contrat de vente du 25 janvier 1890 de tout le matériel de l’île Saint Jean, de l’anse barée et du castor (prix : 17 250 frs)

-          Pouvoir pour une représentation dans la faillite du sieur Barthélemy

-          Déclaration de retour des navires QUI QU’EN GROGNE, capitaine Landgreen, JOSEPH, capitaine Beaudouard, RAILLEUSE, capitaine Guermin, EMERAUDE, capitaine Verru, BELLE BRUNE, capitaine Bourge, SAINT-JOSEPH, capitaine Thomas, avec détail de la pêche et chargé comme suit :

-          Position comptable de l’armement au 9 novembre 1889

-          Comptes de fermages et de locations (patrimoine privé)

-          Liste des navires de l’armement au 9 novembre 1889

-          Détail des frais payés pour les funérailles

-          Télégramme concernant un sinistre en cours (août 1890)

-          Pouvoir donné à Postel pour traiter le sinistre et recevoir les capitaux

-          Relevé des négociants de homards pour Paris avec noms, adresses, importance des caisses plates, quarts ou hautes, et notes (bons, et parfois un peu chicanier…) ; vendu en 1888 : 36 000 caisses ; en 1889 : 23 000 caisses ; le représentant est mentionné comme étant honnête, sérieux et actif

-          Situation de la liquidation au 31 octobre 1890 avec actif, passif, détail du compte profits et pertes et compte approximatif des sommes restant à payer

-          Un répertoire téléphonique

 

           Les comptes de liquidation, en grande partie conservés, vont constituer à cet instant donné une source d’informations non négligeable. Les comptoirs et les navires sont inventoriés ; les marins sont réglés par mandats de leur campagne de pêche de  1889; les navires et matériels sont vendus à l’amiable, les dettes réglées, les créances encaissées. Une vente publique a lieu pour le matériel de pêche pendant cinq jours consécutifs du 22 au 26 juillet 1890 inclus. Dans une situation au 30 octobre 1890, le boni de liquidation  ressort à 383 115,50 francs. Il est à noter que Joseph BLAIZE décède le 11 février 1891 sans avoir pu terminer lui-même cette liquidation qui s’acheva en réalité le 15 juin 1891.

            C’est par contrat sous seing privé du 25 janvier 1890 que Joseph Blaize, liquidateur, vend à Messieurs Saint-Mleux pour la somme de 17 250 francs payable le 1er mars 1890, tout le matériel restant à l’Ile Saint-Jean, à l’Anse Barée et au Castor, dans l’état où il se trouve, notamment les embarcations, sels, matériels des soudeurs et de fabrication, cabanes et boites vides, “sans aucune garantie ni responsabilité du plus ou moins trouvé et le plus ou moins usé; étant entendu que les cabanes et constructions à l’Ile Saint-Jean et à la baie des Castors ne sont pas comprises dans la vente, ainsi que le matériel à sertissage des boîtes à conserves...de même la marque déposée “Au Pavillon Français”...

            On sait par Léopold Soublin  que la conserverie de homards installée par Saint-Mleux sur le French-Shore, certainement celle acquise de la succession de Anatole LEMOINE, a été totalement détruite en 1900 après la mise à feu volontaire d’un anglais Sugram Taylor. La cour de Saint-John condamne l’incendiaire à un an de travaux forcés et à la relégation, apparemment sans réparation des dommages matériels …

 

Les habitations à Terre-Neuve de l’armement Anatole Lemoine

 

 

1°) A l’île Saint Jean - côte ouest de Terre-Neuve -

Habitation de tel navire - gardien: Celestin Guéneuc

- la cabane du capitaine et la cambuse (11m de long, 5 de large, 4 de haut)

- une cabane avec cuisine salle à manger et une chambre (6m de long, 3 de large, 2,5 de haut)

- une cabane neuve pour les pêcheurs (20m de long, 4 de large, 3 de haut)

- une cabane neuve pour les chauffaudiers

- une cabane pour les fours (8m de long, 4 de large, 2 de haut)

- une cabane pour le second et pour le soudeur (4m de long, 3 de large, 3 de haut)

- les lavoirs à réparer

- l'usine et la souderie – neuve (7m de long, 4 de large, 3 de haut pour chaque bâtiment)

- le chauffaud

-11 embarcations (2 capelanniers, 3 chaloupes du banc, 1 chaloupe­ de senne, 1 canot harenguier, 1 doris, 3 waris )

- 359 casiers à homards (43 à Saint-Jean, 85 à l'Île Plate, 140 dans l'anse à la Tourelle, 91 dans l'anse à l'Américain)

- un clipper à voiles « La Normandie »

 

 

2°) A l'Anse Barrée – ou Tête Ronde - au Golfe – gardien Thomeless

- Habitation du capitaine appelée « La Normandie » ; magasins au bout ; greniers au dessus à usage de magasins (15m de long, 5 de large, 4 de haut)

- Une cabane servant de cuisine et de salle à manger ; magasins au bout et au dessus servant à ramasser les boites vides et les caisses pleines (6m de long, 3 de large, 2,5 de haut)

- La cabane des chauffaudiers (12m de long, 4 de large, 3 de haut)

- Une étable à vaches

- Un four

- Le chauffaud

- L'usine homarderie dénommée Saint-Joseph (entrée où l'on cuit le homard où il est soudé en boites et ébullitionné) occupe 21 hommes dirigés par un chef d’opération Jean Marie Dollo (25m de long, 10 de large, 3 de haut)

-11 embarcations (2 canots français de 16 pieds, 4 waris, 1 béliard,­ 2 chaloupes et 2 doris)

- 1 400 casiers à homards

 

 

3°) A l'Anse à John Mark (Castor) succursale de l’Anse Barée

- deux cabanes

- une souderie

- six embarcations (2 canots, 3 waris et 1 doris)

- 490 casiers à homards

 

 

4°) A Férolles – une cabane

 

            Il y avait aussi à l’île aux baleines – 70 casiers à homards et à Port à port – deux cabanes pour Johan ?

 

         Une source photographique pour Auguste Lemoine

            Auguste Lemoine (1837-1903), depuis le décès de son père en 1885 et jusqu’à son propre décès restera très actif à Terre Neuve; il arma en tout xx navires pendant 18 ans ; il poursuit toutes les activités en pratiquant le long courrier et la pêche à Terre-Neuve. En 1891, il est noté avoir pêché avec 14 hommes et 1 600 casiers un total de 123 000 homards conservés en 640 caisses de 48 boites, chacune de 600 grammes. En 1865, Auguste L. avait épousé Clémentine HOVIUS, la fille de Ludovic dit Louis HOVIUS président  du tribunal de commerce  et armateur lui même à Terre Neuve avec un établissement à Saint-Pierre et un autre sur l’île Rouge ; il eut trois enfants Francine, Auguste et Ludovic. Au décès de son beau-père en 1894, il s’installe dans la malouinière de La Ballue à Saint-Servan.

Ainsi nous allons savoir que Auguste LEMOINE, frère de Anatole et armateur lui-même, était installé en 1888 à Port-au-Choix avec le « Duc » et l’« Alcyon », à Barbacé avec « Evangéline », à l’île des Sauvages avec « Hippolyte ». Dans le Petit Nord, donc sur la côte Nord-Est, il se trouve au cap Rouge avec « Vauquelin » et « Anatole » et l’« Amélie ».

            En 1890, les sites choisis sont les mêmes, ce qui est la preuve de la permanence des installations, et des habitudes; s’y ajoutent cependant l’île Saint-Jean et la place annexe de l’anse à John Mark: cet endroit était exploité les années antérieures par l’armement de son frère Anatole, désormais disparu; tout près de là, à l’île Saint-Jean, emplacement n° 4, avec une annexe à l’Anse Barée, l’armateur Saint-Mleux aîné et Cie, de Saint-Malo, péchait la morue et le homard à bord du Puget. Ce comptoir et ce navire appartenaient l’année d’avant à Anatole LEMOINE, mais en cet hiver 1889-1890, l’armement dont il s’occupait n’a pas pu maintenir ses activités, suite au décès de l’employeur.

            En fait, en dehors de l’inscription maritime, nous n’avons sur lui que peu de renseignements, si ce n’est la découverte récente d’un petit album photo ; ce petit trésor photographique survient à nous à la fin septembre 2008 par un grand hasard, à notre retour de Terre Neuve.

            Nous étions depuis quelques temps en contact avec un habitant de Saint Malo, détenteur d’un certain nombre d’archives, pour la raison suivante : son grand-père avait racheté la malouinière « La Balue » à Saint-Servan ayant appartenu à Auguste Lemoine et à son fils Ludovic, tous deux armateurs ; et celui-ci retrouve dans son grenier un petit album de 19 photographies ayant appartenu à Auguste Lemoine et portant sur la pêche à Port au Choix.

            L’analyse des photos nous oriente rapidement vers la collection Lobrichon publiée sur internet dans le site de la Mémorial University Newfoundland – www.mun.ca/gref/gallery.html - avec les commentaires de Michael Wilkshire complétés pour l’identification par ceux de Irish Gould ; toutes ce photos auraient été prises en 1898 lors de la campagne du Saint-Pierre II, le navire-hôpital de la Société des Œuvres de Mer, par le médecin de bord, le docteur Dubois Saint Sévrin.

            Régis Lobrichon que nous avons contacté est un antiquaire-brocanteur de la région de Auray (Morbihan) qui aurait sauvé de la décharge publique un certain nombre de photos (34 sur internet) détenues jusqu’alors soit par la famille du docteur Dubois Saint Sévrin soit par celle d’un ancien administrateur de la Société des Œuvres de Mer.

            Les deux collections en fait n’en font qu’une seule; elles se complètent ; on a le sentiment que l’album d’Auguste Lemoine a été prélevé sur l’autre série ; mais pourquoi ont-elles été ainsi séparées, d’une façon volontaire ou de pure coïncidence ?

            A cette question, nous avons peut-être un élément de réponse, sans doute hypothétique mais voilà : dans la nuit du 24 mai 1897, c’est à dire l’année précédente, lors de sa première campagne à Terre Neuve, le Saint Pierre II était au mouillage sur les bancs, par temps de brume ; la mer est mauvaise ; la chaîne casse et le navire non manœuvrable est porté par le courant sur le brig Anatole de Auguste Lemoine qui devait assez rapidement couler, bien heureusement sans incidence pour les marins.

            Quelle déplorable situation que celle du Saint Pierre II qui vient donc sur les bancs pour secourir les marins et qui malencontreusement fait couler l’un des navires dépendant de sa surveillance ; quelle gêne pour l’association des Œuvres de Mer, pour ses dirigeants et pour Madame Anatole Lemoine la belle sœur de l’armateur qui était alors la présidente de l’Association, secteur de Saint Malo et Saint-Servan.

            Eh bien, nous avons le sentiment que le petit album fait de photos prises en 1898 a été donné à Auguste Lemoine, comme une sorte de cadeau, de gratitude ou d’excuses ; au-delà des assurances, il fallait faire un geste…

            La deuxième campagne du navire-hôpital le Saint-Pierre II s’était en fait réalisée en 1898 de la façon suivante :

            - parti de Saint-Malo et étant passé à Fécamp, il fit à Terre-Neuve quatre croisières successives, sans anicroche ; il communiqua avec 94 navires, recueillit 7 marins dans sa 1ère croisière, soigna 34 malades, plus 10 autres ramenés à Saint-Pierre, distribua 1380 lettres aux marins de 79 navires lesquels envoyèrent à leurs familles 690 lettres

 

La protection médicale des marins [19]

La protection médicale des marins a été au 19ème siècle un volet important de la réglementation maritime, avec il faut bien le reconnaître des difficultés de mise en œuvre.

A Terre-Neuve, l’ordonnance du 4 août 1819, en même temps qu’elle spécifiait l’embarquement sur les navires de pêche d’un coffre à médicaments, ordonnait la présence à bord d’un chirurgien, toutes les fois que l’équipage dépasserait le nombre de 40 hommes, y compris les mousses

            Le décret du 2 mars 1852 rappelle la mesure et ordonne en plus sur le French Shore la présence d’un chirurgien à terre si le havre de pêche est habité par 50 hommes ou plus, mousses compris.

            La situation des médecins était fort dure : peu rémunérés et mal compris ; les armateurs éludent autant qu’ils peuvent l’obligation ; un décret du 6 février 1889 leur donna gain de cause en supprimant entièrement les chirurgiens embarqués et en confiant aux médecins militaires de la station navale la mission de donner leurs soins aux pêcheurs.

            Quelques armateurs comprirent cependant la nécessité de la mesure et malgré la suppression du décret de 1852, les maisons Guibert, Lemoine et Saint-Mleux de Saint-Malo s’entendirent pour payer chacune 500 francs à 2 médecins, l’un pour la côte-est aux Grands Saints Juliens et l’autre pour la côte-ouest à Port au Choix.

            En 1894, celui de la côte-est hélas se noya en allant par mer visiter un malade ; il fût remplacé pour un an seulement par un ancien étudiant en pharmacie ; celui de Port au Choix rend de nombreux services et il faut louer l’initiative des armateurs qui, sans être obligés par aucun règlement, en font bénéficier leur équipage.

            Il faut aussi et en premier lieu rendre hommage au Docteur Esnault ; trop rarement cité mais jamais nommé dans les rapports de fin de campagne, alors que tous s’accordaient à reconnaître ses qualités et son efficacité.

            Une photo a été prise de lui en 1898 lors de la campagne du « Saint-Pierre » de la Société des Œuvres de Mer; en final et compte tenu de cette situation, il avait été reconnu que le Saint-Pierre était plus utile sur les bancs où les pécheurs étaient très isolés et le travail très éprouvant qu’à la côte de Terre-Neuve où le docteur Esnault rendait déjà de très utiles services.

 

            La question des homarderies

            La pêche et la mise en conserve des homards vont devenir à partir des années 1880 une activité complémentaire non négligeable à celle de la morue.

 

Les campagnes de pêche de 1887 à 1892

Concernant 1887, « A Saint-Servan, trois maisons importantes organisent des homarderies à Terre-Neuve ; Anatole Lemoine armait cette année-là deux navires, le Puget et le Qui Qu’en Grogne ; son frère Auguste Lemoine suivait son exemple à l’île des sauvages ; la maison Guibert en faisait autant au nouveau Port aux Choix et à l’anse de Barbacé, entreprenant en outre la mise du saumon en boîtes … C’est ainsi ce que l’on peut dire des conserves françaises de homard dont plusieurs centaines de mille boîtes furent confectionnées dans cette campagne. » [20]

En 1888, on disait qu’une chaloupe pouvait débarquer jusqu’à 1 000 homards par jour. En cette même année, l’armement de Anatole Lemoine avait pêché pour 64 012 kilos, soit 12 832 kilos par le « QUI QU’EN GROGNE » et 51 180 par le « PUGET ».

En 1889, la production est de 620 (480 ?) caisses soit 23 000 boîtes

Autre renseignement pour cette année-là : 1 254 caisses ont été envoyées sur le « QUI QU’EN GROGNE » provenant de l’Anse Barée pour 886 caisses soit 198 838 homards, et de Castor pour 368 caisses soit 73 741 homards ; en tout 272 579 homards ont été pêchés cette année-là.

Un détail explicatif également : le code télégraphique de l’armement Anatole Lemoine, mis en place entre 1885 et 1889 et qui permettait d’établir secrètement les relations entre l’armateur établi à Saint-Malo et ses capitaines sur les lieux de pêche, avait prévu concernant les activités du Golfe, c'est-à-dire de la côte, une affirmation minimale : « a 50 caisses de homards pêchées et préparées » ; l’affirmation maximale étant « a 3 000 caisses de homards pêchées et préparées » ; une interrogation « Combien pêchent-ils de homards par jour au Golfe ? » ; une réponse minimale « ils pêchent au Golfe 500 homards par jour », une réponse maximale « ils pêchent 11 000 homards par jour ».

En 1891, nous savons qu’il y avait 640 caisses soit 123 000 homards.

En 1892, le rapport de pêche adressé en septembre par le chef de la station navale de Terre-Neuve au ministre de la Marine indique : « La pêche du homard était satisfaisante à la baie de John-Marsh, assez bonne à Port aux Choix, très bonne à l’anse barrée. A cette dernière, la capture atteignait jusqu’à 5 000 homards par jour. Ce résultat est d’autant plus à noter que les fonds, dans cet endroit, largement exploités depuis plusieurs années, et que les homarderies voisines ne font que des pêches fort ordinaires. »

« Les homarderies Shearer, à la pointe de Férolle et au havre de Saunder qui encadrent la baie Saint-Jean, se sont même vues dans l’obligation de fermer vers le 15 août ; la pêche ne couvrait pas les frais, ou du moins les revenus ne paraissaient plus à cet industriel, habitué à de larges bénéfices, suffisamment rémunérateurs…. »

« Le homard a donné d’une façon satisfaisante ; les trois pêcheries qui exploitent ce genre d’industrie sont satisfaites des résultats qu’elles ont obtenus, malgré les temps contraires et le nombre de casiers perdus dans les coups de vent d’ouest, qui ne leur laissaient pas espérer de résultats aussi favorables. »

 

Anatole Lemoine crée l’incident diplomatique

Une conférence faite le 16 février 1888 à la Société de Géographie de Nantes par M. Le Beau, commissaire de la Marine, nous explique le rôle joué par l’armateur :

            « A Saint-Servan même, un armateur intelligent et entreprenant, M. Anatole Lemoine, résolut d’armer un navire, le Puget, qui joindrait à la pêche à la morue l’industrie accessoire de la pêche du homard et de la fabrication des conserves. Il est essentiel, en effet, aussi bien pour la pêche du homard que pour celle du saumon, de ne les considérer que comme annexes de la pêche de la morue qui, seule, donne droit aux primes. On vient de voir que c’est imposé par la nature même, puisque l’appât dont le homard est le plus friand est la tête de morue. M. Lemoine avait pensé faire son opération en participation avec quelques-uns des fabricants de conserves de Nantes. L’accord ne put s’établir et il agit seul, procédant avec le plus grand secret, afin de ne pas nuire aux négociations qui étaient alors pendantes avec le gouvernement britannique en vue de la ratification de la convention de pêche soumise au Parlement de Terre-Neuve. »

            « M. Lemoine installa son usine à l’île Saint-Jean, dont il avait la concession, mais il construisit une cheminée en briques. Emoi et protestations des Anglais réclamant l’exécution des traités, lesquels n’admettent, nous le savons, que des constructions temporaires. Après un arrêt, la fabrication put reprendre sans donner lieu à contestations. Le commandant de l’aviso français le Drac était intervenu et avait dû exiger que satisfaction fût accordée aux réclamations anglaises. »

            « Une indemnité fut demandée au gouvernement français par M. Lemoine pour le trouble apporté à ses opérations. Sur le refus opposé par le gouvernement [21] , la question fut portée à la tribune du Sénat par M. le vice-amiral Véron, sénateur d’Ille-et-Vilaine. Le Ministre des affaires étrangères expliqua les faits et fut amené à déclarer que le droit de pêche des Français s’étendait bien non seulement à la morue, mais à toute espèce de poisson, y compris les crustacés. »

            « L’opération, même avec ces contretemps, ne fut pas infructueuse pour M. Lemoine, et, grâce à sa tentative hardie, on put voir enfin mettre en vente des boîtes de conserves de homard avec une marque réellement française : deux drapeaux nationaux croisés [22] . La concurrence était ainsi déclarée aux produits anglais, aux indigestes Fresh-Lobsters qui inondent le marché français… »

 

L’incident créé par Anatole Lemoine pour avoir construit une cheminée de briques est repris par Robert de Loture dans son ouvrage « Histoire de la Grande Pêche de Terre-Neuve » de la façon suivante :

« En cette même année 1886, un armateur français, M. Lemoine, créait à l’île Saint-Jean un de ces établissements (une homarderie). Celui-ci fût constitué par des baraquements en bois ; mais le four destiné à la cuisson des homards entraîna la construction d’une cheminée en briques. Il n’en fallut pas plus pour motiver, à l’instigation du gouvernement de Saint-John’s, une protestation du cabinet de Londres, sous prétexte qu’un établissement de caractère permanent avait ainsi été créé au French Shore, en violation des traités. Force fût au gouvernement français de s’incliner. M. Lemoine dû raser sa cheminée de briques. Il la remplaça par une cheminée mobile en tôles et continua son exploitation au cours des saisons suivantes [23] . »

« En revanche le gouvernement français donnait des ordres rigoureux au commandant de la station navale afin qu’aucun manquement au statut du French Shore ne fût toléré à l’avenir. Il exigea même la fermeture de plusieurs homarderies terre-neuviennes, en particulier celle qui avait été établie par un sieur Shearn (Shearer) dans la baie d’Igornachoix. » [24] .

 

Depuis la fin de la pêche à la côte

Depuis 1904, les français ne viennent plus dans la région ; les navires ont à leur départ emporté le maximum de matériels et d’installations avec eux ; tout ce qui avait dû être laissé sur place servira aux insulaires comme bois de récupération ou de chauffage ; l’anse de Port au Choix et celui de Barbacé que les français occupaient sont aujourd’hui déserts ou presque ; seules des fouilles archéologiques permettent de retrouver quelques fragments ou artefacts de ce qui avait existé : des clous en fer forgé, des pipes en terre, des perches le long des rivages pour accrocher des lampes à huile, les bases d’un four à pain, des pavages servant de chemins ou de limites de graves, une plate-forme de pierre servant à faire sécher le poisson.

Un four à pain français de même qu’une chaloupe basque ont été reconstitués par une association locale ; le centre d’interprétation de Port au Choix regroupe grâce au dévouement et à la générosité de Stella Mailman un certain nombre d’éléments sur la pêche française dans la région : des pipes en terre, un poids de plusieurs kg, une balance, un marqueur de caisse, des petites boules ovoïdes en verre soufflé du 18ème siècle ayant servi de flotteurs de filets, un jouet d’enfant consistant en un âne à roulette, en plus de quelques documents, cartes ou photos.

Et que l’on se souvienne un peu de ce qui s’est passé ici pendant deux siècles, là où Jacques Cartier n’avait fait que passer deux fois [25] , là où Louis XIV devait céder la domination territoriale [26] , les malouins courageusement, inlassablement, continuèrent encore longtemps à pêcher la morue, à l’ébreuiller, la décoller, la trancher, l’énocter, à saler et enfin sécher le produit qui sera nécessaire à l’alimentation de tous les français et d’une bonne partie de l’Europe.

En mémoire à cette pêche lointaine, difficile mais exaltante, en mémoire à nos marins courageux et méritants pour tout le travail accompli, n’oublions pas cette page d’histoire ; la nostalgie n’est pas nécessaire, seulement la reconnaissance…

 

                                                                                  Yves Duboys Fresney

 



Notes :

[1]  Voir le livret de Selma Huxley Barkham « The Basque Coast of Newfoundland ».

[2]  Dès 1504, les bretons allaient pratiquer la pêche à Terre Neuve ; les premières arrivées eurent lieu en 1504-1506 ; puis un élan général à partir de 1510 ; les marins du Dahouet y étaient en 1510 ; des fécampois sont cités en 1517-1520 ; le séchage de la morue existait sur le sillon à Saint-Malo en 1519 ; vers 1520, la flottille venant du vieux continent comptait une centaine de navires ; avant même 1525, les expéditions devenaient régulières…

[3]  Conférence de M. Harvut à la Société d’Archéologie de Saint-Malo en 1900 (bulletin 1900 pages 45-51).

[4]  Les outport n’étaient accessibles que par la mer ; les îles étaient donc les premières terres accessibles ; pour la pêche au doris et à la rame, elles étaient également les plus proches des lieux de pêche

[5]  Le nom de la baie et de l’île Saint-Jean viendrait plutôt des basques de par exemple Saint Jean de Luz que de Jacques Cartier qui n’était pas dans ce secteur le 24 juin 1534, jour de la Saint-Jean.

[6]  Voir Charles de la Morandière tome 2 page 721.

[7]   Le mot "paléo-esquimaux" désigne les groupes d'Autochtones qui ont vécu dans l'est de l'Arctique de l'an 4000 à l'an 900 environ avant aujourd'hui (A.A.). Il sert à distinguer ces groupes des Inuit modernes qui ne sont pas leurs descendants directs. Des vestiges d'établissements paléo-esquimaux ont été découverts du Groenland et de l'île d'Ellesmere dans l'Arctique jusqu'aux rives de la baie d'Hudson et du Labrador et dans l'île de Terre-Neuve.

[8]  Georges Charles Cloué, capitaine de frégate, commandant de l’aviso à vapeur le Sésostris, assisté de Jehanne et Miot, lieutenants de vaisseau, Lecorre et Bayot enseignes de vaisseau ; c’est à bord de ce navire qu’une commission internationale pour les pêcheries de Terre-Neuve embarque à Port Sanders le 5 juillet 1859 pour visiter Port au Choix et l’île Saint-Jean.

[9]  La pêche à la morue par M. Bronkhorst 1927 ; propos identiques mots pour mots de Robert de Loture dans Histoire de la Grande Pêche à Terre Neuve écrit en 1949 chez Gallimard.

[10]  Charles de la Morandière tome 1 page 165.

[11]  François Leconte – Mémoires pittoresques d’un officiers de marine – volume I p 180-196 – Un petit tableau de la côte ouest en 1817 – cité par Ronald Rompkey dans Terre-Neuve – Anthologie des voyageurs français en 1814-1914 -

[12]  Charles de la Morandière tome 3 pages 1159-1160.

[13]  Voir A History of Newfoundland from the English, Colonial and Foreign Records par D W Prowse – 1895 – page xxx

[14]  Egalement à l’île Fichot à Grands Saints Juliens et à Croc sur la côte est de Terre Neuve

[15]  Egalement à Cap Rouge sur la côte est

[16]  André Salles – Autour de Terre Neuve – p 381-391 – Une tournée d’inspection en 1889 - cité par Ronald Rompkey dans Terre-Neuve – Anthologie des voyageurs français en 1814-1914 -

[17]  Charles Cunat, Louis Blaize, Hippolyte Bécot

[18]   Acte de Me Fourmond notaire à Saint-Malo du 5 octobre 1885 

[19] Voir le livre : de l’ethnographie à l’histoire – Les mondes de Carmen Bernand – page 109

[20]  Extrait de la conférence de M. Le Beau

[21]  Au point de vue juridique, l’Etat est responsable de ses faits et de ses actes dans le cadre de la loi, mais pas de la loi elle-même ni des traités qu’il signe par principe dans l’intérêt de ses ressortissants ; donc ici pas d’indemnité à notre connaissance pour M. Lemoine ; les demander est toujours possible mais les obtenir est parfois impossible.

[22]  La marque déposée s’intitulait « Au pavillon français !!»

[23]  Jusqu’à son décès survenu en 1889

[24]  Robert de Loture « Histoire de la Grande-Pêche de Terre-Neuve », réédition page 101.

[25]  Lors de son 1er voyage de 1534, passé le détroit de Belle-Isle, comme le golfe s’élargissait de plus en plus, Jacques Cartier , après la côte du Labrador, voulut en reconnaître la rive opposée ; il vint le 15 juin l’aborder au cap double, la pointe Riche de nos jours, jusqu’à son extrémité, le cap Ray… plus tard lors de son 3ème voyage en 1542, il relâche au havre Saint-Jean et y rencontre Roberval ; il se refuse de remonter avec lui et vient désarmer à Saint-Malo…

[26]  En fait, l’Angleterre prétendait également à la domination de l’île depuis bien longtemps ; dès le 5 août 1583, Sir Humhrey Gilbert avait hissé le drapeau britannique dans la rade de Saint-John et prenait possession de Terre Neuve au nom de la reine Elisabeth 1ère ; les français ne reconnaitront l’occupation britannique qu’en cédant la territorialité au traité d’Utrecht en 1713.

 La France, elle-même, n’invoqua la domination de Terre-Neuve qu’en 1662 lors de la fondation de Plaisance, confirmée en 1696 par Louis XIV.