A Saint-Pierre et Miquelon,

sur l’île aux Chiens,

la chapelle d’Aigremont (vers 1845-vers 1870)

                                                              

Bernard Urbain d’Aigremont, sieur de la Livonnière, est né le 24 mai 1786 à Flamanville dans la Manche (50) ; engagé très jeune dès 1793 sur les terre-neuvas avec son frère Julien Henry (1780-1845), il franchit tous les échelons et deviendra capitaine de vaisseau au long cours puis armateur à Granville et à Saint-Malo ; présent en 1831 à Saint Pierre et Miquelon, il est représenté en 1844 au titre des maisons d’armement métropolitaines par un « géreur » au conseil d’administration  de l’archipel ; son établissement était placé à Saint-Pierre au sud du Barachois où une petite éminence porta longtemps son nom ; il s’installa aussi sur l’île aux Chiens qui ferme la rade de Saint-Pierre.  

 

Marié le 30 octobre 1813 à Granville avec Jacqueline Le Grandais (1786-1850), dont au moins trois enfants : Julie Frédérique née à Granville le 15 septembre 1815, décédée à Saint Pierre et Miquelon le 23 février 1904, mariée à André Paturel capitaine de navires ; puis Pierre Henry d’Aigremont né à Granville le 19 décembre 1816 qui sera capitaine de vaisseau au long cours et également Marie Françoise née à Granville le 14 janvier 1819;

 

Décédé en 1869, à l’âge de 83 ans en son domicile à Longueville (50) et également là inhumé. Officier de la Légion d'Honneur [1] pour avoir sauvé 24 marins anglais, à un retour de Terre-Neuve sur son brick le « Henry » ; médaille de Sainte Hélène [2] et Chevalier de l'Ordre du Lys ; a écrit une histoire de sa vie dont il ne reste que quelques extraits.

 

A Saint-Pierre, sur sa concession de l’île aux Chiens, près de la pointe Lecomte et d’un phare du même nom, il avait fait édifier vers 1845 une chapelle votive ; une autorisation lui avait été accordée pour la construction, les célébrations ainsi que plusieurs événements tels que la bénédiction de la chapelle et le baptême des cloches. Les divers objets du culte y ont été apportés souvent par des dons, il y aurait même eu un "petit tableau" offert par la Reine [3] ; la messe y fut célébrée régulièrement mais pour qu'il y ait un prêtre à demeure il fallait que l'île aux Chiens soit érigée en paroisse. En 1850, un accord de principe était donné par le ministre de la Marine, "moyennant que M. d'Aigremont fasse l'abandon de la chapelle à l'Etat". Le Préfet apostolique de St Pierre répond que M. d'Aigremont "n'attend que la demande ministérielle pour acquiescer à l'abandon de la chapelle".  C’est alors qu’un évènement va survenir et contrarier ce projet :

En 1850, M. d'Aigremont, "en raison de la partance de sa femme se vit dans la nécessité de renoncer à son commerce à Saint-Pierre et Miquelon et de vendre les biens qu'il possédait à l'île aux Chiens". En 1852,  il est écrit que M. Lemoine [4] , "chargé de la liquidation de la Société d’armement d’Aigremont, serait à Paris afin de rencontrer le ministre de la Marine et du Culte, au sujet de la cession de la chapelle de l'île aux Chiens". A l'époque, M. d'Aigremont espérait encore que cette chapelle serait acquise par l'Administration pour devenir une paroisse indépendante de celle de Saint-Pierre. A ce même moment, M. Lemoine reçoit "de la part du gouvernement une demande de restitution de primes bien et dûment acquises, d'un montant d'environ 7.000 francs". Finalement, une autre lettre nous apprend que M. d'Aigremont a vendu tous ses biens, y compris la chapelle, que le propriétaire actuel, M. Lemoine, "n'est guère disposé à faire cession de la chapelle mais qu'il consent à la laisser pour le culte jusqu'à ce qu'on en ait une autre ». La chapelle restera donc privée et un rapport envoyé au ministre conclut à l'inutilité d'envoyer un vicaire qui entraînera une source de dépenses supplémentaires…

Sur le tableau de concession des grèves établi en 1855, il est noté que la grève numéro 15 - et partie de celle numéro 17 avaient été concédées à Bernard Urbain d'Aigremont, en vertu pour la grève 15 d'un acte du 4 février 1840, mais qu’elles étaient alors occupées par l'armement Lemoine de Saint-Malo. Il s'agissait à cette époque-là de François Lemoine qui donc avait été comme d’Aigremont armateur à Saint-Malo, puis son voisin sur les grèves de séchage de la morue de l’île aux chiens, par la suite le liquidateur de sa société d’armement, enfin le cessionnaire de ses installations de pêche… en ce compris la chapelle...

Par la suite, cette chapelle devait disparaître, sans doute battue par les tempêtes et par les affaissements de terrain ; l'église actuelle de l’île aux Chiens fut construite en 1872 au centre de l’île à son point culminant, et dans cette église se retrouvent encore un certain nombre d'objets venant de la chapelle d'Aigremont dont la cloche. A la pointe Lecomte, il ne subsistait alors plus qu’un phare...

                                                                                                                      Y.D.F.

Le phare de la pointe Lecomte sur l’île aux Marins – ex île aux Chiens -

Sources :

-          Mémoire rédigé par le Père Jouan de la Congrégation du St-Esprit ayant pour origine des correspondances échangées entre les prêtres arrivés à Saint-Pierre et leurs supérieurs à Paris, ainsi qu'avec l'administration locale et le ministère de la Marine, non publié.

-          Ouvrage de Thérèse Claireaux  intitulé "Quarante ans de l'Histoire religieuse des îles Saint-Pierre et Miquelon 1816-1855" publié le 5 novembre 2016 aux éditions Yellow Concept

-          M. Marec « Dissertation sur la Grande Pêche à Terre-Neuve »

-          Charles de la Morandière « Histoire de la pêche française de la morue dans l’Amérique septentrionale », tome 3 pages 1147, 1286 et 1294 -

-          Archives de l’armement Lemoine tenues par Yves Duboys Fresney

-          Site internet de généalogie Geneanet, famille d’Aigremont



[1]   ne figure pas sur la base Leonore.

[2]   ne figure pas sur la liste des médaillés de Saint Hélène

[3]  sans doute la reine Louise-Marie-Amélie de Bourbon-Sicile, princesse des Deux-Siciles (1782-1866),    épouse du roi Louis-Philippe.

[4]  François Guillaume Lemoine (1799-1885)