Acheter une forêt

au moyen de deniers détenus par une société de capitaux (holding)

 

Cette situation finalement assez fréquente mérite quelques explications : il arrive que certains dirigeants d’entreprise, approchant de l’âge de la retraite, pour des raisons autant affectives que financières, s’intéressent à la forêt.

Alors, on cherche une forêt, puis on en visite et un moment donné on trouve ; il faut d’ailleurs aller vite parfois, car le marché est porteur et les perles sont rares …

L’achat est donc souvent spontané, mais très rapidement se pose la question de la qualité de l’acquéreur : faut-il que ce soit le dirigeant qui a manifestement la volonté d’acheter ou bien la société holding qui détient les fonds nécessaires à l’achat ?

 

L’achat par la société holding :

 

Ici, le financement est assuré ; une délibération de l’organe de direction suffirait pour donner pouvoir en vue de l’acquisition ; encore faudrait-il vérifier que la possession d’une forêt entre bien de l’objet social de la société …

 

Malgré cette apparente facilité, nous émettons deux objections :

-        Le régime fiscal de faveur concernant les forêts ne s’applique pas à celles détenues par des sociétés à l’IS ; le revenu des coupes est taxable ; les réductions ou déductions d’impôts sur le revenu – DEFI-Forêt - ne s’applique pas ; les exonérations des ¾ des droits de mutations à titre gratuit ou IFI ne s’appliquent pas ; il faut par contre rechercher en remplacement les exonérations « pour outil de travail » ou les pactes Dutreil …

-        La forêt une fois acquise consistera en un actif d’une société soumise à l’IS ; le problème de retrait des fonds ou d’actif d’une société à l’IS n’est pas résolu, il est seulement reporté ; il faudra dans l’avenir se pencher à nouveau sur le problème du retrait de la forêt …

 

L’achat par le dirigeant

 

L’achat par le dirigeant lui-même parait tout à fait logique.

Celui-ci pourra acheter soit en son nom propre soit en indivision ou en démembrement avec sa famille, soit dans le cadre d’un groupement forestier.

Ici le régime fiscal forestier de faveur pourra s’appliquer pleinement, sur la plupart des impôts.

 

Les dirigeants hésitent tout de même à retenir cette solution. Ils ont toujours appris à distribuer le moins possible et sont désormais réticents à le faire, même pour l’achat d’une forêt.

La fiscalité affectant le retrait ou la distribution des fonds de la société représente effectivement un frein non négligeable. Examinons le détail de cette opération de retrait …

 

Le retrait des fonds de la société holding

 

Pour aboutir à cet achat de forêt par le dirigeant, il faut mettre juridiquement les fonds de la holding à sa disposition ; il faut effectuer un retrait d’actif en sa faveur.

 

Nous allons nous référer pour cela à une communication du professeur Henri Hovasse :

Voir : https://www.youtube.com/watch?v=6AImXT2PXvI

 

-        Le versement par la société à ses associés de bénéfices, de report à nouveau ou de réserves représente a priori une distribution, laquelle est taxable au prélèvement forfaitaire unique ou PFU de 30%,

 

-        Pour éviter ce PFU, il faut dans un premier temps rechercher les prélèvements non taxés, par exemple les prélèvements sur les comptes courants des associés,

 

-        Puis envisager une réduction de capital, c’est à dire un rachat de droits sociaux par la société suivie d’une annulation des parts ou actions entre les mains de celle-ci.

L’opération est assujettie non pas à l’impôt sur le revenu mais à la plus-value, également au taux de 30% par contre ici la base est, non pas la totalité de la distribution mais seulement la plus-value, soit la différence entre le prix de retrait et la valeur nette comptable de l’actif concerné.

 

-        S’il est possible de réaliser au préalable une donation des droits sociaux, alors cette opération pourra neutraliser la plus-value ; par contre le produit de la réduction de capital revient alors  au donataire et non pas au donateur !

 

-        D’une façon plus affinée, la donation sera faite seulement en nue-propriété avec donc une réserve d’usufruit ; alors la plus-value sera inexistante sur la nue-propriété mais maintenue sur l’usufruit ; et dans ce cas, par contre, le dirigeant usufruitier pourra conserver les fonds au titre d’un quasi-usufruit  que l’on aura pris soin de stipuler dans la donation ; d’après le Conseil d’Etat, par un arrêt de 2017, un tel quasi-usufruit ne constitue pas un abus de droit.

 

Au final, les retraits de capitaux des sociétés à l’IS peuvent se réaliser avec une fiscalité parfois très allégée !

 

Autres solutions :

 

Certains dirigeants ont imaginé d’autres possibilités :

-        Réaliser un prêt des fonds par la société à son dirigeant ; il faut alors que ce prêt soit compatible avec l’objet social de la société ; et puis se conformer aux règles de l’article 101 de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966 sur les conventions passées entre une société et ses dirigeants ; pour éviter le risque de qualification en abus de bien social, il faudra stipulé un taux d’intérêt à la charge de l’emprunteur.

-        Obtenir un emprunt bancaire pour permettre au dirigeant d’acquérir lui-même, prêt garanti par les fonds de la société et remboursé par une distribution échelonnée.

-        Réaliser une « vente à soi-même » avec emprunt bancaire portant sur un autre bien du patrimoine personnel du dirigeant, de façon à lui libérer les fonds nécessaires pour l’achat de la forêt ; cette opération de vente à soi doit être pratiquée avec discernement, surtout dans le cas où l’on souhaite obtenir la déductibilité des intérêts d’emprunt portant sur un bien locatif autre que la forêt [1] .

 

Au final, l’achat d’une forêt se prépare : lire les annonces et les dossiers de vente puis visiter scrupuleusement les lieux semblent très utiles, mais l’organisation préalable , aussi bien juridique que financière, parait autant nécessaire .

 

Y.D.F. octobre 2021

 

Note :



[1]  En effet les intérêts d’emprunt pour achat de forêt ne sont pas déductibles des impôts, du fait que les revenus de cette même forêt ne sont taxables que forfaitairement.