La théorie de l’acte clair
en droit français des contrats
I – Les origines - La présence implicite de l’adage « Interpretatio cessat in claris » parmi les dispositions du Code civil de 1804 relatives à l’interprétation - par Céline Drand -
La prise en considération de la théorie de l’acte clair en matière de contrats n’apparaît pas de manière évidente à la lecture des travaux préparatoires des dispositions du Code civil relatives à l’interprétation.
Néanmoins, plusieurs éléments démontrent la volonté du législateur de limiter l’interprétation au domaine de l’ambiguïté et d’inclure dans le droit des contrats l’adage « Interpretatio cessat in claris ».
Tout d’abord, bien qu’elle n’ait pas été reçue, la demande de l’insertion de la théorie de l’acte clair parmi les dispositions du Code civil est formulée par des juridictions d’appel lors de leur examen du
projet de Code (A).
Ensuite, la prise en compte de la théorie de l’acte clair dans le Code semble avoir été sollicitée par Defermon devant le Conseil d’Etat (B).
Bigot de Préameneu qui répond à cette demande, semble confirmer par ses propos, la présence implicite de l’adage Interpretatio cessat in claris parmi les dispositions relatives à l’interprétation (C).
A) La mise en avant de la théorie de l’acte clair lors de l’examen du projet de Code par les tribunaux d’appel
En 1801, le projet de Code civil présenté par la commission du gouvernement comporte huit articles relatifs à l’interprétation des conventions. Ce sont les articles 52 à 59 du Titre II, « Des contrats, ou des obligations conventionnelles en général », du livre III « Des différentes manières dont on acquiert la propriété » (1).
Le projet de Code civil est, tout d’abord, soumis à l’examen du Tribunal de cassation et des juridictions d’appel (2). La juridiction suprême ne fait aucune allusion à la théorie de l’acte clair dans ses
1 Pierre-Antoine Fenet, Recueil complet des travaux du Code civil, Paris, Videcoq, 1836, tome 2, pp. 167-168.
2 Sur les différentes étapes de discussion et d’adoption du Code civil de 1804, cf. notamment l’ouvrage de Jean- Louis Halpérin, L’impossible Code civil, Paris, P.U.F., collection « Histoires », 1992, pp. 272 à 275.
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remarques à propos de l’interprétation des conventions (3). La question de la limitation du pouvoir de l’interprète en cas de clarté de l’acte est, par contre, soulevée par les tribunaux d’appel de Lyon et de Grenoble.
Les deux juridictions remettent en cause la formulation trop générale de l’article 52 qui deviendra l’article 1156 du Code civil. Cet article est relatif à la primauté de la volonté sur la lettre de la convention. Il dispose que l’« on doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plus que le sens grammatical des termes. ».
Pour le Tribunal d’appel de Grenoble, il convient d’insérer formellement dans cet article la réserve de la théorie de l’acte clair.
Une phrase au sens clair, selon cette juridiction, ne doit pas pouvoir être interprétée. Les juges grenoblois invoquent comme fondement à cette limitation l’adage latin Cum in verbis nulla est ambiguitas, non debet admitti voluntatis intentio (4).
La même restriction est mise en avant par le Tribunal d’appel de Lyon. Cette juridiction propose cependant une solution différente de celle du Tribunal d’appel de Grenoble. Pour les juges lyonnais, la théorie de l’acte clair doit se révéler a contrario des dispositions du Code civil. Ils proposent de préciser dans l’article 52 le caractère obscur et douteux de la convention à interpréter. L’interprétation ne doit être considérée comme pouvant être mise en oeuvre qu’à l’égard des actes ambigus. Ainsi, a contrario, les clauses claires échappent au pouvoir d’appréciation du juge (5). La modification proposée par la juridiction d’appel lyonnaise montre le caractère implicite que peut revêtir la théorie de l’acte clair pour les juristes de l’époque.
3 La seule modification effectuée concerne l’article 59 du projet : « Lorsque dans un contrat, on a exprimé un cas pour le doute qu’il aurait dû faire naître sur le point de savoir si l’obligation s’y étendait, on n’est pas censé avoir voulu par là restreindre l’étendue que l’engagement reçoit de droit aux cas non exprimés ». « La commission a trouvé dans l’article du projet quelque chose d’obscur, qu’elle a cherché à rendre plus clair dans une rédaction qu’elle suppose être dans le même sens », cf. Pierre-Antoine Fenet, op. cit., tome 2, observations du Tribunal de cassation, p. 587.
4 Pierre - Antoine Fenet, op. cit., tome 3, p. 560 : « Il conviendrait d’ajouter à cet article : “Cependant, lorsque le sens d’une phrase est clair, on ne doit pas l’interpréter” Cum in verbis nulla est ambiguitas, non debet admitti voluntatis intentio ».
5 Pierre - Antoine Fenet, op. cit., tome 4, p. 134 : « On ne peut interpréter que dans le cas où le sens grammatical présente quelque chose d’obscur et de douteux; on propose de rayer et de substituer : « On doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, pour interpréter ce que le sens grammatical peut présenter d’obscur et de douteux ».
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Les remarques émises par ces juridictions d’appel ne sont cependant pas décisives quant à la prise en compte de la théorie de l’acte clair. En effet, aucune des modifications de l’article 52 proposées par ces tribunaux n’est finalement retenue. Cependant, le débat autour de l’article 52 n’est pas clos. Les termes utilisés dans cette disposition font encore l’objet d’un certain nombre de critiques devant le Conseil d’Etat.
B) La primauté de la volonté clairement exprimée selon le conseiller d’Etat Jacques Defermon
Conformément à la Constitution de l’an VIII, le projet de Code civil est ensuite soumis à l’examen du Conseil d’Etat. Cette étape a été cruciale. Elle a duré près de trois années (6).
Les débats sur les règles d’interprétation des conventions, qui ont lieu le 3 novembre 1803, sont limités. Seul l’article 52 est discuté.
Les autres dispositions sont adoptées sans difficulté (7). À propos de l’article 52, Defermon remet en cause l’emploi des termes « sens grammatical ». Pour le conseiller d’Etat, ce sens « ne présentant que des idées claires doit être préféré à une simple présomption d’intention. ». Il ajoute qu’« en mettant en question une volonté clairement exprimée, on parviendrait souvent à éluder l’intention des parties, sous prétexte de la mieux saisir » (8).
Dans ses « Etudes sur l’interprétation des conventions », parues en 1947, Edouard de Callataÿ avançe que, par ces propos, Defermon n’a pas entendu mettre en avant la théorie de l’acte clair. Pour cet auteur, Defermon aurait seulement souligné la nécessité que la volonté présente un caractère suffisamment clair pour pouvoir être retenue comme critère d’interprétation. A travers cette remarque, Defermon a,
6 Cf. Jean-Louis Halpérin, op. cit., p. 273 : « L’étape suivante fut l’examen du projet au sein du Conseil d’Etat à partir de messidor an IX. Sur bien des points, cette discussion, qui s’étala sur presque trois ans et 107 séances, dont 55 présidées par Bonaparte, fut déterminante ».
7 Pierre-Antoine Fenet, op. cit., tome 13, discussion du Conseil d’Etat, procès-verbal de la séance du 11 brumaire an XII, du 3 novembre 1803, p. 67 : « Les articles 53, 54, 55, 56, 57, 58 et 59 sont adoptés ».
8 Pierre-Antoine Fenet, op. cit., tome 13, p. 67.
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selon Callataÿ, voulu préciser qu’il ne faut pas renoncer au sens grammatical des termes de la convention pour lui préférer une simple volonté présumée. Par contre, si la volonté présente un caractère suffisamment clair, elle doit prévaloir sur la lettre de la convention même en cas de clarté de l’acte (9). Le caractère nécessairement clair aurait ainsi porté sur la volonté des contractants et non pas sur leur expression.
Cette analyse des propos de Defermon ne semble pas devoir être retenue (10). En effet, Maleville, témoin direct des propos de Defermon, précise dans ses écrits, que l’intervention du conseiller d’Etat est bien relative à la théorie de l’acte clair. Il fait, en effet, référence à propos de la remarque de Defermon à l’adage Ubi verba sunt clara, non debet admitti voluntatis quaestio (11).
Il reste à déterminer si l’objection de Defermon a fait l’objet d’un accueil favorable de la part des rédacteurs du Code civil. La réponse qu’apporte Bigot-Préameneu aux propos de Defermon semble indiquer que les auteurs du Code ont inclus de manière implicite cet adage dans le Code civil.
9 Edouard de Callataÿ, Etudes sur l’interprétation des conventions, Bruxelles, Bruylant, Paris, Sirey, 1947, Première étude, IV, n°27, p. 63 : « Peut-on déduire de ceci, comme beaucoup ont cru pouvoir le faire, que M. Defermon s’oppose à l’interprétation d’un texte clair ? Ce qu’il dit dans la première phrase est catégorique et d’ailleurs incontestable. Quant à la
seconde, si on la considère séparément, on doit admettre que son auteur y soulève bien plus un point de droit qu’il ne le résout ; en outre, répétons qu’une volonté clairement exprimée n’est pas synonyme d’un texte clair, puisqu’elle suppose précisément une expression conforme à la volonté ! Si cette seconde phrase n’est qu’un développement de la première, cet argument de texte perd de sa valeur, mais alors il apparaît d’autant plus nettement que c’est seulement de la présomption d’intention que se défie l’orateur, et c’est d’ailleurs sur ce point que se poursuivit la discussion ».
10 Hervé Trofimoff, « Les sources doctrinales de l’ordre de présentation des articles 1156 à 1164 du Code civil sur l’interprétation des contrats », R.H.D., 1994, p. 208.
11 Jacques de Maleville, Analyse raisonnée de la discussion du Code civil au Conseil d’Etat, Paris, 1822, p. 38 : « Ce qu’il y a d’intéressant, c’est l’objection que l’on fit, que lorsque les termes sont clairs, il n’y a pas lieu à interprétation : ubi verba sunt clara, non debet admitti voluntatis quaestio ».
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C) La réponse de Bigot-Préameneu quant à la présence implicite de l’adage « Interpretatio cessat in claris » dans le Code civil de 1804
La réaction de Bigot-Préameneu vis-à-vis des propos de Defermon est essentielle. En effet, selon Treilhard et Maleville, Bigot de Préameneu « a exactement expliqué l’esprit de l’article » (12). À l’objection de Defermon, Bigot Préameneu répond que l’article 52 du Code civil est « fait pour les cas où les termes expriment mal l’intention des parties qui se trouve d’ailleurs manifestée » (13).
Cette réponse a donné lieu, elle aussi, à des controverses. En effet, pour Callataÿ, Bigot Préameneu, par ces propos, n’a pas voulu mettre en avant la théorie de l’acte clair. Le terme de « mal » ne ferait pas ici référence à l’expression contractuelle ambiguë, qui empêcherait de connaître clairement la volonté des contractants. Il serait relatif à une volonté non conforme aux termes éventuellement clairs de la convention (14). Ainsi, l’article 52 et la règle de la primauté de la volonté sur la lettre n’auraient pas un champ d’application limité aux seuls actes ambigus. Ils s’appliqueraient également en cas de clarté de l’acte. Selon Callataÿ, les propos de Bigot-Préameneu auraient uniquement pour objectif de rassurer Defermon quant à la connaissance de la volonté des parties. En affirmant que seule une volonté « manifestée » peut être considérée comme un critère d’interprétation, il aurait rejeté les craintes du conseiller d’Etat quant à la prise en considération d’une volonté seulement présumée. Ainsi, le pouvoir d’interprétation du juge serait limité par le caractère évident que doit revêtir la volonté et non pas par la clarté de l’acte (15).
12 Pierre-Antoine Fenet, op. cit., tome 13, p. 67.
13 Pierre-Antoine Fenet, op. cit., tome 13, p. 67.
14 Edouard de Callataÿ, op. cit., p. 63 : « Il dit, remarquons-le bien, « pour les cas où les termes expriment mal l’intention » et non « pour les cas où les termes sont douteux », ce qui n’est pas du tout la même chose, car des termes expriment mal l’intention des parties, non seulement quand ils sont obscurs ou ambigus, mais aussi quand ils sont, bien que clairs et précis, contraires à cette intention ».
15 Edouard de Callataÿ, op. cit., p. 62 : « Un examen attentif des travaux préparatoires démontre que, si manifestement le législateur s’est préoccupé des abus que pourrait engendrer le pouvoir d’interprétation d’un juge, il a entendu y remédier, non en y soustrayant les textes clairs, comme le demandaient les tribunaux de Grenoble et de Lyon, mais en exigeant une intention évidente pour prévaloir sur eux ».
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Cette analyse du débat semble être confirmée par les propos de Tronchet. En effet, à la suite de Bigot-Préameneu, Tronchet précise que l’intention doit revêtir un caractère suffisamment clair pour autoriser le juge à se détacher de la lettre de la convention (16). La discussion du 3 novembre 1803 porte donc bien selon Callataÿ uniquement sur la connaissance de la volonté et non pas sur son rejet en cas de clarté de l’acte (17). Là encore, cette analyse ne semble pas devoir être retenue. La remarque de Defermon, qui selon Maleville a bien trait à la théorie de l’acte clair, est prise en considération. La rédaction de l’article 52 est modifiée à l’issue de la séance du 3 novembre 1803. Les termes « sens grammatical », synonyme de « sens clair » pour Defermon, sont remplacés par ceux « d’expressions grammaticales » (18). Cette correction n’est cependant pas retenue dans la version définitive du Code civil de 1804. En effet, l’article 1156 dispose : « On doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ».
Ces modifications ont été apportées à la demande de la section de législation du Tribunat (19). Elles tendent à confirmer l’admission de la théorie de l’acte clair par les rédacteurs du Code civil.
16 Pierre-Antoine Fenet, op. cit., tome 13, p. 67 : « M. Tronchet dit que cet article ne peut jamais devenir un moyen de dénaturer l’intention des parties; car ce ne sera pas sur de simples allégations qu’on s’écartera des termes de l’acte, ce sera d’après les indices les plus clairs qu’il n’exprime point la volonté des contractants ».
17 Edouard de Callataÿ, op. cit., p. 64 : « Les indices les plus clairs sont nécessaires ; voilà le point sur lequel insiste Tronchet pour calmer les appréhensions de M. Defermon ; il emploie le mot clair mais c’est pour exiger, dans la prédominance de l’intention sur l’expression, une intention claire, et nullement pour soustraire les termes clairs à cette prédominance. De même, ce qu’il songe à éviter, c’est que l’on puisse dénaturer, non pas les termes d’une convention, mais bien l’intention des parties contractantes ».
18 Pierre-Antoine Fenet, op. cit., tome 13, p. 67 : « M. Defermon demande qu’on substitute les mots expressions grammaticales aux mots sens grammatical ».
19 Pierre-Antoine Fenet, op. cit., tome 13, Communication officieuse à la section de législation du Tribunat, p. 143 : « On dit bien rechercher l’intention, mais non pas rechercher l’expression. La section est d’avis qu’au lieu de ces mots, plus que l’expression grammaticale, il sera mieux de dire plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ».
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Tout d’abord, les termes d’ « expressions grammaticales » sont abandonnés. Ces termes avaient pour inconvénient de convenir plutôt à une lecture globale de l’acte. Ils pouvaient donc correspondre à un acte qui se révélait clair. En leur préférant « le sens littéral des termes », les rédacteurs du Code civil mettent l’accent sur les significations potentielles des mots. Ceux-ci peuvent être susceptibles d’un sens littéral, c’est-à-dire d’un sens propre, mais aussi d’une signification impropre. Dans ce cas, la convention revêt bien un caractère ambigu et est susceptible d’être interprétée. Tel est le sens que semble toujours avoir revêtu l’article 52. En effet, il est précisé dans les travaux préparatoires que cette correction n’a pas modifié le fonds de cette disposition (20). Ainsi, la remarque de Bigot-Préameneu aurait eu pour objectif de rassurer Defermon sur la connaissance de la volonté mais également sur le caractère ambigu de l’acte à interpréter.
Il semble que le rédacteur ait voulu mettre fin à la confusion qu’effectuait Defermon entre le sens grammatical des termes et le sens clair de l’acte dans sa globalité.
Ensuite, la pluralité des sens de la convention à interpréter apparaît également à travers l’emploi des termes « plutôt que de s’arrêter. ». Cette expression fait apparaître l’idée d’un choix entre deux sens possibles et donc l’idée d’une ambiguïté. A contrario, l’interprétation ne saurait avoir lieu en cas de clarté.
Il reste, maintenant, à déterminer les raisons pour lesquelles le législateur de 1804 n’a pas formellement intégré la réserve de l’acte clair parmi les dispositions du Code civil. Ce choix effectué par les rédacteurs semble pouvoir s’expliquer par l’état du droit antérieur au Code civil de 1804.
20 Pierre-Antoine Fenet, op. cit., tome 13, Rédaction définitive du Conseil d’Etat, p. 171 : « Le Tribunat n’a proposé de changement au fond que sur l’article 112…Les autres articles n’ont subi que des changements de rédaction ». - Jacques de Maleville, op. cit., p. 38 souligne le caractère formel de ces changements : « on avait d’abord dit sens grammatical ; dans la discussion, on préféra les termes expressions grammaticales ; enfin on y a substitué sens littéral ».
NDLR : le droit de l’ancien régime étant divisé entre les différentes coutumes provinciales, il est fort possible que cette théorie de l’acte clair figurait dans la coutume de Bretagne, ce dont Defermon, avocat puis procureur à Rennes avait une parfaite connaissance, alors que le texte initial du code civil ne l’avait pas prévue parce que peut-être méconnues des autres coutumes et autres provinces … et autres juristes ….
II - L’arrêt Lubert du 2 février 1808
Arrêt de principe: {Cour de cassation du
2 février 1808}: La cour de cassation abandonne l'interprétation du contrat aux
juges du fond.
Cet arrêt va être complété par un {arrêt du 15
avril 1872, Chambre civile} sous le visa de l'article 1134 C.Civ où la Cour de
cassation se réserve le droit de contrôler et de sanctionner toute dénaturation
du contrat.
La dénaturation est le fait pour un juge
d'interpréter inutilement et inexactement une clause claire et précise,
dépourvue d'ambiguïté.
Cependant, ce principe connait une exception
déterminée par plusieurs arrêt de 1930 et 1931 qui concerne les contrats
d'adhésion: La cour de cassation pour ces derniers se réserve le pouvoir
d'interpréter le contenu du contrat.
III – L’arrêt Cilfit de la Cour de Justice du 6 octobre 1982
1. L'obligation de saisir la Cour de justice des questions d'interprétation du traité et des actes pris par les institutions de la Communauté que l'article 177, alinéa 3, du traité impose aux juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne s'inscrit dans le cadre de la coopération, instituée en vue d'assurer la bonne application et l'interprétation uniforme du droit communautaire dans l'ensemble des États membres, entre les juridictions nationales, en leur qualité de juges chargés de l'application du droit communautaire, et la Cour de justice. La disposition précitée vise plus particulièrement à éviter que s'établissent des divergences de jurisprudence à l'intérieur de la Communauté sur des questions de droit communautaire. La portée de cette obligation doit dès lors être appréciée d'après ces finalités, en fonction des compétences respectives des juridictions nationales et de la Cour de justice. 2. L'article 177 du traité ne constitue pas une voie de recours ouverte aux parties à un litige pendant devant un juge national. Il ne suffit donc pas qu'une partie soutienne que le litige pose une question d'interprétation du droit communautaire pour que la juridiction concernée soit tenue de considérer qu'il y a question soulevée au sens de cet article. En revanche, il lui appartient, le cas échéant, de saisir la Cour d'office. 3.Il découle du rapport entre les alinéas 2 et 3 de l'article 177 du traité que les juridictions visées par l'alinéa 3 jouissent du même pouvoir d'appréciation que toutes autres juridictions nationales en ce qui concerne le point de savoir si une décision sur un point de droit communautaire est nécessaire pour leur permettre de rendre leur décision. Ces juridictions ne sont, dès lors, pas tenues de renvoyer une question d'interprétation de droit communautaire soulevée devant elles si la question n'est pas pertinente, c'est-à-dire dans les cas où la réponse à cette question, quelle qu'elle soit, ne pourrait avoir aucune influence sur la solution du litige. Par contre, si elles constatent que le recours au droit communautaire est nécessaire en vue d'aboutir à la solution d'un litige dont elles se trouvent saisies, l'article 177 leur impose l'obligation de saisir la Cour de justice de toute question d'interprétation qui se pose. 4. Si l'article 177, alinéa 3, du traité oblige sans aucune restriction les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne à soumettre à la Cour toute question d'interprétation soulevée devant elles, l'autorité de l'interprétation donnée par celle-ci peut cependant priver cette obligation de sa cause et la vider ainsi de son contenu; il en est notamment ainsi quand la question soulevée est matériellement identique à une question ayant déjà fait l'objet d'une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue ou que le point de droit en cause a été résolu par une jurisprudence établie de la Cour, quelle que soit la nature des procédures qui ont donné lieu à cette jurisprudence, même à défaut d'une stricte identité des questions en litige. Il reste cependant entendu que, dans toutes ces hypothèses, les juridictions nationales, y compris celles visées à l'alinéa 3 de l'article 177, conservent l'entière liberté de saisir la Cour si elles l'estiment opportun. 5. L'article 177, alinéa 3, du traité doit être interprété en ce sens qu'une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un 2 / 13 23/10/2012 recours juridictionnel de droit interne est tenue, lorsqu'une question de droit communautaire se pose devant elle, de déférer à son obligation de saisine, à moins qu'elle n'ait constaté que l'application correcte du droit communautaire s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable; l'existence d'une telle éventualité doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit communautaire, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence à l'intérieur de la Communauté.
IV – Règles spécifiques : les règles d'interprétations sont en réalité
de simples conseils, et ne lient en aucun cas les juges. Elle se retrouvent aux
articles suivants du C.Civ: (notons que les articles 1156 et 1162 sont les plus
importants et seront donc les seuls détaillés) :
Art 1156 C.Civ => Le juge doit rechercher la
commune intention des parties
Art 1162 C.Civ => Dans le doute, la
convention s'interprète en faveur du débiteur.
Voir aussi Art 1157, 1158, 1160, 1161, 1163
C.Civ.
Cependant il existe des règles spécifiques pour
certains contrats qu'il convient de voir:
*Pour la vente , l'article 1602 C.Civ déroge à l'article 1162 C.Civ : Dans le
doute, la clause s'interprète contre le vendeur.
*Pour les contrats d'adhésion , le débiteur de l'article 1162 désigne celui qui n'a
pas écrit le texte. (principe tiré de la jurisprudence).
*Pour les contrats de consommation , il faut se référer à la loi du 1er février
1995:
=> Les articles 1156, 1161, 1163 et 1164
C.Civ demeurent applicables.
=> L'art L133-2 Cconso remplace déroge
à l'article 1162 C.Civ: En cas de doute, les clauses s'interprètent dans
le sens le plus favorable au consommateur ou au non professionnel. Cependant ce
n'est pas le cas lorsque ce sont des associations de consommateurs qui agissent
en justice.