La responsabilité du propriétaire d’arbres
« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. » Cet article du code civil, 1384 alinéa 1er à l’origine, est devenu 1242 depuis l’ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016.
Le propriétaire d’un arbre est donc présumé responsable du dommage causé par sa chute , sauf dans les deux hypothèses suivantes :
- Délégation de la garde auprès d’une autre personne, d’un entrepreneur d’abattage ou d’un locataire par exemple, mais attention aux termes de la convention de garde ou de location.
- Cas fortuit ou de force majeure, dont l’appréciation est restrictive : il faut un véritable cyclone …
Dans une ancienne jurisprudence, la responsabilité du propriétaire n’était engagée que dans la limite où il pouvait lui être reproché un défaut de surveillance ou d’entretien (Cour d’Appel ? de Paris du 10 décembre 1921). Mais, un arrêt de la Cour de Cassation du 11 juin 1936 pose d’une façon catégorique le principe « qu’il était sans intérêt de rechercher si les arbres qui avaient occasionné le dommage étaient atteints d’un vice ayant déterminé leur chute » et que « le simple fait de la chute d’un arbre, en dehors de toute autre circonstance, ne saurait à lui seul être considéré comme résultant d’un cas fortuit ou de force majeure ».
L’arrêt Franck – Cour de Cassation Chambres réunies du 2 décembre 1941 – définit la garde de la chose comme étant le contrôle, l’usage et la direction de celle-ci ; en l’espèce, il s’agissait d’un véhicule .
Les principales jurisprudences émanant de la Cour de Cassation, concernant cette responsabilité du propriétaire d’arbres, sont les suivants :
I - Cour d’appel de Riom du 21 mars 2002
Cour de Cassation chambre civile 2 du 5 février 2004, N° de pourvoi: 02-15206 - Rejet
De nombreux arbres s'étant abattus à la suite d'une tempête sur un terrain voisin, justifie légalement sa décision de condamner le propriétaire, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, à enlever les arbres tombés, à remettre en état le terrain voisin et à prendre toute disposition pour éviter la chute des arbres se trouvant en position instable, une cour d'appel qui, après avoir constaté que les arbres s'étaient abattus sur une longueur de cent-vingt mètres et une largeur de vingt mètres sur la parcelle voisine, que quarante ares de cette parcelle ne pouvaient plus être exploités, que les arbres étaient encore enracinés, que d'autres menaçaient de tomber, que l'herbe avait poussé à une hauteur d'un mètre, que le sol était brûlé, retient que le propriétaire connaissait parfaitement cet état de fait et qu'il s'était abstenu pendant plus de deux ans de nettoyer le terrain voisin malgré une mise en demeure, ce dont il ressortait que le trouble ne résultait pas d'un cas de force majeure.
II - Cour d'appel de Riom , du 31 octobre 1996
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 22 juin 1999, 97-11.458, arrêt de cassation
Une cour d'appel ne peut déclarer une association responsable de l'accident subi par l'un de ses adhérents, titulaire d'une carte de pêche qu'elle lui a délivrée, ayant été blessé par la chute d'un arbre alors qu'il pêchait en bordure d'un étang, sans rechercher si l'association a manqué à son obligation d'entretien et ainsi commis une faute, alors qu'elle n'est tenue que d'une obligation de sécurité, qui n'est que de moyens.
Précédents jurisprudentiels : à rapprocher : (1°). Chambre civile 2, 1991-04-15, Bulletin 1991, II n° 126, p. 67 (rejet), et les arrêts cités.
III - Cour d'appel d'Orléans
, du 19 février 1986
Cour
de cassation chambre civile 3 du 29 juin 1988, N° de pourvoi: 86-13926 - rejet
Caractérise l'existence d'une cause imprévisible et insurmontable l'arrêt qui, pour débouter une partie de sa demande en réparation des dommages causés à sa propriété par la chute d'arbres implantés sur la propriété voisine, retient que cette chute a été provoquée par un véritable cyclone affectant trente-trois communes déracinant des centaines de chênes .
IV - Cour d'appel de Paris chambre 1 B , du 7 juillet 1983
Cour de cassation chambre civile 2 du 20 février 1985 N° de pourvoi: 83-16145 – arrêt de cassation
Manque de base légale l'arrêt qui, pour déclarer le propriétaire d'un terrain responsable des blessures subies par une victime du fait de la chute d'un arbre situé sur ce terrain mais vendu sur pied à un tiers, se borne à énoncer que la coupe de bois était terminée depuis un mois et que, postérieurement à cette date, l'exploitant ne pouvait plus avoir la garde de quoi que ce soit sur le terrain, sans préciser les conditions dans lesquelles le propriétaire du terrain avait recouvré les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle sur l'arbre vendu.
V - Cour d'appel Aix en Provence (Chambre 6 ) , du 17 janvier 1972
Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 18 juin 1975, 74-10.696 – rejet -
En l’état de dégâts causés à une voiture automobile par la chute d’un arbre, est légalement justifié l’arrêt qui a débouté le propriétaire de ce véhicule de la demande en réparation de son préjudice formée sur le fondement des articles 1382 et 1384 alinéa 1 du Code Civil, contre le propriétaire du terrain sur lequel se trouvait l’arbre, les juges du fond ayant constaté qu’il avait donné ce terrain à bail depuis plusieurs années et ayant énoncé que le locataire ayant l’usage de l’arbre, l’obligation d’entretien et de surveillance lui incombait, le propriétaire n’ayant plus la possibilité de prendre les précautions qui auraient pu s’imposer, d’où il résultait que ce dernier n’avait pas commis de faute de surveillance et n’avait plus effectivement les pouvoirs qui caractérisent la garde.
Précédents jurisprudentiels : CF. Cour de Cassation (Chambre civile 2) 1961-12-07 Bulletin 1961 II N. 842 (2) P. 593 (Rejet) CF. Cour de Cassation (Chambre civile 2) 1966-05-12 Bulletin 1966 II N. 560 P. 401 (Rejet) CF. Cour de Cassation (Chambre civile 3) 1973-03-28 Bulletin 1973 III N. 246 P. 178 (Cassation) CF. Cour de Cassation (Chambre civile 2) 1973-04-05 Bulletin 1973 II N. 135 P. 108 (Rejet) et les arrêts cités.
VI - Tribunal d'instance. Aix en Provence , du 11 juillet 1972
Cour de cassation chambre civile 2 du 13 mars 1974 N° de pourvoi: 72-14601 – rejet -
Le vent et la tempête ne constituent la force majeure que s’ils revêtent un caractère de violence exceptionnelle excédant la normale des troubles atmosphériques auxquels il faut s’attendre dans la région. Statuant sur une demande de réparation fondée sur l’article 1384 alinéa 1er du Code Civil par le propriétaire d’une automobile endommagée par la chute d’une branche d’un arbre planté sur un terrain voisin, les juges du fond, procédant, au vu des éléments fournis par le service météorologique, à l’examen de la vitesse moyenne à laquelle le vent avait soufflé la nuit de l’accident, ont légalement justifié leur décision retenant l’entière responsabilité du propriétaire de l’arbre, après avoir estimé que la chute de la branche n’avait pas constitué pour ce dernier un évènement imprévisible exonératoire.
Précédents jurisprudentiels : CF. Cour de Cassation (Chambre civile 2) 1962-01-05 Bulletin 1962 II N. 36 P. 24 (Rejet) et l’arrêt cité CF. Cour de Cassation (Chambre civile 2) 1964-04-15 Bulletin 1964 II N. 287 (1) P. 217 (Rejet) et les arrêts cités CF. Cour de Cassation (Chambre civile 3) 1968-02-15 Bulletin 1968 III N. 63 P. 52 (Cassation) et l’arrêt cité CF. Cour de Cassation (Chambre civile 2) 1973-06-27 Bulletin 1973 II N. 209 P. 166 (Rejet)
VII - Cour d'appel de Caen , du 29 janvier 1970
Cour de cassation chambre civile 2 du 29 mars 1971 N° de pourvoi: 70-11319 – arrêt de cassation -
L’application de l’article 1384 alinéa 1 du Code Civil suppose avant tout, rapportée par la victime la preuve que la chose a été en quelque manière et ne fut-ce que pour partie, l’instrument du dommage. Dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision, la Cour d’Appel qui, pour retenir sur le fondement de ce texte, l responsabilité du propriétaire d’un arbre sur lequel une personne aurait été invitée à monter pour y cueillir des fruits et qui en était tombée, relève que la chute de la victime, dont le comportement était imprécisé, avait été provoqué par la rupture de la branche sur laquelle elle prenait appui et déduit de cette seule constatation que l’arbre avait été l’instrument du dommage. Précédents jurisprudentiels : CF. Cour de Cassation (Chambre civile 2) 1967-05-25 Bulletin 1967 II N. 195 P. 135 (Cassation) et l’arrêt cité.
VIII – Cour d’Appel de Rouen du 24 novembre 1964, N° 65-11 078
Cour de cassation chambre civile 2 du 12 mai 1966 – rejet -
En
attribuant, sur le fondement de l’article 1384 du Code Civil, la responsabilité
d’un accident provoqué par la chute d’un arbre, à son propriétaire au motif
qu’il l’avait acquis à « ses risques et périls » parmi un lot
d’arbres à abattre et que l’autorisation d'abattage lui en avait conféré le
« pouvoir de commandement », les juges se déterminent par des motifs
qui impliquent nécessairement que le propriétaire avait les pouvoirs d’usage,
de direction et de contrôle, caractérisant la garde. Par suite, ils répondent
aux conclusions faisant valoir que la garde devait être distinguée de la
propriété.
Quelques points complémentaires sont à indiquer :
- L’Etat et les collectivités publiques, propriétaires des arbres sur le domaine public, sont soumis au contrôle non pas de la Cour de Cassation, mais du Conseil d’Etat.
- Un arbre situé en bordure de ligne électrique reste à la garde du propriétaire des lieux, malgré le droit de coupe du concessionnaire, sauf disposition particulière dans le contrat de concession.
En vertu de l'article 12 4 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, E.D.F. dispose pour la protection de ses lignes électriques du droit de couper les arbres qui, se trouvant à proximité de l'emplacement des conducteurs aériens d'électricité, pourraient par leur chute causer des avaries aux ouvrages, ces dispositions n'impliquent ni le transfert de la garde des arbres à E.D.F. ni l'obligation pour lui d'abattre les arbres malades. Ainsi, le propriétaire ou le locataire de ces arbres reste tenu d'en surveiller l'état. Génisses électrocutées par des fils électriques traversant la propriété exploitée par M. B. tombés à terre par suite de la chute sous l'effet du vent d'un arbre situé sur cette propriété et qui présentait des signes extérieurs de pourriture. Défaut de surveillance par M. B. du risque présenté par cet arbre de nature à exonérer E.D.F. de toute responsabilité. (Conseil d’Etat du 3 juin 1981 N° 16656)
- Un arbre classé, inscrit ou protégé est toujours de la responsabilité du propriétaire, mais celle des services de l’Etat parait être aussi engagée, au moyen d’une sorte de garde partagée ! … Sur ce dernier point, nous n’avons pas trouvé de jurisprudence.
Un arbre tombe toujours du côté où il penche !
YDF
Références : « la responsabilité du propriétaire d’arbres » par O de Grandcourt dans la revue forestière française de 1965 numéro 6 page 427.