Le roi des Auxcriniers

 

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"Le Roi des Auxcriniers" dans « Les Travailleurs de la mer » de Victor Hugo (1802-1885).

Plume, pinceau, encre brune et lavis, réserves (418 x 292 mn) vers 1880

Bibliothèque nationale de France, Manuscrits, NAF 247451, fol. 57

Les gravures sur bois de l’édition sont de François-Nicolas Chifflart né à Saint-Omer le 21 mars 1825 et mort à Paris le 20 mars 1901 - peintre, dessinateur et graveur français.

 

En littérature, le roi des Auxcriniers est l’un des personnages décrit par Victor Hugo dans "Les  travailleurs de la mer". Il est représenté comme un monstre marin redoutable habitant la mer de la  Manche.

Mi-homme mi-poisson, son allure est terrifiante : "Une tête massive en bas et étroite en haut, un corps trapu, un ventre visqueux et difforme, des nodosités* sur le crâne, de courtes jambes, de longs bras,  pour pieds des nageoires, pour mains des griffes, un large visage vert, tel est ce roi. Ses griffes sont  palmées et ses nageoires sont onglées."

"Le Roi des Auxcriniers n'est visible que dans la mer violente". Il se tient tout entier hors de l’eau et  comme un fou, entame une danse, à la vue d’éventuels navires en détresse. Il suffit de l’apercevoir  pour faire naufrage aussitôt…

Victor Hugo s'est inspiré d'une illustration représentant le dieu égyptien Bès dans L'Histoire de la caricature antique de Champfleury. Les variantes introduites se bornent aux mains et aux pieds palmés et aux yeux railleurs. Il y a ici adéquation entre le texte et le dessin placé à la fin du chapitre I, I, IV :

"Les ignorants seuls ignorent que le plus grand danger des mers de la Manche, c'est le roi des Auxcriniers. Pas de personnage marin plus redoutable. Qui l'a vu fait naufrage entre Saint-Michel et l'autre. Il est petit, étant nain, et il est sourd, étant roi. [...]. Une tête massive en bas et étroite en haut, un corps trapu, un ventre visqueux et difforme, des nodosités sur le crâne, de courtes jambes, de longs bras, pour pieds des nageoires, pour mains des griffes, un large visage vert, tel est ce roi. Ses griffes sont palmées et ses nageoires sont onglées. Qu'on imagine un poisson qui est un spectre, et qui a une figure d'homme. Pour en finir avec lui, il faudrait l'exorciser, ou le pêcher. En attendant il est sinistre. Rien n'est moins rassurant que de l'apercevoir. On entrevoit, au-dessus des lames et des houles, derrière les épaisseurs de la brume, un linéament qui est un être ; un front bas, un nez camard, des oreilles plates, une bouche démesurée où il manque des dents, un rictus glauque, des sourcils en chevrons, et de gros yeux gais. Il est rouge quand l'éclair est livide, et blafard quand l'éclair est pourpre. Il a une barbe ruisselante et rigide qui s'étale, coupée carrément, sur une membrane en forme de pèlerine, laquelle est ornée de quatorze coquilles, sept par-devant et sept par-derrière. Ces coquilles sont extraordinaires pour ceux qui se connaissent en coquilles. Le Roi des Auxcriniers n'est visible que dans la mer violente. Il est le baladin lugubre de la tempête. On voit sa forme s'ébaucher dans le brouillard, dans la rafale, dans la pluie. Son nombril est hideux. Une carapace de squames lui cache les côtés, comme ferait un gilet. Il se dresse debout au haut de ces vagues roulées qui jaillissent sous la pression des souffles et se tordent comme les copeaux sortant du rabot du menuisier. Il se tient tout entier hors de l'écume, et, s'il y a à l'horizon des navires en détresse, blême dans l'ombre, la face éclairée de la lueur d'un vague sourire, l'air fou et terrible, il danse. C'est là une vilaine rencontre. "

 

Dans le manuscrit, ce texte est une addition du printemps 1865 au chapitre rédigé en juin 1864. C'est en février que naît sous la plume de Victor Hugo le nom d'Auxcriniers.

(http://expositions.bnf.fr/hugo/grands/250.htm )

 

 

 

Le roi des Auxcriniers est un être surnaturel propre à l'île de Guernesey, répertorié par Victor Hugo.

Le plus important de ces très nombreux îlots se nomme Male et sert de résidence à un sultan qui administre tous ces Attalans. Sa hautesse, véritable auxcrinier de l'Océan, aurait trouvé le bonheur dans ses États ; la constitution, dont il est l'auteur, refuse le droit d'entrée à l'or et à l'argent sans son autorisation : la seule monnaie ayant cours est le coquillage dont la mer est l'inépuisable coffre-fort. — (Raymond Maisonneufve-Lacoste, Inde et Indo-Chine: les pays, les évènements, les arts, Paris : Librairie H. Le Soudier, 1893, p. 242)

Étranger à l'île, maladroit dans ses gestes (il aurait péri dans la chaise fatidique sans l'intervention de Gilliatt), c'est l'archange de la blancheur et de la beauté radieuse, un Isaac pour une Rebecca ressuscitée ; Gilliatt, quand il revient des Douvres, s'est au contraire ensauvagé dans l'horrible, dans un animal humain, dans un auxcrinier surgi de l'autre monde. — (Claude Letellier, « Le merveilleux insulaire à travers les Travailleurs de la Mer », dans Île des merveilles: mirage, miroir, mythe : colloque de Cerisy, sous la direction de Daniel Reig, L'Harmattan, 1997, p. 168)

Une solive trouée avec une pierre pour pivot ferme la haie d’un champ ; on reconnaît à de certaines marques les échaliers sur lesquels les lutins et les auxcriniers se mettent à cheval la nuit. — (Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer, tome 1, chez Émile Testard, 1891, p. 25)

 

….. A l'époque où Gilliatt était une des préoccupations de Saint-Sampson, les dernières personnes qui avaient vu le Roi des Auxcriniers déclaraient qu'il n'avait plus à sa pèlerine que treize coquilles … »

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Le roi des Auxcriniers par Chifflart, François Nicolas (Saint-Omer, 21–03–1825 - Paris, 19–03–1901), dessinateur -) Papier aluminé - Paris – 1868

applique ; incrustation - Louvre Collections

Dieu Bès – Collection Musée du Louvre -