Pour une bonne administration des Sociétés Civiles
Les sociétés civiles sont régies par les articles 1845 et suivants du code civil ou CC ; elles ont pour principe d’affecter à une entreprise commune un ou plusieurs biens ou industries (activités) en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter … mais aussi, le cas échéant, de devoir contribuer aux pertes (article 1832 du CC).
Illustration de Robert Seymour dans Pickwick Papers de Charles Dickens
Les statuts régissent les droits et aussi les obligations des associés, fixent les caractéristiques fondamentales, les règles de gérance et de fonctionnement de la société. Il faut s’y référer à tout moment au cours de la vie sociale et, au besoin, ne pas hésiter à les modifier pour rester toujours en conformité avec eux.
La libération du capital : les associés doivent mettre leurs apports, c’est-à-dire leur participation dans le capital, à la disposition de la société (article 1843-3 du CC) ; il ne saurait y avoir société sans apport (Cas Com 13 janvier 2009 n°7-21-704) ; il s’agit d’un élément important dans le mécanisme de la société ; il n’est pas nécessaire ici de libérer le capital immédiatement lors de la création de la société [1] mais à l’extrême, il ne s’agit pas de reporter indéfiniment la libération du capital, de sorte que celle-ci ne se réalise jamais ; un capital élevé peut lors d’une cession de parts « neutraliser » la plus-value exigible, tout et autant que le capital soit bien libéré ; attention aux cessions de parts ou aussi aux liquidations judiciaires lorsque le capital n’est toujours pas libéré …
La comptabilité : les sociétés civiles ne sont en général concernées que par une comptabilité de trésorerie ; dans ce cas, un simple cahier qui retrace les recettes et dépenses suffit. La comptabilité commerciale devient obligatoire lorsque les statuts le prévoient ou lorsque la société prend certaines options fiscales ou dépasse certains seuils. Le fichier des écritures comptables ou FEC devra alors être fourni à la demande de l'administration fiscale.
Tenir une comptabilité va de l'intérêt autant de la société que de son gérant et aussi de ses associés ; le choix d'une comptabilité conforme au plan comptable général (PCG) paraît judicieux.
Les comptes courants : ils correspondent à des mouvements financiers entre la société et l’un ou l’autre des associés ; ils sont positifs à l’associé quand la société en est redevable ; sauf quand la loi l’interdit, ils pourront être négatifs quant à l’inverse exceptionnellement l’associé est le débiteur.
Les comptes courants sont exigibles à tout moment, sauf pour la société à avoir pris à ce propos une décision de blocage ; attention, une telle exigence de remboursement de l’un quelconque des associés pourrait aussi bien mettre en difficulté la trésorerie de la société.
Pour stabiliser la situation, il est tout à fait possible d’incorporer les comptes courants au capital de la société ; encore faut-il en tenir assemblée avec publicité ultérieure de la décision ; les comptes courants peuvent aussi être affectés à la libération du capital non encore réalisée (Cass Civ 3ème ch 28 novembre 2001 et Cass Com 8 novembre 2002).
La tenue des assemblées : l’obligation de tenue des assemblées résulte des articles 1852 et suivants du CC, complétée par les droits des associés de participer aux décisions collectives (article 1844 du CC) et par l’obligation faite au gérant de rendre compte de sa gestion au moins une fois dans l’année (article 1856 du CC).
La tenue d’un registre des délibérations est nécessaire ; il apporte la preuve du bon fonctionnement de la gérance et de la société ; ce point est important en cas de difficulté.
L’imposition des revenus entre les mains des associés : conformément au principe général de l’article 8 du code général des impôts ou CGI, les bénéfices réalisés sont imposés non pas au nom de la société mais au nom personnel de chaque associé ; la période d’imposition est toujours l’année civile, quelle que soit la date de clôture de l’exercice social ; le mécanisme de l’affectation du résultat avec soit la mise en réserve, soit la distribution n’a aucune incidence sur la fiscalité, de sorte qu’il est fréquent de devoir une imposition même sans trésorerie dans la société.
Les revenus tirés de la location des immeubles sont déterminés et imposés selon les règles des revenus fonciers des personnes physiques, exception faite des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés.
La valorisation des parts
- Dans le cadre des cessions à titre onéreux : le prix convenu correspond à l’actif net des biens de la société, soit les actifs bruts évalués à leur juste valeur actuelle – et non pas les valeurs nettes comptable ou bien les valeurs historiques inscrites au bilan – sous déduction du passif réel actuellement exigible, en ce compris les comptes courants d’associés, quand ils sont positifs ; des décotes s’appliquent, de façon cumulative : décote pour occupation des lieux, décote pour mise en société, décote pour il-liquidité (du fait de la présence d’une clause d’agrément).
- En cas de désaccord, le prix de cession est fixé conformément à l’article 1843-4 du CC,
- Dans le cadre des cessions à titre gratuit : on parle ici de valeur vénale, c’est-à-dire du prix que le propriétaire serait censé obtenir si les parts ou les biens avaient été mis en vente (voir ci-dessus).
- Dans le cadre de l’impôt sur la fortune immobilière ou I.F.I. : les méthodes d’évaluation proviennent pour l’essentiel de l’impôt précédent ou I.S.F. ; toutefois certaines dettes de la société ici ne sont pas pris en compte du tout, ou seulement partiellement [2] .
Si les comptes courants viennent bien en déduction de la valeur des parts, ceux-ci ne doivent pas être omis dans les transactions onéreuses ou dans la base imposable des droits de mutation à titre gratuit ou de l’I.F.I.
Les plus-values : il faut distinguer les plus-values réalisées par la société de celles réalisées par l’associé à l’occasion de la cession de ses parts sociales ; les premières sont soumises en principe au régime des plus-values des particuliers ; les secondes, quand la société est à prépondérance immobilière, sont régies par l’article 150UB du CGI : sous réserve de l’abattement pour durée de détention, le taux applicable est de 19% plus prélèvements sociaux.
La publicité au greffe du Tribunal de Commerce : l’immatriculation au greffe est de l’essence même de la société, de sa personnalité morale (article 1842 du CC) ; les modalités de l’immatriculation sont régies par les articles L123-1 et suivants du code de commerce :
- Tout à l’origine, les sociétés civiles n’étaient pas immatriculées ; elles prenaient naissance dès leurs statuts ;
- La loi du 4 janvier 1978, applicable au 1er juillet 1978, impose l’immatriculation à toute société nouvelle, avec une formalité facultative pour les sociétés anciennes.
- Avec la loi du 15 mai 2001, l’immatriculation des sociétés anciennes devient obligatoire, au plus tard le 1er novembre 2002, sous peine de perte de la personnalité juridique.
Une modification des éléments publiés doit faire l’objet d’une nouvelle publication.
Autres formalités :
- L’obligation en vertu du décret numéro 2005-77 du 1er février 2005 de déclarer au greffe l’identité des associés.
- La déclaration annuelle 2072 relative aux revenus perçus au cours de l’année civile (article 46C de l’annexe III du CGI)
- Une toute dernière formalité : la déclaration sur les bénéficiaires effectifs, prévue par la directive européenne numéro 2015/849/UE du 20 mai 2015 pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, sous contrôle des greffes de tribunaux de commerce.
Le respect de toutes ces règles est fait pour passer de bons moments au sein d’une société civile ; et puis aussi pour se prémunir de toutes les difficultés éventuelles – problème de gérance, décès, mésentente, demande de retrait, contrôle fiscal, etc …. avec surtout l’idée d’éviter la fictivité de la société ou encore le défaut d’affectio societatis ….
YDF