Les éoliennes en forêt

 

L’implantation d’éoliennes soulève un certain nombre de problèmes juridiques, selon l’endroit où celles-ci se situent : sur terre ou sur mer, en plaine ou en forêt . En forêt, les points de droit que nous pouvons rencontrer sont les suivants, nous en avons dénombré dix, savoir :

 

Vue aérienne d'un parc éolien en forêt meusienne par Matthieu COLIN -  Photographie MTC1050500 - Divergence images

 

1°) La percée des chemins d’accès aux éoliennes, les dégagements pour les aires d’implantation constituent des défrichements au sens des articles L 341-1 à L 342-1 du Code Forestier ; une autorisation préalable est nécessaire conformément aux articles L 341-1 à L 341-10.

Les autorisations sont différenciées selon que la forêt est soumise ou non à une garantie de gestion durable, selon que la coupe sollicitée est prévue ou non dans un plan de gestion forestière.

Voir la jurisprudence sur les refus de défrichement en présence d’éoliennes : CAA Marseille du 29 mai 2008 – CAA Nancy 9 février 2017 -

2°) La création d’éoliennes apporte la plupart du temps des modifications dans la gestion de la forêt ; il y a lieu alors d’envisager un additif au document de gestion, souvent un plan simple de gestion (PSG)

3°) Un Groupement Forestier ou GF a pour objet la constitution, l’amélioration, l’équipement, la conservation ou la gestion d’un ou plusieurs massifs forestiers ; plus généralement toutes opérations quelconques pouvant se rattacher à cet objet ou en dérivant normalement, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil du groupement.

Doivent être exclus de ses activités :

-        Les actes de transformation des produits forestiers

-        Les actes de commerce ; ces actes entraineraient une option à l’IS du groupement, laquelle est interdite .

-        Les activités rémunérées par un revenu foncier – à l’exception des revenus de la chasse ou des produits directs de la forêt -

4°) A notre avis, un Groupement Forestier – tout comme les Groupements Fonciers Agricoles ou GFA pour ce qui concerne les terres agricoles – devant avoir une activité purement forestière - ou purement agricole - , ne pourra être le bailleur d’une éolienne – ou de son terrain d’assiette –

Concernant les GFA, certaines sociétés d’implantations d’éoliennes demandent aux bailleurs de retirer les parcelles concernées par les éoliennes du patrimoine du groupement et de les attribuer à une société d’une autre forme de type Société Civile Immobilière … d’où un possible imbroglio entre les sociétés et dans leurs comptes courants d’associés …

Les Groupements Forestiers devraient donc être assujettis à ces mêmes opérations : retrait du groupement des terrains concernés et apport à une nouvelle société à créer : en fin d’opération, dans quelques dizaines d’années, il faudra dissoudre cette dernière société et réincorporer les terrains d’assiette au groupement. Il parait curieux que la réponse ministérielle Folliot, ci-après, pourtant bien cadrée dans cette situation, passe à côté de la question …

5°) Toujours à notre avis, un Groupement Foncier Rural ou GFR pourra par contre être le bailleur d’une éolienne car contrairement à un Groupement Forestier, il lui est possible de percevoir des revenus de terres agricoles, des fermages, plus généralement des revenus fonciers.

6°) L’article 88 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, stipule :

« Toute personne morale peut, quelle que soit la mission pour laquelle elle a été constituée, exploiter une installation de production d’électricité utilisant l’énergie solaire ».

Les Groupements Forestiers devraient donc pouvoir bénéficier de cette loi et ainsi exploiter des panneaux solaires – voir sur ce point : https://www.juritravail.com/Actualite/un-groupement-forestier-peut-il-exploiter-une-installation-de-production-d-electricite/Id/4142 .

Par contre, un texte similaire, n’existe pas, à notre connaissance, en faveur des éoliennes.

7°) En présence d’un Groupement Forestier, nous savons que la revente de la forêt peut se réaliser de deux façons : au moyen soit d’une vente immobilière, soit d’une cession des parts du groupement.

En présence d’un Groupement Forestier et aussi d’éoliennes, nous avons vu ci-dessus la nécessité de créer une seconde société ; dans ce cas, la revente de la forêt devient un peu plus complexe ; il est possible de vendre la forêt en conservant la seconde société, ou bien de vendre le tout …

Les sociétés d’exploitation d’éoliennes stipulent souvent dans les baux emphytéotiques des terrains d’assiette, un pacte de préférence à leur profit ; alors comment réaliser la ou les ventes et comment purger ce pacte de préférence ; sachant que l’acceptation par la société éolienne de sa préférence peut très bien remettre en cause la vente de la forêt …

8°) Les sociétés d’éoliennes ont besoin de créer ou d’élargir les chemins d’accès ; les chemins existant, étant de 3 à 4 m de large, sont doublés en largeur pour atteindre 8 à 10 m ; concernant les chemins communaux, l’emprise se réalise sur les riverains forestiers.

Comment gérer cette dualité de droit entre la moitié en longueur sur le domaine privé ou public de la commune et l’autre moitié sur le domaine privé des particuliers mais accessible à tous en tant que voirie unique …

9°) Au niveau fiscal, une location d’éolienne ou de son terrain d’assiette, une location de panneaux solaires provoquent une perte partielle du régime de faveur des bois et forêts (exonération des trois quarts de la valeur pour le calcul aussi bien de l’Impôt sur la Fortune Immobilière ou IFI que des droits de mutation à titre gratuit) .

La perte se réalise seulement au prorata des surfaces : voir Réponse Ministérielle Philippe Folliot, JOAN du 20 mars 2018, question n°5885 ; cette solution parait conforme à la doctrine administrative (BOI-ENR-DMTG-10-20-30, §90) ; par contre, la remise en cause des avantages fiscaux peut porter sur plusieurs années du fait de la remise en cause pour partie  de l‘engagement trentenaire de gestion durable …

10°) En fin d’opération, les éoliennes sont démontées et les terrains sont remis en l’état initial – en partie seulement – Les textes actuels obligent les sociétés éoliennes à réaliser ces remises en état : voir l’arrêté du 26 août 2011, modifié par l’arrêté du 22 juin 2020. Il apparait que, en forêt, certaines de ces installations peuvent être utiles à l’exploitant forestier actuel ou futur : notamment les chemins créés avec toute leur largeur de 8 à 10 m, les empattements dans les virages, les plates-formes de dépôts, les espaces de retournement des grumiers … Les textes d’aujourd’hui sont impératifs et de portée générale, ils ne tiennent pas compte des exigences particulières des exploitations forestières ; ces textes peuvent d’ailleurs être modifiés d’ici la fin des opérations ; une simple opposition motivée, le moment venu, suffira-t-elle pour obtenir gain de cause ….

Ces différents points de droit sont assurément à surveiller lors des pourparlers en vue d’une implantation …

 

                                                                                                                         Y.D.F.

 

Voir :

-        Le Code de l’Environnement, notamment les articles L 181-28-2, L 515-44 à 46, R 515-107 .

-        La revue « Forêts de France » numéro 629 de décembre 2019 : Conseils juridiques : le point sur les éoliennes en forêt : les précautions avant de s’engager par Nicolas Rondeau de Fransylva.

https://www.sitesetmonuments.org/local/adapt-img/1920/10x/IMG/jpg/foret_de_lanouee_detail_des_saignees.jpg?1642263031

La forêt de Lanouée, vue du ciel