Veille juridique

 

2013 : Il existe depuis toujours en France dans les procédures judiciaires deux degrés de juridiction, la première instance et puis l’appel.

            Depuis peu, les plaignants, suggéré par les avocats et largement diffusé par les médias, invoquent couramment et parfois abusivement plusieurs autres recours :

-          La cassation, qui n’est pourtant en fait qu’un recours exceptionnel lié uniquement au nom respect ou à l’interprétation d’un point précis de droit

-          La question prioritaire de constitutionnalité ou QPC qui est entrée en vigueur en droit français le 1er mars 2010, une procédure de contrôle de constitutionnalité sur les lois déjà promulguées dit « contrôle de constitutionnalité a posteriori »

-          La question préjudicielle, un mécanisme qui impose qu'un problème juridique particulier doit d'abord être résolu par la juridiction normalement compétente avant que la juridiction saisie d'un litige dont la solution dépend de celle qui sera donnée à ce problème particulier, puisse statuer au fond ; ce recours est effectué par exemple auprès de la Cour de Justice de l’Union Européenne ou CJUE de Luxembourg qui assure l'application unitaire et correcte du droit de l'Union.

-          Le recours auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ou CEDH de Strasbourg pour non-respect des principes de la Convention Européenne des droits de l’Homme.

2014-1 : La nouvelle loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt est actuellement en cours d’élaboration au Parlement.

            Elle dispose pour ce qui concerne la forêt de trois nouveaux droits de préemption ou de préférence : outre celui déjà connu de l’article L 331-19 du code forestier au profit des riverains, celui de l’article L 331-22 et puis de l’article L 331-24 au profit des communes, celui de l’article L 331-23 au profit de l’Etat …

            Le législateur multiplie donc le nombre de droits de préemption ; en tout, nous en arrivons au nombre de 20 à 30 ; la complication vient surtout du champ d’application spécifique à chacun et puis de leur superposition sur une même opération, avec donc la fixation d’un ordre hiérarchique…

            Et pendant ce temps, d’une part les Pouvoirs Publics parlent tout de même de simplification des règles, d’autre part M Gilardeau professeur de droit rural à Poitiers sollicite un droit de préemption unique qui tiendrait compte à lui seul de tous les objectifs collectifs et prioritaires …

2014-2 : Depuis toujours, les animaux sont sur le plan juridique assimilées à des choses, tantôt des immeubles (articles 522 et 524 du code civil) tantôt à des meubles (article 528) ; ils sont objets de droit et non pas sujets de droit ;

            L’assemblée Nationale, dans le cadre de la loi sur la simplification du droit, a considéré qu’il n’y avait pas lieu de créer pour eux un statut particulier, mais qu’ils possédaient une certaine sensibilité

2014-3 : Un collectif d’employés travaillant à Paris dans la Tour Montparnasse, se plaignant de la présence d’amiante dans l’immeuble, sollicite la Justice et font valoir un « préjudice d’anxiété » ; la rédaction laisse le lecteur apprécier l’ampleur et le réalisme d’une telle demande ; au final, il est possible de dire que les demandes en justice peuvent porter sur tout et contre tout ; nous avons connu successivement les actions contre les actes de gouvernement, contre la responsabilité des Administrations, contre l’Etat (pour faits de guerre, pour assimilation de peuplades comme les aborigènes ou les indiens, etc…), contre la loi, contre les juges eux-mêmes … et puis désormais contre l’anxiété ressentie dans telle ou telle situation.

2014-4 : Qu’est-ce que « L’obstination déraisonnable » : il s'agit de la poursuite des traitements actifs alors que, en l'état des connaissances actuelles de la médecine, ils apparaissent inutiles ou encore que leur bénéfice, en terme de confort ou de qualité de vie, est disproportionné par rapport aux risques, aux désagréments, à la douleur ou à la souffrance morale qu'ils génèrent.

Article 1 de la loi Léonetti du 22 avril 2005 (article L.1110-5 du code de la santé publique) : "Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris".

Qui apprécie ce rapport entre les bénéfices et les risques ?

* Si vous êtes conscient, c'est à vous que revient cette évaluation. A l'issue des échanges que vous avez avec votre médecin, vous estimez ce qui vous paraît être acceptable ou non au regard de vos douleurs, de vos représentations culturelles, sociales ...

En cas de désaccord, vous avez les mêmes recours que dans le cadre de votre droit de refuser les soins .

* Si vous êtes inconscient, c'est le médecin qui vous prend en charge qui réalise cette évaluation dans un cadre défini par la loi.

NDLR : voir à ce sujet le procès du docteur Bonnemaison – acquitté - ainsi que l’affaire douloureuse concernant Vincent Lambert

2014-5 : Le tribunal de Niort a validé le 16 juin 2014 les demandes d’adoption plénière formulées par trois couples de femmes mariées ; le principe d’égalité avec les couples hétérosexuels était invoqué ; le tribunal ajoute qu’il ne lui appartient pas de s’interroger sur le mode de conception de l’enfant et que la décision parait conforme à l’intérêt de l’enfant ; les trois enfants adoptés étaient issus de l’une des femmes mariées et de père inconnu.

NDLR : Le juge ne s’intéresse pas au mode de conception de l’enfant, mais que ferait-t-il en présence d’un clonage humain – article 16-4 du code civil - !

2014-6 : La CEDH a condamné le 26 juin 2014 la France pour son refus de reconnaître la filiation des enfants nés de mère porteuse à l’étranger, la Gestation pour autrui ou GPA ; cette attitude porterait atteinte à leur identité au sein de la société française ; à cause de ce refus, les enfants auraient subi une violation de leur droit au respect de leur vie privée et familiale ; interdire totalement l’établissement d’un lien de filiation entre le père biologique et ses enfants nés de mère porteuse serait contraire à la convention européenne des droits de l’homme ; malgré des conditions globalement comparables, les enfants se trouveraient dans une situation d’incertitude juridique qui les empêchera le jour venu d’hériter dans des conditions aussi favorables que d’autres.

La Cour Européenne ne conteste pas le droit pour la France d’interdire la GPA en vertu d’une « ample marge d’appréciation » mais dit-elle cette marge doit néanmoins être réduite dès lors qu’il est question de filiation, car cela met en jeu un aspect essentiel de l’identité d’un individu.

Les plaignants sollicitaient les tribunaux depuis 14 ans pour faire transcrire dans l’état-civil français les actes de naissance de leurs enfants nés par GPA aux Etats-Unis

NDLR : le juge n’a retenu dans sa décision que la situation de l’enfant et son seul intérêt ; il n’a pas tenu compte et a donc rejeté les autres éléments du dossier, à savoir :

-       L’aspect illégal et porteur de mauvaise foi dans la pratique d’aller chercher à l’étranger à un endroit autorisé la GPA et de revenir en France pour tenter de l’y imposer alors qu’elle y est interdite

-       Le droit pour la France d’interdire la GPA est reconnu mais il est nié dans la décision finale ; le juge parle en présence de filiation d’un droit limité d’interdiction mais on aboutit finalement à une impossibilité, une interdiction d’interdire…

-       En outre, les demandes judiciaires de filiation faites en France pour qu’elles soient recevables, sont enfermées dans des délais précis ; le juge a-t-il analysé la recevabilité en France de telles demandes ; ne serait-il pas en contradiction avec le droit français également sur ce point !

-       Enfin le juge européen n’a pas véritablement motivé ni sa position ni le rejet des arguments contraires.

 

     Attention, un recours est encore possible devant la Grande Chambre de la CEDH …

     Le gouvernement français de M. Manuel Valls n’a pas l’air de vouloir exercer ce recours, alors que de son côté M. François Hollande affirme qu’il ne sera jamais question de légiférer la GPA tant qu’il serait président de la République ; de quoi s’agit-il vraiment, d’une position contradictoire ou bien d’une déclaration présidentielle à double sens que chacun pourrait prendre pour son compte!…

 

2014-7 : l’actualité du régime spécial d’Alsace-Moselle à l’heure de la réforme territoriale

« Les lois du 1er juin 1924 constituent aujourd’hui encore la clé de voûte du droit local. Elles ont mis en vigueur la législation française civile et commerciale, tout en maintenant certaines dispositions de droit local » , relève Eric Sander, secrétaire général de l’Institut du droit local (IDL) alsacien-mosellan, en rappelant que le Lorrain Robert Schuman en avait été le rapporteur de ces « lois d’introduction » , comme député.

Dès le retour de l’Alsace-Moselle à la France, une partie de la législation allemande avait été abrogée et le code pénal réintroduit dans les trois départements. « La Constitution de 1911 avait été supprimée en 1919 » , rappelle le juriste, en glissant qu’elle avait été « plus ou moins bien appliquée par l’Allemagne » , comme l’a montré le colloque de 2011, organisé par l’IDL.

« Couac au Sénat »

« L’essentiel des lois de 1924 subsiste, ce qui montre qu’on peut organiser sur le territoire de la République certaines libertés publiques différemment » , observe Eric Sander. Il en va ainsi du régime local des cultes, de celui de l’assurance-maladie complémentaire, des associations, de la faillite civile, de la justice commerciale, du Livre foncier, sans oublier les deux journées fériées supplémentaires… Toutes particularités auxquelles « la population marque un réel attachement… »

Pour le secrétaire général de l’IDL, « ce droit se modernise et s’adapte aux nouvelles conditions ». « Cela s’est toujours fait depuis 1985 » , rappelle-t-il, en déplorant d’autant plus « le récent couac au Sénat » , la majorité ayant rejeté la proposition de loi présentée par le sénateur UMP André Reichardt, président de la commission d’harmonisation ( L’Alsace de dimanche dernier). « Cela fait six ou sept années de travail qui ont été anéanties » , s’indigne-t-il, en citant l’exemple du repos dominical dans le secteur du commerce. « Les partenaires sociaux d’Alsace et de Moselle, qui négocient depuis 2008, étaient parvenus à un accord le 6 janvier 2014, avec majoration des salaires de 150 % et repos compensateur. Ils demandaient son extension… »

Eric Sander se dit d’autant plus étonné de l’attitude de la majorité socialiste du Sénat qu’ « il s’agissait de mesures purement techniques , pour lesquelles « la commission d’harmonisation avait donné son accord à l’unanimité ».

Le financement de l’IDL

« Il n’était question ni des cultes, ni de la chasse. En permettant aux Chambres de métiers de financer les corporations, on allait vers une harmonisation avec le droit général. Avec la taxe des riverains, il s’agissait de donner aux communes une liberté supplémentaire, en option » , déplore-t-il, en regrettant l’opposition des deux sénateurs PS alsaciens, Roland Ries et Patricia Schillinger. Et d’interpeller la sénatrice du Haut-Rhin : « Madame Schillinger dit sur son blog qu’elle ne veut rien faire à trois mois des sénatoriales. Mais alors on ne fait jamais rien. Elle dit qu’elle veut établir un cadre opérationnel reconnu. Nous attendons… » (*)

Qu’en sera-t-il demain si la fusion entre l’Alsace et la Lorraine entrait en vigueur ? « L’ancien ministre Gérard Longuet propose de l’étendre aux trois autres départements lorrains » , s’amuse le secrétaire général de l’IDL, en faisant remarquer que son président, Jean-Marie Woehrling, est « réservé de manière négative ». Opposé même, à lire sa prise de position (voir ci-contre).

L’une des questions en suspens porte sur le financement de l’Institut. Si la clause de compétence générale des collectivités est supprimée, qui le financera ? « Le Conseil constitutionnel a estimé en 2011 qu’on ne peut pas étendre le droit local historique, mais rien n’empêche le législateur de créer un droit territorial. On l’a fait pour la Corse » , observe Eric Sander, pour qui « le droit local est un outil de dynamisation au service de la région, de la vie économique et sociale. À l’image des autres grandes législations européennes… »

(source : journal L’Alsace du 30 juin 2014)

2014-8 : Une trentaine de couples mariés en 2012 et 2013 à la mairie d’Aulnay sous-Bois vont devoir faire revalider leur mariage par le tribunal de grande instance de Bobigny ; en effet le conseiller municipal qui officiait alors n’avait pas la nationalité française ; or, conformément à l’article L 2122-4-1 du code général des collectivités territoriales créé par la Loi n°98-404 du 25 mai 1998 - art. 9 : « Le conseiller municipal qui n'a pas la nationalité française ne peut être élu maire ou adjoint, ni en exercer même temporairement les fonctions. » dont la fonction d’officier de l’état-civil ; les mariages ainsi prononcés sont nuls, de nullité relative.

NDLR : Cette obligation de nationalité serait semble-t-il aux dires de certains en contradiction avec les grands principes européens ; les notaires qui eux aussi doivent être de nationalité française, sont sur ce point déjà en conflit avec Bruxelles ; et pourtant les maires et adjoints comme les notaires sont des officiers publics délégataires de la puissance publique française ; et pourquoi donc cette dernière ne pourrait-elle en conférant cette délégation exiger parmi les nombreuses conditions requises celle de la nationalité ? Nous ne sommes plus sous le chapitre du respect et de l’égalité des droits des citoyens européens, nous en sommes sous celui des délégations de pouvoir de la Nation en vue d’en assurer leur exercice.

 2014-9 :                                 

                                                          

                                                                       A SUIVRE