L’introduction des jardins à l’anglaise

dans le paysage français

 

 

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Vaux le Vicomte - Stourhead

 

La situation initiale en France

            Les jardins à l’origine étaient de création d’abord médiévale puis de la Renaissance avec une influence marquée en provenance d’Italie (les guerres menées par la France en Italie, de 1494 à 1559, eurent un rôle essentiel dans l’évolution de l’architecture, de l’art mais aussi des jardins de notre pays)

            Les jardins à la Française apparaissent au XVIème puis au XVIIème siècle grâce aux travaux de Boyceau de la Baraudière sur la symétrie (1560-1633), puis surtout ceux de André Le Nôtre (1613-1700) lequel nous livrera les plus beaux modèles, avec les jardins de Vaux le Vicomte puis ceux de Versailles et bien d’autres endroits par la suite, partout copiés en Europe ; on a parlé du génie optique de Le Nôtre et puis du fait qu’il a été souvent copié mais jamais égalé ; sur des espaces préalablement nivelés autour d’un château ou d’une belle demeure et puis d’un axe central, on trace des dessins géométriques avec une symétrie d’allées, de pelouses, de parterres, de couleurs, de miroirs d’eau, des alignements d’arbres taillés, de haies ; l’art topiaire est à son apogée, on parle de broderies, de sculptures végétales ; les compléments architecturaux sont fréquents avec des sculptures, des escaliers, des fontaines ; l’aménagement de terrasses et de balcons permettent d’en recevoir une vue d’ensemble… 

 

         La situation en Angleterre

            Les jardins initiaux sont également d’inspiration soit médiévale soit italienne avec aussi des terrasses qui à toutes les époques suivantes  subsisteront ; puis vinrent les jardins enclos élisabéthains ;

            Le roi Charles II est en exil à la Cour de France dans les années 1650-1660 où il reçoit une influence française laquelle concernant les jardins se répand ainsi :

-          A Wilton House, le tracé de 1632 est français – à l’origine grand jardin de la fin de la Renaissance –

-          A Melbourn Hall, on crée ici en Angleterre l’un des rares jardins à la Française,

-          A Bramham Park (West Yorkshire), lord Bingley conçoit un jardin à la française dans l’esprit de Le Nôtre

-          A Chatsworth, le français Guillet, élève de Le Nôtre, crée un escalier d’eau comme à Marly

-          A Hampton Court, on transforme en 1689 les jardins à la française, avec l’aide de Le Nôtre

-          A Leven Hall (Cumberland), vers 1692, un français disciple de Le Nôtre, Guillaume Beaumont, crée un jardin,

-          A Bicton Park (Devon), un jardin à la française est conçu en 1735, dit-on sur un tracé de Le Nôtre,

           

Le style purement naturaliste, paysager ou anglais  apparaîtra au début du 18ème siècle, avec : William Kent (1685-1748), Charles Bridgeman (1690-1738), Lancelot ou Capability Brown (1716-1783), Humpfrey Repton (1752-1818) et bien d’autres…

-          Claremont Landscape Garden (Surrey) est le plus ancien du genre : créé en 1720 et remodelé par la suite par William Kent,

-          Stone House est dessiné par Charles Bridgeman en 1713, puis réformé à partir de 1730 par William Kent,

-          Studley Royal est conçu entre 1720 et 1740,

-          Stourhead (Wilkshire) est créé en 1740 comme un site pittoresque, inspiré par les toiles de Poussin et Lorrain,

 

C’est ainsi le retour aux jardins naturels pour respecter le « Génie des lieux » : les lignes sont sinueuses, autant les allées que les plantations, les vallonnements sont respectés, parfois accentués, en présence de bosquets et de lacs, de cascades…

On parle alors de transformations paysagères, de paysages informels, ou semi-réguliers, ou traités sur un mode libre, de jardin-prairie… On recherche l’intégration au paysage environnant.

Ce nouveau style correspond à l’arrivée en Angleterre de nombreuses espèces végétales importées par des chasseurs de plantes.

Les plantes utilisées sont : les rhododendrons, les azalées, les camélias, les magnolias, les bruyères, les digitales, les plantes vivaces, les hydrangeas, les roses anciennes ; l’art du green est à son apogée ;

On installe des bordures de plantes herbacées comme à Arley Hall, des parterres à guirlandes comme à Edzell, partout des mixed-borders, des allées de cytises, des jardins aromatiques, des jardins d’eau, etc … On complète par des sculptures et des ornements, on construit des folies, des fontaines, des serres, des rocailles, des bassins, des ponts, des cascades et même des escaliers d’eau ;

L’art topiaire est maintenu près des habitations, avec des ifs taillés ; un retour à l’Antiquité se fait parfois sentir ; la serre remplace l’orangerie ;

En fait, les jardins anglais connaissent au fur et à mesure une évolution esthétique :

-          Au début du XVIIIe siècle, ils composent des paysages évoquant l’Antiquité. Ouverts sur la campagne, ils apparaissent comme un prolongement du jardin. C’est le « jardin anglais idyllique » ;

-          Au milieu du XVIIIe siècle, la composition paysagère se doit d’être sobre et sensuelle. C’est le « jardin anglais sublime » ;

-          A la fin du XVIIIe siècle, le jardin « à l’anglaise » doit comporter des accidents de terrain (vallons, collines, pentes…) et jouer sur un contraste entre éléments peignés (c’est-à-dire réguliers) et sauvages. C’est le « jardin anglais pittoresque » qui devient un genre européen au XIXe siècle :

-          Au XIXe siècle, en Angleterre, le jardin « à l’anglaise » connait des mutations esthétiques sous l’influence de personnalités au tempérament artistique affirmé comme Gertrude Jekyll (1843-1932). À cette période, le jardin « à l’anglaise » se définit plutôt comme un lieu d’expérimentation artistique. Gertrude Jekyll introduit les massifs colorés de vivaces en plates-bandes de fleurs, encore employés et admirés de nos jours sous le nom de «mixed-borders» ; ce type de jardin est qualifié de « jardin bourgeois » ;

Une variante apparait  avec les jardins anglo-chinois…

 

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         L’introduction en France au 18ème siècle

         Au milieu du 18ème, la vogue s’étend au continent ; un premier jardin est créé en France en 1754 par le peintre Watelet ; son ouvrage « essai sur les jardins » paru en 1764 contribue à répandre la mode ;

            Charles Rivière Dufresny (1648-1724), défenseur du style paysager, va jusqu’à proposer à Louis XIV la transformation des jardins de Versailles ;

            Une réaction toutefois apparaît avec Jean François Blondel (1667-1754) qui lutte contre la mode des jardins anglais pour ainsi maintenir le style de Le Nôtre ; les deux styles véritablement s’opposent ; ils vont parfois se retrouver côte à côte dans un même lieu ;

            Hubert Robert est nommé en 1778 dessinateur des jardins du Roi et travaille aux jardins à l'anglaise de Versailles, Compiègne ou Rambouillet.

 

         La généralisation au 19ème siècle

Au château de Fontainebleau, l’aménagement d’un jardin paysager à l’anglaise est dû à Hutault, l’architecte de la grille d’honneur, en 1810-1812. Si l’on sait que Napoléon Ier n’appréciait pourtant pas particulièrement les jardins de ce type, il correspond toutefois à la mode du temps et succède à une série de jardins créés depuis le règne de François Ier. Planté d’essences rares et ponctué de statues, il est parcouru d’une rivière artificielle.

Thomas Blake (1758-1838) est un jardinier écossais travaillant en France ; il contribue à y introduire le jardin anglo-chinois, par exemple à Bagatelle, au parc Monceau ou à Jouy en Josas ; il étudie la floraison forcée des camélias ;

Sous le Second Empire , le jardin anglais devient l’art officiel des jardins et des parcs urbains, dans la continuité des jardins des plantes ; cela sera le travail de Denis Buhler (1811-1890), de Jean Charles Adolphe Alphand (1817-1891)…

Le modèle se répand alors dans toute l’Europe.

            Au 20èmesiècle, l’influence sera maintenue par Laurence Johnston (1831-1934), Harold Pato (1854-1933) puis Russel Page (1906-1985).

 

         La situation actuelle

            En France, les jardins anglais sont nombreux ; ils présentent aujourd’hui une belle maturité et font l’objet d’un attrait important dans les milieux urbains ; généralement bien entretenus, ils sont tous préservés contre l’urbanisation ; ils sont devenus l’une des composantes essentielles de nos cités, à savoir :

-           Angers : jardin des plantes : sur un terrain botanique créé en 1787, et suite à une tempête de 1901, Edouard André créée un parc à l’anglaise.

-        Beaune : le Meix de Citeaux y était installé à l’origine, puis la compagnie de l’Arquebuse ; Jean-François MAUFOUX (1759-1780) poursuivit le projet d’aménagement des buttes entrepris par son prédécesseur Pierre GILLET DE GRANDMONT ; après la Révolution, Jean-Baptiste EDOUARD décida de faire aménager un nouvel espace pour les habitants de la ville : il confia le projet d’un jardin « champêtre et pittoresque » à un architecte dijonnais, Claude Saint-Pierre.

-          Béziers : plateau des Poètes aménagé par Eugène Buhler en 1867

-           Bordeaux : jardin public : sur un premier jardin de 1746, réaménagement en 1856 par L-B Fischer

-           Boulogne-Billancourt : jardin anglais d'Albert Kahn crée en 1900-1910 sur un terrain acquis en 1895

-           Cambrai : jardin Monstrelet avec un kiosque à musique 1867

-           Chantilly : jardin anglais du château, dessiné en 1819 par l’architecte Victor Dubois pour le prince Louis-Joseph de Bourbon-Condé (1736-1818). Il occupe l’emplacement d’une partie des jardins d’André Le Nôtre détruits pendant la Révolution

-           Clermont-Ferrand : jardin Lecoq : les travaux d'aménagement de ce jardin, commencés en 1863, sous l'égide du professeur Henri Lecoq se sont achevés en 1909

-           Compiègne : jardin anglais du château ; dans un vaste jardin à la française projeté par Ange Jacques Gabriel, la partie centrale fut replantée par L.M. Berthault après 1811, sur un mode paysager, avec une forte dominante arbustive

-           Cognac : jardin public : vers 1892, le paysagiste Édouard André redessine le parc en jardin creux avec perspectives et plan d'eau ; lors d’un agrandissement en 1921, Antoine Raymond Clavery est chargé de l'aménagement. Il crée le théâtre de la nature en tirant parti du vallonnement naturel et réussit le mariage des deux jardins en conservant le style d'Édouard André ; plans respectés après la tempête de 1999

-           Dinan : jardin anglais créé en 1852 sur l’ancien cimetière de la basilique Saint Sauveur et aussi jardin de l’EHPAD.

-           Douai : parc Bertin réalisé à l'occasion du démantèlement des fortifications à la fin du XIXème siècle, sur les plans du paysagiste Victor Bérat.

-           Ermenonville : parc Jean Jacques Rousseau : créé par René Louis de Girardin (1735-1808) vers 1770 sur un marais.

-           Fontainebleau : jardin anglais du château par Hutault en 1810-1812.

-           Fontaine-Henry : parc du château : Henry de Carbonnel, marquis de Canisy, hérite du domaine de Fontaine-Henry. Il construit le bâtiment qui abrite la galerie et la Salle à manger et fait tracer un parc à l'anglaise.

-           Le Châtellier : jardin botanique de Haute-Bretagne ; créé en 1847.

-           Lyon : parc de la Tête d'Or par Denis Buhler qui conçoit un parc paysagé, ou jardin anglais, le modèle officiel sous le Second Empire ; ouvert en 1857.

-           Méréville : parc du château, un exemple de jardin à l'anglaise du XVIIIe siècle.

-           Montgaillard – Lot et Garonne –

-           Neuvic : arboretum du château de Neuvic d'Ussel ; parc agricole et paysager à l’anglaise, créé vers 1820, labellisé jardin remarquable.

-           Paris : jardin du Parc Monceau, créé comme parc à fabriques par Louis Carrogis ou Carmontelle, achevé en 1778, modifié vers 1785 par Thomas Blaikie pour leur donner un genre plus anglais.

-          Paris : parc Montsouris : créé par Alphand à l’initiative de l’empereur des Français, Napoléon III, et aménagé entre 1867 et 1878 sur le site d’anciennes carrières de pierre calcaire.

-           Pau : parc Beaumont : aménagé sur la propriété de la comtesse Anna de Noailles en 1878 ; agrandit et redessiné par Henri Martinet en 1898.

-           Rambouillet : en 1779, le duc de Penthièvre créa un jardin pittoresque et magique orné de fabriques, une grotte surmontée d'un kiosque chinois, un ermitage, des canaux se croisant et formant six îles. Ne résistant pas à la mode, le Duc créa un jardin anglais où il fit construire la fameuse chaumière aux coquillages.

-        Rennes : parc du Thabor, aménagé au XIXe siècle par le paysagiste parisien Denis Bühler dans le verger de  l'abbaye Saint-Melaine.

-           Rennes : parc Oberthur : créé en 1863-64 par François Charles Oberthur, dessiné par Denis Buhler.

-           Strasbourg : parc de l'Orangerie ; créé en 1735 par Antoine du Chaffat, puis transformé à l’anglaise en 1830-1848.

-           Valenciennes : jardin de la Rhônelle : date de 1904 et a été dessiné par l'architecte Henri Martinet.

-           Versailles : jardin du Petit Trianon : devenue maîtresse des lieux en 1774, Marie-Antoinette modifie profondément les alentours du Petit Trianon. Un vaste jardin anglo-chinois dans le goût du temps remplace le jardin botanique de Louis XV.

-           Vesoul : jardin anglais de Vesoul : aménagé en 1863 par l'architecte paysagiste Brice Michel, l'espace vert subit plusieurs modifications depuis cette dernière date jusqu'à ce qu'il soit dessiné en jardin à l'anglaise en 1976.

-           Vitré : jardin du parc : à l'origine, ce jardin était une partie du parc du Château-Marie, résidence de la princesse de Tarente, veuve d'Henri-Charles de la Trémoille, baron de Vitré ; en 1867, la mairie approuve un projet de réaménagement dressé par Georges Aumont, architecte paysagiste de Paris.

-         Genève : parc situé sur une parcelle gagnée sur le lac dès 1854, en face de l'Hôtel Métropole, en lieu et place des anciennes fortifications, il est le premier parc genevois aménagé sur le modèle des jardins à l'anglaise.

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Saint Germain en Laye - 1840