L’isolation d’une habitation par l’extérieur

sur un mur en limite de propriété

 

            L’isolation d’une habitation par l’extérieur sur un mur en limite de propriété pose problème. Les règles sur l’urbanisme, avec les lotissements de rues, ont souvent favorisé ces constructions en limite, mais aujourd’hui comment faire pour isoler sa maison au niveau de son mur extérieur, situé en limite de propriété et donnant sur un fonds voisin ; l’isolation est nécessaire voire obligatoire et pourtant l’empiètement chez autrui ne serait-ce que de quelques centimètres est impossible.

            La jurisprudence a du se pencher sur cette question : en voici quelques réponses :

-        Un rapport d’expertise a toujours été nécessaire au juge pour tenter de lever l’opposition du sempiternel : « Oui, vous débordez ! » et « Non, je ne déborde pas ! »

-        Les juges du fonds – les Cours d’appel – sont souverains dans l’appréciation de l’empiètement – Cour de cassation 3ème chambre civile du 11 décembre 2012 –

-        Parfois, la preuve de l’empiètement reproché n’est pas établie ou suffisamment établie – Cour d’appel de Lyon du 5 novembre 1987 confirmé par la Cour de cassation du 7 juin 1989 réf 88-10569 – Cour d’appel de Riom du 30 juin 2011 – Cour d’appel de Paris du 27 janvier 2017 réf 14/24609 confirmant le jugement du Tribunal de grande instance de Bobigny du 6 novembre 2014 - Donc, dans ces différents cas, pas de démolition ; les avis sont insuffisamment précis pour caractériser l’empiètement allégué ; de plus, il n’appartient pas au juge de pallier la carence d’une partie dans l’administration de la preuve en ordonnant une nouvelle expertise.

-        A notre connaissance, seules deux décisions reconnaissent l’empiètement sans pour cela prononcer la démolition – Tribunal de grande instance de Châteauroux du 10 août 2004 et Cour d’appel de Douai du 24 janvier 2013 – Pour ce dernier arrêt, une particularité est invoquée par le fait que le voisin demandeur de la démolition avait acquis son immeuble après l’exécution des travaux donc a priori en connaissance de cause au moment de son achat .

-        Ces décisions ont toutes deux été réformées, la première par la Cour d’appel de Bourges du 12 juillet 2007 réf 04/01592 et la seconde par la Cour de cassation, 3ème chambre civile du 1er juillet 2014 pourvoi n° 13-18506 – Quand l’expert est catégorique pour dire que les travaux empiètent et qu’il n’est pas établi que le voisin ait donné son accord, peu importe la réalité de l’empiètement aussi minime soit-il, le caractère absolu du droit de propriété conduit à accorder au voisin le droit d’obtenir la démolition de l’ouvrage ; selon le cas, la démolition ne se fera qu’en surépaisseur ; le voisin n’est pas davantage tenu de rapporter la preuve d’un dommage distinct ; dans la seconde espèce, l’empiètement étant antérieur à l’achat du bien, et même confirmé par des attestations de précédents propriétaires, il sera inopposable au voisin par défaut de publicité foncière.

Comme on peut le constater, le juge est réticent, quel que soit les circonstances et même pour quelques centimètres, à porter atteinte au droit de propriété, ce dernier étant assez bien protégé par les articles 544 et 545 du code civil.

Une disposition nouvelle pourrait toutefois jeter un trouble dans cette jurisprudence réputée constante ; il s’agit de la loi numéro 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, transcrite à l’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation, suivie d’un décret d’application numéro 2016-711 du 30 mai 2016 sur l’isolation en cas de rénovation des façades et des toitures, retranscrit aux articles R. 131-28-7 et 8 du même code. Compte tenu de ces nouvelles dispositions et obligations, comment le juge va-t-il réagir ? L’obligation devenue légale d’isoler ne manquera pas d’être invoquée dans les conclusions des défendeurs ; alors, sera-t-il toujours autant enclin à protéger de la même manière le droit de propriété ou bien sera-t-il plus tolérant en faveur d’une isolation qui empiète … la jurisprudence à venir sera forcément intéressante.

            (Source : site internet Legifrance)

 

                                                                                                               Yves Duboys Fresney