Le recul des falaises du Pays de Caux
Les changements climatiques font l’objet de nombreuses discussions, un peu partout, dans la communauté des scientifiques, chez les responsables politiques, l’ensemble relayé par les médias et puis dans les villages, les associations, les écoles, les familles, chacun bien évidemment y va de son commentaire…
En France, nous sommes concernés essentiellement par la pluviométrie, le niveau des eaux maritimes et puis les tempêtes ; certains endroits sont effectivement plus sensibles que d’autres, les abords immédiats des cours d’eau, les côtes littorales, les espaces exposés aux grands vents.
Les discussions vont donc bon train ; elles sont nécessaires mais nous avons le sentiment que parfois, elles sont exagérées, inexactes et de temps en temps inutiles. Par exemple, quand le temps est très mauvais, c’est le dérèglement climatique, et quand le temps est doux, c’est le réchauffement toujours climatique ; récemment, la Cour des Comptes remettait en cause les investissements des stations de ski, réputés exagérés compte tenu des changements climatiques ; dans le projet de loi sur l’adaptation des littoraux aux changements climatiques, il est déclaré en préambule qu’un recul de 40 mètres pourrait être enregistré d’ici 2050 sur tout le littoral atlantique[1] … Ici, on discute aussi mais surtout on légifère et on créée une zone de gel, dite « zone d’activité résiliante et temporaire » ou ZART, dont la cartographie sera sans doute confiée au pouvoir exécutif – elle sera donc bien supérieure à 40 m - et où le droit de propriété sera diminué …
L’homme s’est depuis toujours protégé contre les éléments ; il a canalisé des cours d’eau, construit des murs, des digues ; aujourd’hui, il préfère reculer, sans doute parce que les éléments se montrent plus agressifs ;
Des questions essentielles restent nécessaires : quel arbre planter aujourd’hui pour une récolte dans seulement un demi-siècle ou même un siècle ? L’enterrement des lignes électriques face aux tempêtes, le traitement des eaux de ruissellement, etc …
Notre région, le Pays de Caux, est tout spécialement concernée par le recul des falaises ; le sujet n’est pas nouveau, mais tout s’accélère, les évènements, les publications, les chiffres également …
Les évènements récents :
- décembre 2012 à Pourville avec la chute d'une maison
- 2013 à Saint Jouin Bruneval
- 14 août 2015 à Varengeville avec le décès d'un pêcheur à pied
- 25 août 2016 à Saint Martin aux Buneaux
- 23 octobre 2017 à Hautot sur mer
- Le dernier en date : le 3 février 2018 : un éboulis à Etretat
Pour les publications, nous avons :
- Le recul des falaises du Pays de Caux - par Jean Jacques Oni Dit Biot 2001 vidéo du CDDP
- Le recul des falaises crayeuses du Pays de Caux, détermination des processus d’érosion par Alain Henaff, Yannick Lageat, Stéphane Costa et Emmanuelle Plessis, dans la revue Géomorphologie 2002 pages 107-118
- Risques liés aux éboulements de falaises et aux chambres troglodytes par la DDTM 76, avril 2011
- Vitesse et modalités de recul des falaises crayeuses de Haute Normandie, méthodologie et variabilité du recul par Stéphane Costa dans 14ème journée des jeunes géomorphologues en 2014
Et concernant les chiffres du recul moyen de chaque année, les sources sont nombreuses mais pas toujours bien citées :
- Traditionnellement entre 5 et 15 cm par an
- Pour d'autres, entre 8 et 28 cm par an
- Ou encore, 20 cm par an
- De 10 à 50cm moyenne 20cm
- Entre 20 et 30 cm par an (source DDTM 76)
- 50cm entre Veules et Puys
- Entre Antifer et Etretat : 8,8cm par an ; entre Etretat et Fécamp : 13,5cm ; entre Fécamp et Saint-Valéry : 19,7cm ; entre Saint-Valéry et Dieppe : 28,7cm ; entre Dieppe et Le Tréport 19,6cm (source laboratoire Geophen, déc 2000)
- Entre Antifer et Fécamp : 8 à 13cm ; entre Fécamp et Saint Valéry 19cm ; entre Saint Valéry et Dieppe : 21 à 28cm ; entre Dieppe et le Tréport : 18cm (source InterregIlla)
L’élévation du niveau des eaux maritimes fait également l’objet de spéculations, traduites en chiffres :
- Au cours du XXe siècle : de 0,2 à 0,4 mm/an en moyenne
- Autre donnée: élévation moyenne depuis 1992 de 2,9±0,4 mm/an
- Elévation actuelle : environ 1,8 mm/an
- Autres données : élévation pour 2100 : entre 18 et 38 cm au mieux, 26 à 59 cm au pire ; certains ont osé prétendre à 1 mètre !
- Si tous les glaciers et les calottes glaciaires devaient fondre, l'élévation du niveau de la mer serait d'environ 0,5 m ; la fonte de l'inlandsis du Groenland produirait 7,2 m d'élévation du niveau, et la fonte de l'inlandsis de l'Antarctique en produirait 61,1 m ; l'effondrement du réservoir intérieur immobilisé de l'inlandsis de l'Antarctique Ouest augmenterait le niveau de 5 à 6 m[]. – source Wikipédia -
Ces chiffres sont-ils donnés pour nous éclairer ou bien pour nous faire peur : l’hypothèse de fonte totale des glaces n’est-elle pas une simple vue de l’esprit ; les chiffres indiqués tiennent-ils compte du surcroit d’évaporation dû à l’accroissement de la quantité d’eau ? En vérité, les spécialistes reconnaissent à ce jour ne pas savoir calculer les quantités d’eau contenues dans les océans ; l’on sait déjà les difficultés rencontrées par d’autres spécialistes pour le calcul dans les années futures de la population mondiale !
En fait, il est assez difficile d’établir des données fiables par comparaison du passé et du présent pour conclure quoi que ce soit sur le futur, que ce soit sur le niveau des eaux, la pluviométrie et aussi la force des vents.
Les données actuelles sont effectivement les plus sûres, mais celles d’autrefois le sont beaucoup moins, elles n’ont jamais été généralisées ni systématisées[2] ; les données futures sont forcément hypothétiques, l’on est malheureusement presque sûr que la courbe ne sera pas linéaire, mais évoluera à la hausse dans une proportion en fait inconnue ; les experts proposent souvent une hypothèse la plus basse[3] et puis une autre la plus haute, mais celles-ci vont en fait du simple au double…
Attention, ne pensons pas toujours à une progressivité systématique ; certaines années ont aussi été en régression dans les données ; et puis pour ce qui concerne le recul des falaises, les calculs tiennent-ils compte d’une période de stabilité due justement aux éboulements survenus : nous voulons dire que à ces endroits-là, la falaise n’est plus attaquée par la mer, elle n’est plus vive, elle est protégée et donc se repose[4] jusqu’à ce que l’amas se trouve résorbé, ce qui peut durer plusieurs dizaines d’années …
Les spécialistes s’attachent à l’analyse des falaises vives, mais c’est plutôt à celle des galets qu’il faudrait se pencher, leur quantité, leur parcours, leur rôle dans la protection des pieds de falaise …
Le problème de l’extraction des galets a été réglé par une interdiction ancienne de 1975 ; mais il y a depuis l’extraction des graves en haute mer ; y a-t-il une incidence ou pas sur l’attaque des falaises par la mer ; ce point a-t-il été vérifié ?
Les épis pour stabiliser et maintenir les graves ou sédiments ne sont plus pratiqués ; certains même les déconseillent car il faudrait laisser la nature évoluer sans intervention humaine …
L’on peut aussi se poser d’autres questions ; on parle beaucoup des « points tendres », mais ne pourrait-on pas parler aussi des « points durs » ? Quand donc l’arche de la porte aval d’Etretat disparaitra–t-elle [5] ? Il y a évidemment des endroits plus résistants que d’autres, notamment les parties des côtes en avancées sur la mer ; depuis les premières photos ou cartes postales, ou encore depuis les peintures de Monet, l’arche a-t-elle subi des modifications ?
Soyons vigilants sur l’évolution de la nature, mais soyons le aussi sur les commentaires que l’on en fait, soyons prudents sur les prévisions du futur, essayons de bien discerner l’inutile affolement des populations avec la très utile prévention …
Yves Duboys Fresney
Mars 2018
[1] Autre source : entre 20 et 50 m sur le littoral aquitain
[2] Les hauteurs des eaux de la Seine sont les statistiques les mieux connues.
[3] Correspondant souvent à la poursuite de la courbe à l’identique
[4] Sauf l’effet du gel qui reste mineur
[5] L’arche d’Etretat existe depuis très longtemps ; elle est certifiée dès le 16ème siècle ; à sa disparition et avec la fin du chêne d’Allouville, l’attrait touristique de la région risquera d’être modifié !