Le nom de famille remplace le nom patronymique
Le législateur
nous promettait parait-il cette réforme depuis au moins dix ans ; une
loi du 8 janvier 1993 annonçait déjà, quant aux prénoms, une volonté d’assouplir
les règles de l’état civil ; précédemment encore, une loi du 23 décembre
1985 avait accordé à toute personne majeure la possibilité de s’adjoindre
un nom d’usage, celui-ci étant non transmissible aux descendants et ne figurant
pas sur les registres de l’état civil.
L’on met ainsi
fin aux règles finalement très traditionnelles établies par nos ancêtres révolutionnaires
– loi du 6 fructidor an II – lesquelles provenaient elles-mêmes de l’édit
de Villers-Cotterêts de 1539.
Outre la volonté
marquée de changement émanant surtout de l’Assemblée Nationale ainsi que de
notre ministre de la Justice du moment, les raisons invoquées étaient d’une
part la crainte des foudres de la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour
notre système jugé trop inégalitaire car accordant une préférence à la transmission
du nom du père ; d’autre part la volonté de prévenir le risque d’un appauvrissement
onomastique (il y a en France environ 170 000 Martin, 80 000 Dupont et
autant de Dubois avec une prévision de multiplier ces chiffres par 5 ou 10
d’ici un ou deux siècles) ; il faut noter que le Sénat s’est montré par
ses nombreux amendements plus modéré et donc plus réfléchi, étant au passage
qualifié par le rapporteur à l’Assemblée Nationale de « frileux et en
décalage par rapport aux aspirations de la Société ».
I – La loi
n° 2002-304 du 4 mars 2002 (JO du 5 mars 2002) :
L’article
311-21 du Code Civil est désormais ainsi conçu : « Lorsque la filiation
d’un enfant est établie à l’égard de ses deux parents au plus tard le jour
de la déclaration de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces
derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom
du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre
choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. En l’absence
de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix
du nom de l’enfant, celui-ci prend le nom du père.
Le nom dévolu
au premier enfant vaut pour les autres enfants communs.
Lorsque les
parents ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent,
par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à leurs
enfants. »
L’article
311-22 poursuit ainsi : « Toute personne à qui le nom d’un de ses
parents a été transmis en application de l’article 311-21 peut y adjoindre
en seconde position le nom de son autre parent dans la limite, en cas de pluralité
de noms, d’un seul nom de famille .
Lorsque l’intéressé
porte lui-même plusieurs noms, il ne conserve que le premier de ses noms de
famille portés à l’état civil.
Cette faculté
doit être exercée par déclaration écrite de l’intéressé remise à l’officier
de l’état civil du lieu de sa naissance, à compter de sa majorité et avant
la déclaration de naissance de son premier enfant. Le nouveau nom est porté
en marge de son acte de naissance. »
Enfin les
articles 23 et 25 de la loi nouvelle, relatifs aux dispositions transitoires
et à l’entrée en vigueur, sont ainsi libellés : « art 23 :
Dans le délai de dix-huit mois suivant la date d’entrée en vigueur de la présente
loi, les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale peuvent demander
par déclaration conjointe à l’officier de l’état civil pour les enfants mineurs
âgés de moins de treize ans, nés avant cette date, sous réserve que les parents
n’aient pas d’autres enfants communs âgés de treize ans et plus, l’adjonction
en deuxième position du nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis
le sien dans la limite d’un seul nom de famille. Un nom de famille identique
est attribué aux enfants communs.
Cette faculté
ne peut être exercée qu’une seule fois. »
Art 25 :
l’entrée en vigueur de la présente loi est fixée le premier jour du dix-huitième mois suivant sa promulgation. »
Avec ces nouveaux
textes, il n’est plus possible de parler de nom patronymique – de pater nomen – mais plutôt de nom de famille.
Concernant
la parité et la non discrimination des femmes, l’article 43 de la loi de
1985 avait adroitement stipulé que « toute personne majeure peut ajouter
à son nom à titre d’usage le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas
transmis le sien ».
Il semblerait
que le législateur de 2002 ait voulu aller beaucoup plus loin en faisant « table
rase » du passé ; avec peut-être, vu la rapidité du vote, quelques
incohérences à la clé : celui-ci a voulu limiter à deux le nombre de
noms ; mais dans certaines situations (filiation établie non simultanément
ou légitimation ou encore adoption), le nombre de noms portés pourrait passer
à trois ou même à quatre semble-t-il !
Aujourd’hui,
les familles doivent, à n’en pas douter, se soucier de leur nom et de la protection
de celui-ci, de l’application de la loi chacune en ce qui la concerne. Les
réponses ne peuvent être individuelles mais seulement collectives, c’est à
dire par couple ou même par famille. Il faut de toute façon réfléchir à l’avance
sur ces nouvelles données et non pas dans la précipitation de la déclaration
d’une première naissance.
Comment donc
dans l’avenir choisir le nom de ses enfants à naître conformément à l’article
311-21 nouveau ? Faut-il avant le 28 février 2005 faire une déclaration
pour adjoindre un nom à ses enfants déjà existants de moins de treize
ans? Faudrait-il enfin à sa propre majorité et avant la naissance de son premier
enfant effectuer également une déclaration pour un nouveau nom ?
Car, un nom
pourra aussi bien selon la réaction de son titulaire soit disparaître (les
enfants de père X peuvent prendre le nom de leur mère Y et dans ce cas les
petits-enfants ne pourront plus reprendre le nom de X) soit reprendre de la
vigueur (les enfants de mère Y peuvent prendre le nom de leur mère Y ou encore
l’adjoindre à celui de leur père avec X-Y ou Y-X).
Jusqu’alors, le sort des noms suivait une règle préétablie et non modifiable,
celle de la masculinité (était-ce là vraiment une injustice Madame le Garde
des Sceaux !) Aujourd’hui, la règle est fixée par la décision de ses
parents ; encore faudrait-il un plein accord de leur part et que cela
ne soit pas pour eux un sujet difficile à gérer, un de plus, voire la discorde !
Et dans ce cas, grâce soit rendu au Sénat, la règle ancienne a été maintenue :
l’enfant prend, j’allais dire reprend, le nom du père.
Le législateur
de l’an 2002 a-t-il parfaitement mesuré la portée de son vote sur l’évolution
des familles et sur la désignation de ses membres par un choix désormais multiple
de noms. A-t-il vraiment envisagé toutes les situations et tous les effets
possibles après l’usage de la loi par plusieurs générations successives. Quelle
en sera l’incidence sur les noms existants, sur les familles existantes ;
cette loi n’est-elle pas faite pour les familles recomposées qui ainsi imposeraient
la règle nouvelle à toutes les autres familles ? Comment dans l’avenir
pourra-t-on protéger son nom, en ce qu’il est par sa nature un droit de la
personnalité, permettant par exemple à chacun d’exercer ses activités sans
risquer d’être confondu avec des tiers ? Comment les règles du nom commercial
et de la non-concurrence pourront-elles évoluer désormais ? Et puis quelles
seront les incidences sur la généalogie, sur le règlement des successions ?
A-t-on bien pris en compte l’intérêt personnel de l’enfant ? A-t-on vraiment
analysé les réglementations et les tendances dans les autres pays européens ?…
II – La loi
n° 2003-516 du 18 juin 2003 (JO du 19 juin 2003)
A l’occasion
d’un changement de gouvernement au cours duquel Jean-Pierre Raffarin remplaçait
Lionel Jospin et Dominique Perben remplaçait à la Justice Marylise Lebranchu,
les nouveaux responsables politiques s’apercevaient de la difficulté de mettre
en place la réforme du nom : complexité du texte de 2002, difficulté
de rédaction du décret d’application, nombreux problèmes sociaux culturels
ou internationaux non réglés.
Le sénateur
Henri de Richemont prend alors l’initiative de revoir certains points de la
loi au moyen d’une proposition de loi, laquelle aboutira après plusieurs retouches
à la loi du 18 juin 2003 ; les caractéristiques en sont les suivantes :
l’entrée en vigueur du nouveau dispositif est repoussée du 1er
septembre 2003 au 1er janvier 2005.
L’option ultérieure
de l’enfant est supprimée
Le régime
transitoire est aménagé : les parents d’enfants dont l’aîné avait moins
de 13 ans le 1er septembre 2003 pourront demander que le nom de
celui-ci soit complété par celui des parents qui ne lui a pas transmis le
sien sous trois conditions : sur demande conjointe des deux parents,
du 1er janvier 2005 au 31 juillet 2006 et avec l’accord de cet
aîné s’il a plus de 13 ans au jour de la demande ; cet addition de nom
s’étendra obligatoirement à tous les enfants du ménage.
L’article
311-21 du Code Civil devient: « Lorsque la filiation d’un enfant est
établie à l’égard de ses deux parents au plus tard le jour de la déclaration
de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces derniers choisissent
le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom
de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans
la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. En l’absence de déclaration
conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant,
celui-ci prend le nom de celui des parents à l’égard duquel la filiation est
établie et le nom du père si sa filiation est établie simultanément à l’égard
de l’un et de l’autre.
En cas de
naissance à l’étranger d’un enfant dont l’un au moins des parents est français,
les parents qui n’ont pas usé de la faculté de choix du nom dans les conditions
du précédent alinéa peuvent effectuer une telle déclaration lors de la demande
de transcription de l’acte, au plus tard dans les trois ans de la naissance
de l’enfant.
Le nom dévolu
au premier enfant vaut pour les autres enfants communs.
Lorsque les
parents ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent,
par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à leurs
enfants. »
L’article
311-22 poursuit ainsi : « Les dispositions de l’article 311-21 sont
applicables à l’enfant qui devient français en application des dispositions
de l’article 22-1, dans les conditions fixées par un décret pris en Conseil
d’Etat. »
Puis l’article
311-23 : « La faculté de choix ouverte en application des articles
311-21 et 334-2 ne peuvent être exercée qu’une seule fois. »
III - Un décret
n° 2004-1159 du 29 octobre 2004 règle les modalités de déclaration de nom,
les déclarations conjointes de choix de nom, de changement ou d’adjonction
de nom.
En réalité
tout cela n’a-t-il pas été qu’un soubresaut créé par le monde politique et
dont la famille n’avait sans doute pas besoin ; n’aurait-on pas confondu la prééminence du père avec la prééminence du
nom du père ? Un certain nombre de personnes en ont profité pour rappeler
que la création artificielle de difficultés n’était pas faite pour préserver
la paix des ménages et qu’au-delà de l’immutabilité du nom, il y avait la nécessaire stabilité de l’état des personnes ainsi que l’unicité
de la famille.