La Nature et puis l’Homme
L’action de l’homme sur la nature est devenue un élément central de notre vie sur terre ; la nature que l’on considérait autrefois sans limite, aujourd’hui a des limites, nous le savons et nous en apercevons désormais ; il faudrait réagir, pour ceux qui ne l’ont pas encore fait.
Au fil du temps, la nature a eu un traitement variable parfois positif mais aussi parfois négatif ; les fossés de Paris ont pendant tout le Moyen Age et la Renaissance servi de décharge publique, la Seine jusqu’au 20ème siècle de tout à l’égout ; des forêts entières ont été rasées en France et en Ecosse pour satisfaire aux besoins de l’homme, à l’alimentation des forges, à la construction et à toutes les guerres navales européennes … Des réactions sont déjà intervenues sur de nombreux points pour améliorer la situation, mais le phénomène s’est aussi accru avec l’accroissement de la population.
Pour mieux comprendre et détailler cette relation Nature-Homme, nous allons en distinguer les différentes approches, en fonction des types d’actions effectivement reconnues au cours du temps :
La nature maitrisée
Il s’agit là de l’action principale et très habituelle de l’homme : depuis bien longtemps, celui-ci va chercher à dompter la nature, à la domestiquer ; elle ne sera qu’un outil en faveur d’une sorte de « dictature éclairée » ; l’homme domine la nature, il l’utilise et l’exploite à des fins personnelles et puis la modèle, la recréée à sa façon, à sa main, à son image.
Les jardins à la Française sont la meilleure représentation de cette action; ils apparaissent au XVIème puis au XVIIème siècle grâce surtout aux travaux de André Le Nôtre (1613-1700) qui en est le plus bel exemple, avec les jardins de Vaux le Vicomte puis Versailles et bien d’autres endroits par la suite, partout copiés en Europe ; on y trouve sur des espaces préalablement nivelés autour d’un château ou d’une belle demeure et puis d’un axe central, des dessins géométriques avec une symétrie d’allées, de pelouses, de parterres, de miroirs d’eau, des alignements d’arbres taillés, de haies ; l’art topiaire est à son apogée, on parle de broderies, de sculptures végétales ; les compléments architecturaux sont fréquents avec des sculptures, des escaliers, des fontaines ; l’œil placé à un endroit quelconque reçoit toujours, de çà, de là, un alignement fuyant, une perspective ; ici, tout est ordonné par l’homme ; le souci esthétique est évident mais il émane de l’homme lui-même, pas vraiment de la nature.
La campagne française, au fur et à mesure du temps a été recomposée dans le même esprit ; les champs sont remembrés avec des limites toujours rectilignes, les bocages sont séparés par des haies taillées ; en forêt, les plantations sont régulières, de même espèce et de même âge par carrés, après une coupe rase on replante en ligne puis élague, éclaircie, enfin coupe et récolte comme dans un champ ; le tracé des routes et des chemins est linéaire ; l’urbanisme aussi est géométrique.
La nature accompagnée
Ici, l’on va s’efforcer de respecter et puis d’imiter la nature pour s’y sentir d’une façon plus harmonieuse avec elle ; on essaye de retrouver le « Génie des Lieux » ; la courbe remplace la ligne droite ; les tracés deviennent sinueux, les panoramas dissymétriques ; c’est le retour au paysage antique ; l’esthétique existe aussi mais y est très différente ; tout se prête à la peinture, l’on se croirait dans un tableau.
Les jardins dits à l’Anglaise apparaissent au cours du 18ème siècle sous l’impulsion de William Kent (1685-1748) pour se généraliser au XIXème dans la plupart des jardins publics ; nous avons là un retour aux espaces plus proches de la nature, plus naturels et qui s’intègrent mieux dans l’environnement ; le style est dit paysager ou naturaliste avec des parterres, des bosquets ou les lacs aux contours irréguliers, avec un vallonnement mis en valeur et non plus arrasé, en somme un contrepied évident des jardins à la Française ; l’essentiel du paysage est fixé par la nature elle-même, l’homme ne fait que nettoyer, entretenir, embellir celle-ci.
La forêt est régulière ou jardinée mais la repousse se fait en régénération naturelle ; les bocages sont séparés de haies sauvages ; les chemins et traverses suivent les courbes de niveau du sol, ils contournent les massifs et les domaines sans pour cela les traverser en ligne directe, comme pour chercher à en voir le bout.
La nature épuisée
Malheureusement l’homme a eu la fâcheuse tendance à épuiser la nature ; dans les campagnes, au-delà de la simple cueillette, les sols agricoles régressent lentement ; ils ne sont ménagés que sous l’action des agronomes qui arriveront à imposer les jachères puis les assolements, et enfin d’une certaine manière assez critiquable, les engrais ; les forêts sont sur-exploitées et là Colbert (1619-1683) ouvre la voie de la protection nécessaire ; les fonds marins également s’épuisent, les prélèvements sont exagérés, les nations en cela rivalisent.
La replantation forestière n’est pas programmée, les haies bocagères sont supprimées, les alignements d’arbres entourant les cours de ferme, les pommiers, ne sont pas replantés.
L’homme est enclin à cet appauvrissement de la nature, par souci économique et même on peut le dire par appât du gain ; il prélève sans pour cela se soucier du renouvellement ; et puis tout de même, par obligation plus que par sagesse, il va réglementer l’usage de la nature et ainsi s’auto-limiter.
La nature maltraitée
Nous sommes là en secteur urbain ou péri-urbain, entourés donc de constructions de toute nature et de toute époque, de béton et de goudron, de mobilier urbain et de signalisations à outrance ; l’habitat initialement en matériaux naturels – bois, terres cuites, torchis et chaume – va se reconstruire en matériaux durs ou plastiques, si possible ininflammables et inaltérables ; la nature n’est souvent acceptée ici que pour une portion congrue, des petits espaces ou seulement des vasques que l’on met en premier plan des photos de présentation ou des cartes postales ; nous avons un sentiment de non retour possible.
Et puis, il y a les endroits rendus franchement hostiles à la nature et à l’homme lui-même, dangereux et puis honteux pour tous : les décharges sauvages, les ilots complets de déchets, les ruines, les endroits désaffectés ou interdits pour la santé ou la sécurité publique : Tchernobyl en est le pire exemple, avec malheureusement beaucoup d’autres endroits de ce genre, en cet état, invivable …
La nature assistée
Ici, nous sommes en situation de réaction : l’homme ne domine pas la nature, au contraire, il se met à son service, il s’y soumet volontairement ; les arbres ne sont pas taillés ; les pelouses ne sont pas tondues – une seule coupe annuelle - , les herbes folles poussent partout et d’ailleurs on ne parle plus de mauvaises herbes ; les bas-côtés des routes, des autoroutes ou des voies ferrées ne sont pas entretenus en dehors des soucis de sécurité, le tue-herbes est prohibé et l’engrais non naturel – chimique – également.
La forêt est là encore jardinée ; elle est mixte, c’est-à-dire autant feuillue que résineuse, en mélange ; elle n’est pas véritablement exploitée sauf à faire quelques prélèvements nécessaires ; les bois et arbres morts sont laissés sur place.
Cette attitude est adoptée désormais par un certain nombre de personnes privées ou de collectivités publiques dans le cadre d’une politique de bio-diversité ; la nature s’y retrouve mais pas forcément la finance … ni l’esthétique …
Et puis, la nature conservée
Pour faire face à la dégradation inquiétante de la nature, certaines personnes donnent une réponse radicalement opposée, très conservatrice ; ils sont prêts à renvoyer la nature à son état primitif, à refermer les étangs artificiels, à recréer les zones humides là où elles existaient autrefois, à contrôler voire interdire la pénétration de l’homme dans certains secteurs dits sensibles, à chercher le retour à la forêt primaire; cette dernière se régénère toute seule, pousse et puis meure et pourrit sans aucune intervention humaine ; en fait on ne touche à rien, pour tenter donc un retour radical et global à l’état d’origine, à l’époque où la nature était vierge, comme une mise sous vitrine, dans un musée, au moins d’une partie de notre territoire.
Des zonages sont pour cela réservés et délimités en forêt, en montagne ou sur le littoral ; l’Office National des Forêts et le Conservatoire du Littoral agissent dans ce sens ; la loi littoral permet d’imposer des interdits en matière d’activité humaine et même d’accès à certains endroits qui sont ainsi sanctuarisés ; dans le bois de Vincennes, une parcelle de 4ha50 est depuis la tempête de 1999 conservée intacte, à l’état brut, clôturée et interdite au public et même aux services.
Conclusion : l’homme a toujours suivi sur terre ses objectifs personnels, d’abord de survie puis de conquêtes, à un niveau individuel mais aussi collectif ; nous avons tout de même le sentiment que dans le passé, il se dégageait de grandes tendances, au Moyen-Age, les défrichements forestiers, au 16ème siècle les grandes conquêtes, l’apport de l’Italie, au 17ème l’aménagement paysager à la Française – la nature maîtrisée - , au 18ème et 19ème l’aménagement à l’Anglaise – la nature accompagnée – et puis l’essor de l’agriculture et de l’industrie, au 20ème la nature maltraitée par les progrès techniques ; aujourd’hui, l’on retrouve de tout, à l’extrême, de bonnes et puis parfois de mauvaises initiatives ; de plus l’homme se positionne d’une façon très variable et souvent opposée sur tous ces sujets ; la volonté de progresser est annihilée par les divergences de vues ; plutôt que de chercher les meilleures solutions par un élan commun, l’homme se perd dans des querelles intestines, et puis dans ses propres contradictions.
Par exemple, il nous faudrait régler cette controverse entre les pays dits développés et ceux dits en voie de développement : les premiers imposent à tous, à eux-mêmes mais aussi aux autres, des règles strictes de limitation en matière écologique et de respect de la nature, par exemple de la forêt, alors qu’ils ne les respectaient pas à un moment où ils étaient eux-mêmes en voie de développement !
Certains points sont importants et primordiaux à sauver comme le réchauffement climatique – de cela, on parle souvent – , le traitement des ordures humaines – les îles-déchets du Pacifique, des Maldives ou d’ailleurs - dont on ne parle pas assez - , encore et toujours la déforestation, autrefois ici-même, aujourd’hui ailleurs, et puis l’utilisation du sol entre les différentes affectations rurales, forestières et urbanisées qui fait l’objet de tensions entre les groupes concernés.
Désormais, il est évident et il n’y a pas d’autres choix, la nature doit être préservée ; malheureusement, encore une fois, nous n’avons pas tous la même approche, la même ligne de conduite : les uns sont proches de l’inconscience – après nous le déluge - les autres sont d’une sensiblerie exagérée – ne pas faire mal à un arbre – . Il nous faut ensemble trouver les remèdes pour vivre avec la nature à nos côtés, en bonne entente avec elle et puis entre nous, le plus longtemps possible…
Juin 2015 - YDF
PS : Vu du ciel, la France a l’aspect d’un beau jardin, tout est propre ; les avions, les drones les montgolfières nous laissent toujours de belles images de notre territoire ; par contre, à terre et donc vu du sol, la qualité n’est pas toujours là, nous pouvons selon le message que l’on veut transmettre, y faire de très belles photos mais aussi y dénoncer les mauvais endroits ; et puis, vu de très près, c'est-à-dire à la loupe ou au microscope, la situation devient catastrophique, plus souvent qu’on ne le pense, les fines particules nocives se retrouvent partout y compris aux endroits inhabités comme les pôles ou bien dans les océans ; les études scientifiques sont souvent alarmistes, avec toutefois une réserve : ces recherches à un degré similaire n’existaient pas autrefois et donc l’analyse comparative est impossible. Au final, le jugement porté sur ces questions ne dépend-il pas de l’endroit où l’on pose ses yeux …